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Trois ténors pour Desdémone

Lyon
Opéra
11/07/2010 -  et 9 (Lyon), 11 (Paris) novembre 2010
Gioacchino Rossini : Otello, ossia Il Moro di Venezia
John Osborn (ténor), Anna Caterina Antonacci (Desdemona), Marco Vinco (Elmiro), Dmitry Korchak (Rodrigo), José Manuel Zapata (Iago), Josè Maria Lo Monaco (Emilia), Fabrice Constans (Lucio), Tansel Akzeybek (Le Doge, Un gondolier)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Evelino Pidò (direction)


D. Korchak


Il y a loin de cet Otello, ossia Il Moro di Venezia à la pièce de Shakespeare. Et il n’est pas à Rossini ce que le sien est à Verdi. Le Marquis Berio a fâcheusement tripatouillé le chef-d’œuvre de l’Anglais et l’on serait bien en peine de trouver quelque mérite à son travail. Reste la musique de Rossini, qui fait son effet, nous vaut des pages à la virtuosité éblouissante et nous offre un troisième acte superbe, avec cette chanson du Saule où la Malibran tirait des larmes, d’une pureté mélodique annonçant Bellini… ou Chopin – la chanson du Gondolier, elle, passera chez Liszt, dans la « Canzone » de Venezia e Napoli. Et la création napolitaine, en 1816, réunissait la Colbran, Nozzari en Otello et David fils en Rodrigo, le premier plus central, le second à l’aigu éclatant : la troupe du San Carlo comptait des stars. Il y avait d’ailleurs un autre ténor, le moins connu Ciccimarra, qui chantait Iago. Trois ténors pour Desdémone : on en aurait davantage encore dans Armida, où l’on retrouverait Nozzari et Ciccimarra. Ne nous étonnons donc pas si le vilain Iago n’est pas encore une clé de fa : l’heure du baryton n’a pas encore sonné et les tessitures étaient, à l’époque, assez diversifiées pour que la caractérisation n’en pâtisse pas trop – on n’avait pas non plus liquidé totalement l’héritage belcantiste.


Sans combler toutes les attentes, le concert lyonnais – que le Théâtre des Champs-Elysées a mis à l’affiche le 11 novembre – témoigne d’une grande tenue, ainsi que d’un souci d’authenticité à travers les cadences composées par Philip Gossett, grand spécialiste de Rossini devant l’éternel. Habitué des lieux, spécialiste de ce répertoire, Evelino Pidò dirige avec autant d’enthousiasme que de précision, même s’il a du mal, au premier acte, à obtenir de l’orchestre toute l’homogénéité souhaitée – malgré de beaux solos du côté des vents. Les sonorités s’arrondissent à partir du deuxième acte, deviennent plus fruitées, l’ensemble plus théâtral et moins rigide. Les chœurs, en revanche, sont d’emblée exemplaires. Remarqué en Léopold de La Juive à Bastille, John Osborn faiblit un peu à partir du bas-médium, pas assez baryténor pour Otello ; mais il a du style, de l’aigu, handicapé seulement par une fâcheuse tendance à détimbrer totalement des vocalises qu’on aimerait parfois plus précises.


Le chant rossinien se trouve du coup incarné par le Rodrigo de Dmitry Korchak, naguère Demofoonte à Garnier et Nemorino à Bastille : la voix est plus timbrée et plus ronde, jusqu’au suraigu, la colorature agile et le ténor russe sait phraser le canto spianato, remportant un triomphe après le périlleux « Ah ! come mai non senti » du deuxième acte. Plus nasal de timbre, José Manuel Zapata remplace Dario Schmunck initialement prévu : moins gâté vocalement par Rossini qu’Otello ou Rodrigo, son Iago tient fort bien son rang, en particulier dans les duos, où son intimité avec l’œuvre du maître de Pesaro – dont il est un habitué - se révèle aussitôt. On attendait beaucoup d’Anna Caterina Antonacci. Elle déçoit, surtout aux deux premiers actes. La voix a perdu de sa chair et n’a pas assez de couleurs pour le bel canto rossinien – elle nous d’ailleurs toujours paru davantage destinée à l’opéra à la française, sans compter une colorature qu’on n’a jamais connue très flamboyante. Il n’est pas sûr non plus que son soprano corresponde à la tessiture de Desdémone, adaptée à la Colbran, qui avait dû garder quelque chose de son contralto originel. Après un premier acte pâle et instable, elle se reprend progressivement et réussit une très émouvante chanson du Saule, noblement phrasée. Et puis, la Antonacci, c’est un tempérament, une bête de scène, peut-être doublement bridée, par le rôle et par le concert. Les personnages secondaires sont bien campés, à commencer par le superbe Elmiro de Marco Vinco, qui n’a pourtant même pas droit à un air.


L’Opéra de Lyon, une fois de plus, montre à quel point il sait, sous la houlette de Serge Dorny, composer une programmation originale, où la rareté voisine avec le répertoire : avant d’y retrouver Werther – mis en scène par Rolando Villazón – et la trilogie Da Ponte, on aura entendu Aleko et Monna Vanna de Rachmaninov, et vu Les Mamelles de Tirésias de Poulenc.



Didier van Moere

 

 

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