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L’amour, encore et toujours Lille Opéra 10/09/2010 - et 12, 14, 17*, 20, 23 octobre (Lille), 3, 5, 7, 9 (Paris), 20, 23, 25 (Dijon) novembre 2010 Georg Friedrich Haendel : Orlando Sonia Prina (Orlando), Henriette Bonde-Hansen (Angelica), Stephen Wallace (Medoro), Lucy Crowe (Dorinda), Nathan Berg (Zoroastro)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
David McVicar (mise en scène), Jenny Tiramani (scénographie et costumes), Davy Cunningham (lumières), Andrew George (chorégraphie), Paul Chantry, Emma Cole, Valeria Giuga, Henrik Jessen, Sébastien Quemere, Colm Seery, Sirena Tocco Khalatian (danseurs)
Sous l’impulsion de Caroline Sonrier, l’Opéra de Lille assoit son encrage tant national que régional tout en rayonnant sur le plan international. La preuve ? L’affiche de cette saison qui convie des artistes de France (Stanislas Nordey, Sandrine Piau, Jérémie Rhorer) et d’ailleurs (Sidi Larbi Cherkaoui, Danielle De Niese, Felicity Palmer) tandis que des formations intimement liées à la métropole ou géographiquement proches de celle-ci se produiront dans la fosse (Orchestre national de Lille, Orchestre de Picardie). Orlando ce mois-ci, la reprise d’Aventures, Nouvelles aventures, avec Denis Comtet à la direction musicale et Charlotte Nessi à la mise en scène (du 18 au 20 novembre), L’Elixir d’amour (du 12 au 27 janvier), la création de La Métamorphose de Michaël Levinas (du 7 au 15 mars), avec l’ensemble Ictus et l’informatique de l’IRCAM, et un Macbeth de Verdi (du 7 au 27 mai) monté à Glyndebourne en 2007 par Richard Jones forment la colonne vertébrale de la programmation lyrique, à suivre absolument.
L’offre en concerts et récitals s’annonce également prometteuse tels cette soirée-fleuve le 21 janvier, avec Magali Léger, Hagai Shaham, le Fine Arts Quartet, Michel Lethiec, Jurek Dybal et, de nouveau, Michaël Levinas (Bartók, Schubert, Beethoven), ce programme axé sur le jeune Beethoven par Le Cercle de l’Harmonie (1er et 2 février), ce retour du Quatuor Ebène (13 mai) ou encore cet hommage à Mondonville, tricentenaire de sa naissance oblige, par Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée (22 et 23 mars). A cela s’ajoutent les concerts du mercredi à 18 heures, reflets dans le Foyer des productions montées dans la Grande Salle, et d’autres manifestations ciblant les plus jeunes (« Opéra en famille », « Happy Days »). Quant à la danse contemporaine, elle constitue un pilier majeur de la programmation, ni plus, ni moins : Anne Teresa de Keersmaeker (du 25 au 27 novembre), Hofesh Shechter (1er et 2 décembre), Israel Galván (du 29 au 31 mars), pour n’en citer que quelques uns, complètent le calendrier concocté par cette institution ouverte, y compris à la musique indienne (25 mars), moderne et dotée, notamment grâce à sa communication, d’une véritable identité.
(© Frédéric Iovino)
Se reposer sur le talent et l’expérience de David McVicar pour cet Orlando (1733) de Haendel constitue une garantie de succès ou, du moins, de personnalité. L’Opéra de Lille avait repris son Giulio Cesare en 2007, déjà sous la direction d’Emmanuelle Haïm, mais il s’agit cette fois d’un nouveau projet, imaginé il y a trois ans et qui sera représenté le mois prochain au Théâtre des Champs-Elysées et à l’Opéra de Dijon. L’Ecossais inscrit cette tragédie mêlant amour, raison et magie au siècle des Lumières : nulle relecture décapante et recourant à un arsenal militaire vu maintes fois, mais un théâtre à la fois visuellement classique – remarquables scénographie et costumes de Jenny Tiramani – et neuf quant à son traitement. Le concept dépoussière l’ouvrage en y apportant juste ce qu’il faut d’humour (grâce à Angelica, adorable serveuse, et Medoro, prince libidineux), de fantastique (scène de la folie d’Orlando avec ces personnages mi-homme, mi animaux) et d’érotisme. L’ajout d’un rôle supplémentaire, l’Amor (muet), relève malgré tout de l’accessoire mais la chorégraphie réglée par Andrew George s’insère dans le propos sans le déconcentrer. Le metteur en scène dicte aux chanteurs, tous formidables comédiens, un jeu par moments fort impétueux mais nuancé quand nécessaire et, en tout cas, respectueux du chant. Les répétitions durèrent, semble-t-il, six semaines mais l’effort porte ses fruits : cette mécanique bien huilée vaut, à elle seule, le déplacement.
Les voix également. Orlando ne comporte que cinq personnages chantés, aussi ne fallait-il pas lésiner sur la distribution. Aucun soucis sur ce point. Jules César il y a trois ans, Orlando aujourd’hui, Sonia Prina réalise une prestation contrastée, entre ardeur, délire et discernement. Régulièrement mis à contribution dans le répertoire haendelien, son timbre de contralto n’a rien à envier à celui, éminent, de la soprano Henriette Bonde-Hansen, Angelica au port royal. Autre familier du baroque, le contre-ténor Stephen Wallace cerne avec ingéniosité le caractère de Medoro tandis que la voix caverneuse du réputé Nathan Berg (Zoroastro) résonne encore. La prestation de Lucy Crowe explose quant à elle l’applaudimètre et à juste titre : l’Anglaise campe une amusante et attachante Dorinda qui se distingue, en outre, par un chant varié dont la finesse et la sensibilité constituent les maîtres-mots. La fosse se hisse au même niveau, malgré quelques écarts de justesse malvenus au troisième acte. Emmanuelle Haïm anime avec une gestuelle bien à elle un Concert d’Astrée concerné et alerte sans pour autant courir la poste. En imprimant leur rythme à celui qui règne sur le plateau, à moins que cela soit l’inverse, ces artistes en résidence confèrent à cette production son unité et sa force de persuasion.
Le site de l’Opéra de Lille
Sébastien Foucart
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