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Grandiloquence de la vacuité

Paris
Opéra Bastille
02/04/1998 -  et 8*,14, 18, 21, et 27 février, les 3 et 7 mars 1998
Richard Wagner : Tristan et Isolde
Wolfgang Schmidt (Tristan), Anne Evans (Isolde), Monte Pederson (Kurwenal), Jane Henschel (Brangäne), René Pape (Le roi Marke), Stephen Salters (Melot), Scot Weir (Un jeune marin, Un berger), Alexandre Jia (Un pilote)
Stein Winge (mise en scène), Lennart Mörk (décors et costumes)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris, James Conlon (direction)

A l'un des moments culminants du long monologue de Tristan au troisième acte, le plus poignant jamais écrit par Wagner ("Nein ! Ach nein ! So heisst sie nicht ! Sehnen ! Sehnen !…"), Kurwenal… allume une cigarette. La mise en scène vulgaire, stupide et incohérente de Stein Winge atteint son acmé, le dégoût nous envahit. Déjà le premier acte nous avait infligé une monumentale armature de bateau cherchant sans doute à détourner l'attention d'un jeu d'acteur oscillant entre le conventionnel, le vulgaire (Kurwenal cherchant à engrosser Brangäne) et l'incohérence (un Melot en costume d'apparat fait croire un instant qu'il est le roi, détruisant ainsi toute la logique dramatique de la fin de l'acte). On détient donc très vite la clé du spectacle : l'inexistence de toute conception d'ensemble, l'incapacité à penser l'oeuvre compensées par une profusion stérile de décors. Le deuxième acte confirme (quelques poutres courbes en rangée évoquant des côtelettes d'agneau) et le troisième enfonce le clou avec un paysage dévasté par une guerre mais dans lequel Kurwenal trouvera néanmoins une table en formica avec un thermos de café… On décèle derrière les contre-pieds fait au texte de lointaines influences d'Ingmar Bergmann avec qui le décorateur a maintes fois travaillé (une certaine crudité psychologique) et de Bertolt Brecht (une "distanciation" et une désillusion face au mythe de Tristan et Isolde), mais un singe qui aurait vu L'Opéra de quat'sous et Persona aurait sans doute fait mieux. Pouvait-on au moins fermer les yeux et prendre un certain plaisir ? Non. Le Tristan bedonnant et débonnaire de Wolfgang Schmidt évoque tout sauf un héros tandis que l'Isolde d'Anne Evans accuse de sérieuses faiblesses vocales (faible projection, timbre uniforme, graves inexistants), sa doublure qui a chanté à la première - Carol Yahr - était d'un bien meilleur niveau. Seuls la Brangäne de Jane Henschel et le Kurwenal de Monte Pederson emportent l'adhésion. Convaincant dans Lohengrin la saison dernière, James Conlon semble dépassé par la partition de Tristan qu'il simplifie (aucune richesse polyphonique ou de timbre) pour éviter de s'y perdre. Sans doute la pire production lyrique de ces cinq dernières années à Paris, on espère que ce Tristan ne sera qu'un faux pas dans une programmation d'un niveau assez élevé par ailleurs (on ne citera que le superbe Billy Budd repris à partir du 5 mars).



Philippe Herlin

 

 

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