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Les débuts ratés d’un marathon viennois

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/23/2010 -  et 1er décembre 2010 (Berlin)
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 4 en si bémol majeur, opus 60, et n° 5 en ut mineur, opus 67
Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)


C. Thielemann (© Alvaro Yanez)


Il faut remonter à plus de vingt ans pour retrouver une affiche aussi semblable dans les salles de concert parisiennes. En effet, du 10 au 17 février 1988, l’Orchestre philharmonique de Vienne donnait l’intégralité des symphonies et des concertos pour piano de Ludwig van Beethoven (1770-1827): la direction était alors assurée par Claudio Abbado, Maurizio Pollini était le soliste, cela se passait sur la rive droite (Salle Pleyel) pour une tournée qui avait emmené l’illustre phalange de Vienne à Tokyo (où seules les symphonies avaient alors été données) en passant par New York et, donc, Paris. Depuis, le Philharmonique a donné quelques symphonies de Beethoven dans la capitale française: la Huitième sous la direction énergique de Riccardo Muti le 26 avril 1993, la Cinquième sous la baguette magique de Sir Simon Rattle le 12 mai 2000 (voir ici) et la Pastorale sous celle, catastrophique cette fois, de Lorin Maazel le 1er mars dernier (voir ici). En outre, voilà près d’un an jour pour jour, c’était au tour de Christian Thielemann de diriger les Septième et Huitième (voir ici). Aussi surprenant que cela puisse éventuellement paraître, Beethoven ne constitue donc pas, tant s’en faut, une figure obligée dans le répertoire de l’orchestre en tournée, même s’il en constitue un pilier depuis la naissance de l’orchestre en 1842.


Le ressenti du concert donné il y a un an par les mêmes interprètes avait été mitigé: le bilan de cette soirée s’avère, lui, franchement décevant, pour ne pas dire plus. La faute en incombe, en premier lieu et à l’évidence, à Christian Thielemann. Le colosse allemand a toujours autant de mal à canaliser son énergie, ne cessant de s’agiter sur son podium, sa direction alliant des génuflexions incessantes avec une battue visuellement toujours aussi étrange (les temps étant marqués en levant, les bras marquant la mesure par un vaste mouvement d’oscillation du buste très difficile à suivre): le résultat ne se fait pas attendre et s’avère immédiatement désordonné. Pourtant, la Quatrième Symphonie (1805) requiert, plus que d’autres opus peut-être, une grande finesse orchestrale et un véritable sens du ciselage musical. D’entrée, Thielemann adopte néanmoins une conception brucknérienne de l’œuvre (dans le mauvais sens du terme), les premiers accords étant pris beaucoup trop lentement au point de conduire les cordes au bord de la rupture et de mettre en difficulté Dieter Flury (flûtiste solo) dès sa première attaque. L’Allegro vivace sera à l’image de l’Adagio introductif, l’orchestre avançant de façon massive bien que son effectif soit relativement allégé (seulement six contrebasses, une flûte, deux cors...). Le deuxième mouvement, superbe Adagio marqué par une grande limpidité des lignes et une sérénité non moins importante, est lui aussi pris trop lentement, Christian Thielemann ignorant toute dynamique au profit d’un climat extatique qui conduit rapidement à l’immobilisme. Plus convaincant, l’Allegro vivace permet au Philharmonique de rappeler qu’il est en principe un des meilleurs orchestres du monde, même si l’on a connu cordes plus onctueuses, cors plus brillants et bois moins verts. Le dernier mouvement, Allegro ma non troppo, est bien enlevé mais subit lui aussi quelques défaillances (le basson de Michael Werba, pourtant très bon au cours du reste du concert), la principale consistant à ralentir les derniers accords à la limite de la caricature.


La seconde partie du concert était consacrée à l’œuvre beethovénienne par excellence, la Cinquième Symphonie, créée en décembre 1808. A cette occasion, les effectifs de l’Orchestre philharmonique de Vienne sont quelque peu modifiés: une femme altiste (la brune Daniela Ivanova) rejoint ainsi sa consœur, la blonde Ursula Plaichinger, portant ainsi ce soir à six le nombre de femmes évoluant au sein de la prestigieuse phalange dont la Konzertmeisterin Albena Danailova (même si le premier violon solo était, ce soir, assuré par Rainer Küchl, en poste depuis 1971!) et Isabelle Ballot, violoniste angevine ayant intégré le Philharmonique en 2004. Par ailleurs, Dieter Flury est remplacé par le légendaire Wolfgang Schulz à la flûte, Martin Gabriel prenant la place de Clemens Horak comme hautboïste solo, les effectifs étant également augmenté de deux contrebasses, de deux cors, d’une seconde flûte, d’un piccolo et de trois trombones. Ce seront bien les seuls changements puisque la conception de Thielemann, bondissant sur l’estrade (manquant d’ailleurs de trébucher) et attaquant les fameux premiers accords alors que les applaudissements n’étaient pas encore terminés, sera de la même eau que lors de la première partie. Brutale et brouillonne, sa direction et son empressement (qui, paradoxalement, contraste avec les tempi généralement adoptés) conduisent certes à de très bons moments mais évincent les grandes lignes de chaque mouvement: à aucun moment, le chef ne délivre de véritable vision, déroulant la symphonie de façon aussi sèche que grandiloquente. Le premier mouvement (Allegro con brio) est conduit à la hache, la fin n’emportant nullement les auditeurs tant la dimension implacable des échanges entre les cordes et les vents fait cruellement défaut. On n’en dira pas autant du deuxième mouvement (Andante con moto), qui permet à l’orchestre de briller davantage, même si la cohésion des cordes subit plusieurs anicroches. On regrette par ailleurs que la direction de Thielemann conduise également à des variations de nuances qui n’ont pas lieu d’être, la partition perdant là encore en cohérence. Enfin, on ne peut que déplorer le manque de progression concluant le troisième mouvement pour servir de transition avec le quatrième qui, après avoir débuté par des accords éclatants mais abordés avec beaucoup de retenue, est ensuite joué trop rapidement. Là encore, on se demande quelle peut être la vision de cette symphonie par Christian Thielemann, si tant est qu’il en ait une.


L’ovation néanmoins reçue par le Philharmonique de Vienne a permis au public de bénéficier d’un bis qui, sans grande imagination, fut une ouverture de Beethoven. Alors qu’on aurait pu avoir la surprise d’entendre celle du Roi Etienne ou des Ruines d’Athènes, Christian Thielemann dirigea avec une certaine désinvolture celle d’Egmont, qui figurait déjà au programme officiel du concert qu’il avait dirigé au Théâtre des Champs-Elysées voilà près d’un an à la tête du même orchestre. Là encore, point de frisson mais beaucoup de déception...


Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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