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Le retour du chef prodigue

Boston
Symphony Hall
10/07/2010 -  et 8, 9, 12 octobre 2010
Gustav Mahler: Symphonie n° 2 «Résurrection»
Karen Cargill (mezzo-doprano), Layla Claire (soprano)
Tanglewood Festival Chorus, Boston Symphony Orchestra, James Levine (direction)


L. Claire, K. Cargill, J. Levine (© Stu Rosner)


Tous les mélomanes américains n’ont eu cet été qu’une seule question en tête : comment va James Levine ? C’est en effet la deuxième fois que le directeur musical du Metropolitan Opera de New York et du Boston Symphony Orchestra a dû arrêter ses activités sur une longue période pour subir une opération chirurgicale importante. Ce mercredi au Symphony Hall, c’est un Levine amaigri qui arrive lentement sur son podium en s’aidant d’une canne. Il dirige assis sur une chaise pivotante et comme Karajan et Celibidache en leur temps, il économise ses déplacements lors des rappels.


Levine fait également partie de ces musiciens qui, comme un Gergiev ou un Barenboim, ont des agendas terriblement chargés et établis très longtemps à l’avance. Il a démarré un nouveau Ring au Met très médiatisé dans la mise en scène de Robert Lepage. Ce samedi, il doit diriger L’Or du Rhin à 15 heures dans une représentation qui sera retransmise en direct dans le monde entier dans la série des MetHD et sera à nouveau à Boston pour la même œuvre à 20 heures. Même si la durée combinée de ces deux représentations est moindre que les trois actes d’un Parsifal ou d’un Tristan, il y a de quoi s’inquiéter ce que n’a pas manqué de faire la presse bostonienne.


Cela étant, une fois le chef installé, il y a moins de soucis à se faire. Sa présence physique, la clarté de ses indications et son autorité sont bien réelles. En bon chef de théâtre, et n’oublions pas qu’il est le successeur de Mahler à New York, il fait ressortir tout le drame de cette œuvre. Sa lecture de la Résurrection est «wagnérienne», plus allemande qu’autrichienne. Cette conception trouve sa marque dans un Allegro maestoso initial très puissant ainsi que dans un final éblouissant. Comme à son habitude, le pupitre des cuivres de l’orchestre de Boston est remarquable, que ce soit pour sa justesse, la clarté de sa sonorité ou l’étendue de sa dynamique. Les deux solistes sont un peu en retrait: Karen Gargill manque de projection tandis que si la jeune Layla Claire possède un timbre de qualité, elle doit gagner encore en assurance. On entend à plusieurs reprises que l’allemand n’est pas la langue maternelle du Chœur du Festival de Tanglewood, mais celui-ci possède une souplesse, des couleurs et une dynamique superbes.


Dans les dernières pages et en particulier à partir de l’entrée de l’orgue, orchestre, solistes et chœur jouent en tutti pour un des moments les plus intenses, les plus difficiles et les plus spectaculaires de la symphonie. Galvanisés par le chef, tous les musiciens participent d’un seul et même esprit à ces dernières pages. Les détails sont audibles, chacun est à sa place dans cette masse sonore créée par plusieurs centaines de musiciens et l’œuvre avance avec naturel. C’est pour ce type de moments «leviniens» que l’on se dit que malgré ses absences, malgré tous les risques liés à son emploi du temps exagéré, c’est une chance rare que d’avoir comme directeur musical un chef de cette stature.



Antoine Leboyer

 

 

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