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Les jeux sont ouverts

Paris
Salle Gaveau
11/11/2010 -  
Francis Poulenc : Sonate pour violon et piano, FP 119 [1]
Eugène Ysaÿe : Poème élégiaque, opus 12 [1] – Sonate pour violon seul n° 1, opus 27 n° 1 [4]
Klaus Huber : Intarsimile (création) [1, 2, 3, 4, 5, 6]
Richard Strauss : Sonate pour violon et piano, opus 18 [1]
Arvo Pärt : Fratres [2]
Lili Boulanger : Nocturne et Cortège [2]
Ludwig van Beethoven : Sonates pour violon et piano n° 5 «Le Printemps», opus 24 [2], et n° 6, opus 30 n° 1 [5]
Claude Debussy : Sonate n° 3 pour violon et piano [3]
Anton Webern : Quatre Pièces, opus 7 [3]
Johannes Brahms : Sonate pour violon et piano n° 1, opus 78 [3]
Dimitri Chostakovitch : Dix Préludes, opus 34 (arrangement Dmitri Tsyganov) [3]
Maurice Ravel : Sonate pour violon et piano n° 2 [4]
Robert Schumann : Sonate pour violon et piano n° 1, opus 105 [4]
Camille Saint-Saëns : Havanaise, opus 83 [5]
Igor Stravinski : Divertimento [5]

Eugen Tichindeleanu [1], Mathilde Borsarello-Herrmann [2], Guillaume Chilemme [3], Tatsuki Narita [4], Solenne Païdassi [5] (violon), Georgiy Dubko [1], Samuel Parent [2], Véronique Grange [3], Caroline Esposito [4, 5] (piano)


(de gauche à droite) E. Tichindeleanu, G. Chilemme, S. Païdassi, M. Borsarello-Herrmann, T. Narita
(© Jérôme Panconi)



Devenus biennaux depuis 2007, les concours de piano et de violon Long-Thibaud adopteront un rythme triennal dès 2012, puisque s’y insérera, une année sur trois, une session lyrique dont la première édition se tiendra à l’automne prochain. On en revient donc ainsi aux cycles de trois ans qui avaient prévalu depuis 1986, à la différence que l’année de relâche est remplacée par une année consacrée au chant, à l’image de ce que fait le concours Reine Elisabeth depuis 1988. Pour l’heure, deux ans après la victoire de la Coréenne Hyun-Su Chin (voir ici), c’est le retour de la session violon, sous l’œil d’un jury présidé par Devy Erlih (premier grand prix 1955) et comprenant par ailleurs les violonistes Thomas Brandis, Pamela Frank, David Grimal, Mie Kobayashi (premier grand prix 1990), György Pauk (premier grand prix 1959) et Guillaume Sutre ainsi que le pianiste Christian Ivaldi et le chef Pascal Verrot.


A l’issue de la présélection (sur disque), seulement dix-sept candidats ont été retenus (sept Français, six Japonais, trois Coréens et un Roumain). Après les éliminatoires et la demi-finale (au Conservatoire régional de région, rue de Madrid), ils ne sont plus que cinq en finale, soit autant que de prix pouvant être attribués, âgés de dix-huit à vingt-neuf ans, les escouades japonaises et coréennes ayant été respectivement réduites à une unité et entièrement éliminées. Comme de coutume, l’ultime épreuve se déroule en deux temps, avec d’abord un récital d’une heure assorti de seulement deux contraintes, ce dont la plupart n’ont pas manqué de tirer parti pour sortir un peu des sentiers battus: une œuvre de musique française (ou de Franck, Honegger, Lekeu ou Martin) dont le choix est entièrement libre et l’œuvre imposée, sans laquelle un concours ne serait pas un vrai concours, commandée cette année à Klaus Huber. Intarsimile dure à peine six minutes et se fonde de manière tout sauf évidente sur le Quintette à cordes en sol mineur et le Vingt-septième Concerto pour piano de Mozart, sur lesquels le compositeur suisse a déjà précédemment travaillé dans plusieurs de ses partitions datant des quinze dernières années (Ecce homines, Concerto de chambre «Intarsi», Intarsioso): la plupart des interprètes sauront mettre en valeur le potentiel expressif et l’intensité de ces très courtes phrases tantôt rêveuses, tantôt vindicatives, entrecoupées de silences.


A la faveur de ce jour férié (et pluvieux), nombreux sont ceux qui ont préféré se rendre salle Gaveau plutôt que de rester confortablement suivre les prestations en direct sur Arte Live Web (qui les rediffusera ensuite sur son site durant trois mois). Ils n’auront pas regretté le déplacement, car le niveau apparaît globalement très satisfaisant, même si en début d’après-midi, le premier concurrent, Eugen Tichindeleanu (né en 1981), ne tient pas toutes les promesses de ses premier prix au concours Enesco de Bucarest (2003) puis à Lyon en duo avec la pianiste Nozomi Matsumoto (2007) et de son quatrième prix au concours Nielsen d’Odense (2008), mais aussi de son début flamboyant dans la Sonate (1943/1949) de Poulenc. Le Roumain, qui joue sur un Montagnana de 1729, a suivi en 2006-2007 un cycle de perfectionnement au Conservatoire de Paris auprès d’Olivier Charlier et Jean-Jacques Kantorow et a rejoint les pupitres des premiers violons de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Il ne force pas le trait dans le Poème élégiaque (1895) d’Ysaÿe (antérieur d’un an à celui de Chausson, qui lui sera dédié) et semble rester un peu à trop à la surface de la création de Huber. Mais c’est surtout dans la Sonate (1888) de Richard Strauss, qu’il peine à tenir la distance d’un programme excédant largement l’heure et à exprimer une personnalité réellement originale, passant même assez près de la catastrophe dans l’Allegro final.




