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Sage Elektra

Geneva
Grand Théâtre
11/10/2010 -  et 13, 16, 19, 22, 25 novembre 2010
Richard Strauss: Elektra

Eva Marton (Klytämnestra), Jeanne-Michèle Charbonnet (Elektra), Erika Sunnegårdh (Chrysothemis), Jan Vacík (Aegisth), Egils Silins (Orest), Ludwig Grabmeier (Le Précepteur), Magali Duceau (La Confidente), Cristiana Presutti (La Porteuse de traîne), Manfred Fink (Un Jeune Serviteur), Slobodan Stankovic (Un Vieux Serviteur), Margaret Chalker (La Surveillante), Isabelle Henriquez (La Première Servante), Olga Privalova (La Deuxième Servante), Carine Séchaye (La Troisième Servante), Sophie Graf (La Quatrième Servante), Bénédicte Tauran (La Cinquième Servante)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, hing-Lien Wu (direction), Orchestre de la Suisse Romande, Stefan Soltesz (direction musicale)
Christof Nel (mise en scène), Martina Jochem (analyse scénique), Roland Aeschlimann (scénographie), Bettina Walter (costumes), Susanne Reinhardt (lumières)
Co-production avec le Deutsche Oper am Rhein Düsseldorf-Duisburg


(© GTG/Vincent Lepresle)


Elektra n’avait pas été donnée à Genève depuis 1990, lorsque, dans une reprise d’un spectacle d’Andrei Serban, Gwyneth Jones affrontait Leonie Rysanek. Cette nouvelle production a été confiée au metteur en scène allemand Christof Nel. Au lever de rideau, Clytemnestre serre un bébé contre elle, avant qu’il ne lui soit brutalement enlevé: Iphigénie est sacrifiée par son père, Agamemnon, pour apaiser la colère des dieux. Clytemnestre se venge en tuant son époux au retour de la guerre de Troie. En prenant comme point de départ le meurtre d’Iphigénie, Christoph Nel éclaire d’une lumière nouvelle l’ouvrage de Richard Strauss et d’Hugo von Hofmannsthal, faisant de Clytemnestre une victime, une femme ravagée par la mort de sa fille.


Dans un décor gris et sombre sans référence à la Grèce antique, au centre duquel pivote un grand cube percé de nombreuses fenêtres et représentant le palais de Mycènes (qui se fissurera à la fin), la haine et le désir de vengeance des protagonistes n’éclatent jamais au grand jour, tout est feutré, intellectualisé, intériorisé, tout se joue dans les regards et les gestes qui régissent les confrontations entre les personnages. Les retrouvailles entre Electre et Oreste sont d’ailleurs superbes, la sœur et le frère se lovant au sol pour ne former plus qu’un. Les serviteurs (le chœur de la tragédie grecque) sont silencieux lorsqu’ils pointent un doigt accusateur sur Electre, comme si le non-dit était ici la règle. Si la direction d’acteurs est aboutie, si les détails sont réglés avec soin et si l’ensemble affiche une grande cohérence, la production n’en reste pas moins très sage, sans la fureur et la folie qui sont la marque d’Elektra.


Très sage, la lecture de Stefan Soltesz l’est aussi, sans les débordements violents qu’offre la partition de Richard Strauss. Et pourtant, force est de reconnaître le travail d’orfèvre réalisé par le chef: jamais il ne couvre le plateau, jamais il ne fait jaillir de la fosse un maelström sonore informe, au contraire il joue sur du velours, faisant entendre le moindre détail et atteignant des paroxysmes de transparence, avec une grande homogénéité de tous les pupitres. Alors tant pis pour le frisson que doit ressentir le spectateur dès la première note.


Elektra est un des rôles les plus écrasants du répertoire, et Jeanne-Michèle Charbonnet, belle Isolde dans la production d’Olivier Py il y a quelques années, est constamment sur le fil du rasoir, à l’extrême limite de ses moyens. Sa voix, essentiellement lyrique, est à la peine dans les passages les plus violents, mais les difficultés vocales (large vibrato, problèmes d’intonation et souffle court) confèrent une certaine fragilité au personnage. Malgré des changements de registre problématiques, Eva Marton - qui a été l’Elektra d’Abbado en 1989 - maîtrise sa ligne de chant et ne s’égare jamais dans la déclamation. Sa reine névrosée est ici vue comme un personnage manipulé par un groupe de serviteurs toujours derrière elle. L’Oreste d’Egils Silins impressionne par ses accents sépulcraux. La révélation de la soirée est sans conteste la Chrysothemis d’Erika Sunnegårdh, au chant pur et délicat, à l’image de son personnage de très jeune fille vêtue de blanc, tenant dans ses mains un voile de mariée, comme pour mieux souligner son aspiration à une vie normale.



Claudio Poloni

 

 

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