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Pour l’orchestre

Paris
Opéra Bastille
10/07/2010 -  et 10*, 12, 14, 16, 19, 21, 25, 27 octobre 2010
Giacomo Puccini : Il Trittico
Il Tabarro
Juan Pons (Michele), Marco Berti (Luigi), Eric Huchet (Il Tinca), Mario Luperi (Il Talpa), Oxana Dyka*/Sylvie Valayre (Giorgetta), Marta Moretto (La Frugola), Hyung-Jong Roh (Venditore di canzonette), Anne-Sophie Ducret (Un’amante/Una Voce interna), Grzegorz Staskiewicz (Un’amante/Una Voce interna)
Suor Angelica
Tamar Iveri (Suor Angelica), Luciana D’Intino (La Zia Principessa), Barbara Morihien (La Badessa), Louise Callinan (La Badessa), Marie-Thérèse Keller (La Mestra delle novize), Amel Brahim-Djelloul (Suor Genovieffa), Claudia Galli (SUor Osmina), Olivia Doray (Suor Dolcina), Zoe Nicolaidou (Prima Cercatrice), Carol Garcia (Seconda Cercatrice), Cornelia Oncioiu (La Suor Infirmiera), Chenxing Yuan (Una novizia), Anne-Sophie Ducret (Prima conversa), Marina Haller (Seconda conversa)
Gianni Schicchi
Juan Pons (Gianni Schicchi), Ekaterina Syurina (Lauretta), Marta Moretto (Zia), Juan Francisco Gatell/Saimir Pirgu* (Rinuccio), Eric Huchet (Gherardo), Barbara Morihien (Nella), Alain Vernhes (Betto), Mario Luperi (Simone), Roberto Accurso (Marco), Marie-Thérèse Keller (La Ciesca), Yuri Kissin (Maestro Spinelloccio), Christian Helmer (Amantio di Nicolao), Ugo Rabec (Pinellino), Alexandre Duhamel (Guccio)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
Luca Ronconi (mise en scène)


T. Iveri (© Ian Patrick/Opéra national de Paris)


Musicographes, metteurs en scène, tous ont cherché l’unité du Triptyque, jamais encore donné dans son ensemble à l’Opéra de Paris – vu seulement à Favart en 1987. Quoi de commun entre ce très naturaliste drame de la jalousie, cette histoire sulpicienne et cette farce vaguement tirée de Dante ? La mort et l’amour, répond Luca Ronconi, dont la production scaligère de 2008 (voir ici), depuis peu disponible en DVD chez Hardy Classic, vient d’avoir les honneurs de Bastille. Mort donnée dans La Houppelande, mort subie dans Sœur Angélique, feinte dans Gianni Schicchi. Mais si les deux premiers opéras la présentent comme le châtiment d’un amour coupable, le troisième la tourne en dérision pour libérer la passion. Par trois fois, le directeur du Piccolo Teatro de Milan ouvre une brèche à travers le fond de scène : on y voit le ciel, symbole d’évasion vers un idéal impossible, puis la Vierge qui rachètera la pécheresse, Florence enfin, à laquelle se superpose un enfer dantesque. Après que la péniche s’intègre au réalisme d’un décor blafard, la Vierge géante couchée au sol ressortit à un kitsch de mois de Marie et les drapés rouges de la chambre du défunt rappellent autant les maisons closes du théâtre de boulevard que l’enfer de La Divine Comédie. N’allons pas chercher les concepts du Regietheater : le travail du metteur en scène brille par son absence. Rien de plus que de la confection standard ; cela ne fonctionne vraiment que dans Gianni Schicchi, où le comique évite l’outrance – le paysan madré frise pourtant le ridicule avec son costume Renaissance. De la routine qu’on voudrait faire passer pour du répertoire.


Au moins pouvait-on penser, connaissant le goût de Nicolas Joel pour les voix, que les distributions feraient tout oublier. On en est loin. La Houppelande vaut surtout par le vétéran Juan Pons : il porte encore beau malgré une voix aujourd’hui sans mordant, moins brut que par le passé, attachant en mari moins cruel que malheureux. De quoi en remontrer à Marco Berti, plus soucieux de pousser la note que de phraser sa partie, exemple du vérisme comme on ne l’aime pas. Oksana Dyka n’est pas plus raffinée, avec sa belle voix – sans beaucoup de velours cependant – sommairement conduite, Giorgetta qui trahit trop ses origines slaves. Les rôles secondaires, en revanche, sont bien caractérisés, comme dans Sœur Angélique – à commencer par la lumineuse Sœur Geneviève d’Amel Brahim-Djelloul. Tamar Iveri, elle, peine à affronter les espaces de Bastille, trop légère pour un rôle de grand lyrique, écrasée par les moments de grande tension ; elle n’en compose pas moins, par le phrasé, le legato, les couleurs, une pécheresse à la fois noble et touchante. Si vulgaire Eboli, Luciana D’Intino constitue une heureuse surprise, Princesse sobrement diabolique, qui martèle le sol de sa canne, d’une irréprochable tenue vocale à défaut de subtilité particulière – du solide, du sûr, comme hier la Cossotto. Juan Pons revient en Schicchi, gardant sa ligne, voire une certaine distance, jamais bouffon en tout cas, plus moqueur que perfide. Si Ekaterina Syurina commet un « O mio babbino caro » scolaire, sans la moindre grâce, Saimir Pirgu, appelé en remplacement de Juan Francisco Gatell, crée l’événement : timbre solaire, jusqu’à l’aigu, souplesse de l’émission, phrasé élégant, le ténor albanais a vraiment beaucoup d’atouts. Ici également, les petits rôles assurent l’équilibre du plateau : ils sont parfaits, de l’impayable Zita de Marta Moretto, déjà la Frugola de La Houppelande, au Betto bien croqué d’Alain Vernhes.


Le Triptyque, cependant, reste une affaire de chef : au-delà des différences entre les parties, Philippe Jordan assure l’unité de l’ensemble. A la tête d’un orchestre superbe qui le suit partout où il veut le conduire, le directeur musical de la maison prend le contrepied d’une certaine tradition vériste, voire de toute tradition, met à distance ce que la musique pourrait avoir de complaisant, ancrant Puccini dans son siècle plus que dans une filiation – a-t-on, par exemple, entendu début de Houppelande plus debussyste, alors que ressortent parfois, au cours du spectacle, des acidités quasi stravinskiennes ? Sa direction est d’abord plastique, d’une clarté polyphonique, assez horizontale, distanciée aussi, quitte à perdre d’autant plus en théâtralité qu’elle prend son temps ; très sensible aux combinaisons de timbres, il s’attache plus aux atmosphères, d’ailleurs essentielles chez Puccini, qu’à la tension dramatique. Comme dans La Walkyrie, il faut attendre le troisième acte pour que prenne le feu, la musique aidant sans doute, en un grand éclat de rire. Là aussi, c’est Schicchi qui a gagné.



Didier van Moere

 

 

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