Originaire d’une famille de musiciens, Mathilde Borsarello-Herrmann (née en 1982) a été formée aux Conservatoires régional puis national de Paris, notamment par Patrice Fontanarosa, Jean-Jacques Kantorow et Roland Daugareil. Elle fait désormais partie des seconds violons de l’Orchestre national de France et joue sur un violon Genovese (première moitié du XXe siècle). Après avoir fait preuve d’un bel engagement dans la pièce de Huber, elle convainc par une sonorité plus profonde que celle de son collègue roumain en même que par un caractère plus spontané dans Fratres (1977/1980) de Pärt. Dans le court diptyque formé de Nocturne (1911) et Cortège (1914) de Lili Boulanger, elle ravit par son aptitude à en capter l’ambiance idyllique et pleine de vie, conduisant naturellement à une Cinquième Sonate «Le Printemps» (1801) de Beethoven non seulement d’une parfaite tenue, mais témoignant d’une fraîcheur, d’un plaisir de jouer et d’une variété d’expressions très stimulants: un récital de quarante-sept minutes seulement, mais qui suffisent à la placer parmi les favoris.


A 17 heures, c’est un autre Français qui ouvre le deuxième temps de cette journée. Guillaume Chilemme (né en 1987) est né à Toulouse, où il a d’abord étudié au Conservatoire national de région avant de suivre l’enseignement de Boris Garlitsky et Pierre-Laurent Aimard à Paris, puis de Stephan Picard (second violon du Quatuor Michelangelo) à Berlin. Sur un Antonio Castagneri de 1741, il débute un programme sans doute trop ambitieux (soixante-dix minutes) par Intarsimile, avec davantage de corps que ses deux prédécesseurs, mais moins de naturel que sa compatriote. Dramatique, passionnée et versatile à souhait, sa Sonate (1917) de Debussy se fait même parfois langoureuse. La suite paraît malheureusement plus en retrait, que ce soit dans les Quatre pièces (1910) de Webern ou dans la Première Sonate (1879) de Brahms, fine et paisible, équilibrée et conduite avec sérieux, mais ne suscitant guère l’intérêt. Alors que l’heure est déjà atteinte et qu’on entend fâcheusement le son d’un autre violoniste s’échauffant non loin de là, il conclut avec une verve aussi fantasque que précise sur l’arrangement par Dmitri Tsyganov (premier violon du Quatuor Beethoven de 1922 à 1977) de dix des vingt-quatre Préludes de l’Opus 34 (1933) de Chostakovitch.


Tatsuki Narita (né en 1992) est le benjamin de cette finale. Ayant suivi un cursus à l’école Toho Gakuen de Tokyo, il a déjà été demi-finaliste au concours Paganini (2008) et a reçu l’enseignement de Jean-Jacques Kantorow à Paris. Après avoir restitué de manière gracieuse et sensible, voire fragile, le morceau de Huber, il s’illustre à la fois par sa subtilité et son charisme une Seconde Sonate (1927) de Ravel aérienne, élégante et agile, où il bénéficie en outre de l’excellent accompagnement de Caroline Esposito – on déplorera à cet égard que les noms des pianistes n’aient été donnés ni dans le programme de salle, qui ne comporte en outre aucune biographie des candidats, ni lors de leur présentation au public par Michèle Larivière, qui n’omet pourtant pas de mentionner systématiquement le nom du luthier ayant conçu l’instrument sur lequel ils jouent. Complet et solide, le Japonais confirme une maturité et une musicalité étonnantes pour son âge dans la Première Sonate pour violon seul (1923) d’Ysaÿe: la netteté d’articulation, la profondeur et la fluidité du propos demeurent intactes, mais le son se fait plus plein, de même que sa Première Sonate (1851) de Schumann sait aussi dispenser chaleur et tendresse.


Seule candidate de la séance de 20 heures, Solenne Païdassi (né en 1985) possède déjà notamment à son actif le troisième prix et le prix du public au concours de Sion Valais (2006), le deuxième prix à Tongyeong (2007) et le quatrième prix à Hanovre (2009). Sur le Lorenzo Storioni de 1779 qui lui est prêté depuis février dernier, la Niçoise, assurément la plus hédoniste des cinq, aborde Beethoven avec appétit et esprit, déployant un jeu d’une séduisante variété, en adéquation avec la tonalité classique en même temps que radieuse de sa Sixième Sonate (1802). Dans la Havanaise (1887) de Saint-Saëns, elle préfère le charme et le chic à l’affectation et aux déhanchements abusifs, mettant en outre en valeur de magnifiques aigus, puis son approche d’Intarsimile, très travaillée, constitue un bon compromis entre ses exigences instrumentales et expressives. Le Divertimento (1934) de Stravinski, regroupant des extraits de son ballet Le Baiser de la fée, lui-même écrit sur des thèmes de Tchaïkovski, lui permet de montrer son sens de l’humour, sa puissance et même, au besoin, sa rugosité. Abattage, saveur et truculence sont au rendez-vous, mais il est difficile de ne pas se dire qu’elle aurait probablement pu exprimer davantage de facettes de sa personnalité, comme sa rivale française, si elle n’avait pas exclusivement porté son choix sur des œuvres de caractère optimiste, insouciant ou plaisant.


Après cette épreuve de récital, les jeux sont donc très ouverts: le volet concertant de la finale départagera-t-il clairement des candidats dont trois se sont d’ores et déjà posés comme de sérieux prétendants à un premier grand prix?


Le site du concours Long-Thibaud
Le site de Klaus Huber
Le site de Solenne Païdassi



Simon Corley

 

 

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