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Le charme et la raison Paris Salle Pleyel 11/26/2010 - et 21 (Genève), 25 (Basel), 27 (Aix-en-Provence) novembre 2010 Franz Schubert: Die Zauberharfe, D. 644: Ouverture – An die Musik, D. 547 [1] – Geheimes, D. 719 [2] – Rastlose Liebe, D. 138 [2] – Erlkönig, D. 328 [1] – Rosamunde, D. 797: Entracte n° 3 – Ganymed, D. 544 [3] – Heidenröslein, D. 257 [2] – Du bist die Ruh, D. 776 [1] (orchestrations Max Reger [1], Bren Plummer [2] et Kurt Gillmann [3])
Johannes Brahms: Symphonie n° 2, opus 73
Angelika Kirchschlager (mezzo)
Kammerorchester Basel, Paul McCreesh (direction)
P. McCreesh (© Sheila Rock)
L’Orchestre de chambre de Bâle, bien que plus familier du Théâtre des Champs-Elysées, s’arrête cette fois-ci salle Pleyel à l’occasion d’une petite tournée européenne qui le conduit de Genève à Aix-en-Provence, mais il retrouvera l’avenue Montaigne dès le 15 décembre sous la baguette d’Attilio Cremonesi pour un programme Rossini avec Vivica Genaux.
D’ici là, c’est une autre cantatrice, Angelika Kirchschlager, qui se produit avec les musiciens suisses. En première partie, elle a choisi sept célèbres lieder de Schubert dans des orchestrations qui semblent trouver ces dernières années une faveur nouvelle, à l’image du disque enregistré en 2002 par Anne Sofie von Otter, Thomas Quasthoff et Claudio Abbado. Elle reprend, pour trois de ces lieder – A la musique (1817), Le Roi des aulnes (1815) et Du bist die Ruh (1823) – les adaptations réalisées en 1914 par Reger, mais elle recourt aussi à des versions moins connues, pour cordes seules, l’une signée en 1951 du harpiste et compositeur berlinois Kurt Gillmann (1889-1975) – Ganymède (1825) – et trois autres qui lui ont spécialement été destinées en 2007 par le contrebassiste et compositeur américain Bren Plummer (né en 1976) – Geheimes (1821), Rastlose Liebe (1815) et Heidenröslein (1815). La mezzo autrichienne, à l’aise dans l’aigu et sans avoir besoin de poitriner ses graves, varie à loisir nuances et couleurs: malgré un format vocal un peu petit pour Pleyel et une tendance à en faire un peu trop, elle n’a pas de mal, avec son tempérament enjoué et communicatif, à mettre le public dans sa poche.
Elle ne se fait donc pas prier pour offrir en bis la Romance d’Axa («La pleine lune resplendit sur le sommet des montagnes»), celle-ci effectivement orchestrée par Schubert lui-même (pour les seuls vents, altos et violoncelles) et extraite de la musique de scène pour Rosamonde (1823), dont Paul McCreesh avait dirigé en début de concert l’Ouverture – en fait celle écrite pour une autre pièce de théâtre, La Harpe enchantée (1820) – puis, en guise d’intermède, le célèbre Troisième Entracte. On ne sait dans quel grimoire le chef anglais a découvert qu’il fallait interpréter Schubert sans vibrato, mais toujours est-il que le petit effectif instrumental apporte une légèreté et une luminosité mendelssohniennes à l’Allegro vivace de l’Ouverture, tandis que l’Entracte paraît en revanche un peu indolent.
Brahms a lui-même orchestré plusieurs lieder de Schubert, dont Geheimes, mais venait après l’entracte sa Deuxième Symphonie (1877), sans doute la moins déraisonnable des quatre à pouvoir être abordée avec seulement vingt-neuf cordes, avec son caractère pastoral souligné par maint commentateur (même si certains chefs, comme Furtwängler, ont préféré en exalter le côté sombre et héroïque). En outre, leur sonorité, indépendamment même de leur nombre, semble bien maigrelette: voilà certes donc un Brahms light, privé d’ampleur et de rondeur. Surtout, McCreesh, moins énervé et plus souple que Jean-Christophe Spinosi, autre chef venu du répertoire ancien et baroque, la veille avec l’Orchestre de Paris (voir ici), ne pèche pas par excès de saveur. C’est peut-être d’ailleurs mieux ainsi, car les rares initiatives qu’il prend n’apparaissent pas toujours bienvenues, alors qu’il accomplit le plus souvent un travail consciencieux, respectueux de la partition et attentif à l’équilibre entre les pupitres: de l’Allegro non troppo initial (avec sa grande reprise), dont le développement est conduit avec un indéniable sens dramatique, au Finale, plein de verve et de mordant, son interprétation, confiée à un orchestre discipliné mais sans grand éclat instrumental, distille davantage de charme que de poésie et sollicite davantage la raison qu’elle ne suscite l’enthousiasme.
Le site de l’Orchestre de chambre de Bâle
Un site consacré à Paul McCreesh
Le site de Bren Plummer
Simon Corley
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