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Un programme musical en forme de provocation historique

Paris
Salle Pleyel
12/06/2010 -  
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 3 «Héroïque» en mi bémol majeur, opus 55 (premier mouvement)
Serge Prokofiev : Voïna i Mir, opus 91: Ouverture et Valses
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Ouverture 1812, opus 49

Polina Kutepova, Mikhaïl Phillipov (récitants)
Orchestre symphonique Tchaïkovski, Vladimir Fedosseïev (direction)


V. Fedosseïev (© Roman Goncharov)


Que voilà donc un bien curieux programme: en effet, il est rare de voir joué un seul mouvement d’une symphonie de Beethoven, qui plus est en guise de prélude à un concert dédié à la musique russe! En vérité, comme le présente d’ailleurs le programme, mieux vaudrait parler de week-end de musique russe puisque la Salle Pleyel a successivement affiché Vadim Repin et Boris Berezovsky samedi soir (dans Prokofiev, Janácek et Ravel), l’Orchestre symphonique Tchaïkovski de Moscou dimanche après-midi (dans un programme associant Pierre et le loup, avec Marie-Christine Barrault comme récitante, et Tchaïkovski) et Evgueni Kissin dimanche soir (interprétant Schumann et Chopin). La nouvelle prestation de l’Orchestre symphonique Tchaïkovski de Moscou, toujours placé sous la direction de Vladimir Fedosseïev, s’inscrivait dans ce cycle qui prenait lui-même place dans le cadre des festivités de l’année France–Russie 2010. Signalons également dans ce cadre général l’exposition consacrée à «Lénine, Staline et la musique» qui se tient jusqu’à la mi-janvier 2011 à la Cité de la musique (voir ici).


On peut néanmoins s’étonner de la composition du programme de ce soir qui, alors que l’année France–Russie 2010 pouvait être le cadre de festivités rapprochant nos deux pays, enfonçait un coin dans la légende napoléonienne à laquelle notre esprit cocardier est pourtant si attaché! Lors de leur précédente venue au mois de mars 2009 (voir ici), Vladimir Fedosseïev et l’Orchestre symphonique Tchaïkovski de Moscou avaient clairement opté pour un programme aux couleurs de l’Est, associant ainsi le Tchèque Dvorák au Russe Tchaïkovski. De même, deux jours avant le concert de ce soir, l’Orchestre symphonique Tchaïkovski de Moscou donnait à Amiens une représentation consacrée à Chostakovitch (le Second Concerto pour violoncelle avec Alexander Kniazev en soliste) et à Tchaïkovski (la Quatrième Symphonie). Au regard de ces précédents programmes, celui de ce soir s’avérait a priori plus disparate. Démarrant au temps du jeune Napoléon Bonaparte, dénomination qui figurait sur la partition de Ludwig van Beethoven (1770-1827) avant qu’il ne rature la dédicace, le concert se poursuivait sous les auspices de Léon Tolstoï (1828-1910), dont on célèbre cette année le centenaire de la mort et qui, dans Guerre et Paix (1865-1869), a longuement décrit les guerres napoléoniennes et plus spécifiquement la douloureuse Campagne de Russie. Aussi, les extraits de l’opéra de Serge Prokofiev (1891-1953) et l’exécution de la célèbre Ouverture 1812 de Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) ont-ils rappelé à qui l’aurait oublié que Napoléon avait eu quelques démêlés avec la Russie d’Alexandre Ier et son maréchal Mikhail Koutouzov, début de sa chute et de la légende ternie...


Commençons donc avec cet extrait symphonique de la célèbre Symphonie «Héroïque» créée à Vienne en avril 1805. Précédé par la lecture d’un passage de Guerre et Paix par l’acteur de théâtre et de cinéma Mikhaïl Phillipov, il frappe par la couleur mate de l’orchestre, sombre, étouffé, où la petite harmonie a bien du mal à se faire entendre. Vladimir Fedosseïev, guère partisan d’épanchements et de grandiloquence, en donne une version très lisse qui, si elle est appréhendée dans le bon tempo, souffre néanmoins d’un manque d’ampleur et de vision.


Sans aucune pause, Mikhaïl Phillipov enchaîne son récit, illustré par l’introduction des violoncelles dans l’ouverture de Tchaïkovski et par le début de la scène du bal de l’opéra de Prokofiev. Or, qu’il s’agisse de l’Ouverture de Guerre et Paix (1941) ou du récit déclamé par Phillipov, on est à mille lieues de la ferveur du peuple russe face à l’adversité telle qu’elle a pu être décrite en 1812 ou telle qu’elle s’est faite jour sous les coups de l’armée du Reich en 1941. Là encore, tout est bien étale à l’image de ces cuivres trop maîtrisés (là où on attendait et aimerait quelques débordements), qui ne donnent aucun éclat à une partition assez peu attrayante.


La seconde partie du concert débute par un long passage de Guerre et Paix déclamé cette fois par l’actrice russe Polina Kutepova. Après qu’elle a raconté comment la jeune Natacha Rostova avait rencontré au bal le prince André Bolkonsky, l’orchestre interprète quelques brefs extraits de la scène du bal, distillant une atmosphère où les timbres volontairement grinçants de la clarinette basse et du cor anglais nous éloignent de toute amabilité convenue. Enfin, après que les deux narrateurs ont décrit comment le prince se fit mortellement blesser lors de la guerre contre les armées napoléoniennes, brisant ainsi un amour qui n’avait pas encore vécu, Vladimir Fedosseïev lance l’Orchestre symphonique Tchaïkovski dans l’Ouverture 1812. Pièce de circonstance, requérant un orchestre pléthorique (neuf contrebasses ce soir) et endiablé, cette ouverture prolonge une soirée bien terne: où est donc la légendaire fougue des cosaques? Où sont les charges fougueuses conduites par Ney et Murat? Là encore, et bien que la remarque s’applique à un autre contexte historique, on ne peut que regretter cette «morne plaine»... Il faut attendre les deux bis, dont un délicat «Ballet des sylphes» extrait de La Damnation de Faust de Berlioz, pour que l’orchestre se révèle enfin: c’est trop tard.


Le site de Vladimir Fedoseyev
Le site de l’Orchestre symphonique Tchaïkovski



Sébastien Gauthier

 

 

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