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Vent d’est

Paris
Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique
01/17/1998 -  
B>Béla Bartok : Sonate pour violon seul Sz. 117
Zoltan Kodaly : Sérénade pour deux violons et alto op. 12
Béla Bartok : Huit duos pour deux violons Sz. 98 (extraits des Quarante-quatre duos, second cahier)
Zoltan Kodaly : Duo pour violon et violoncelle op. 7

Vilmos Szabadi, Laurent Korcia (violons), Laurent Verney (alto), Jérôme Pernoo (violoncelle)

Ce concert appartient à un cycle intitulé Bartok, Kodaly, Enesco - Musique pour cordes. Il nous donne l’occasion de réécouter, dans des conditions idéales, des oeuvres rarement jouées.
Loin de s’arrêter au culte d’un interprète ou d’un compositeur, la programmation de ce cycle est intelligente - elle provoque, elle invite l’auditoire à penser.

Elle suit une double direction. Il s’agit, dans un premier temps, de nous immerger dans un contexte et sa problématique - un état donné du langage musical dans un contexte culturel particulier -, ceux de trois compositeurs de l’est quasiment contemporains (Bartok et Enesco sont nés en 1881, Kodaly en 1882). A travers certaines de leurs oeuvres les plus rarement jouées se découvrent ainsi les solutions, différentes d’une oeuvre à l’autre et d’un compositeur à l’autre, qu’ils ont apportées à une problématique commune. L’époque est celle des questions, et si ces compositeurs trouvent dans leurs références traditionnelles les voies de traverse qui font défaut à leurs voisins allemands, contraints d’affronter sans détours la crise de la syntaxe musicale, leur musique est questionnante, refusant de se donner en son entier, refusant déjà de se faire objet de consommation, écrivant le mouvement et l’impossibilité de sa résolution - une musique qui répond au désir qu’elle suscite par des plaisirs fugaces et évanescents. Les quatuors de Bartok serviront de fil directeur aux concerts suivants, à l’exception du 3ème Quatuor, joué lors du concert du 22 novembre. Il apparaît très judicieux - hormis cette exception, peut-être due à un problème de disponibilité des interprètes - d’avoir introduit l’écoute à ces quatuors, d’écriture complexe, par les duos et trios qui ont constitué l’essentiel des concerts précédents.

Tandis qu’il s’agissait dans un premier temps de révéler des différences dans le recours à un contexte commun, la seconde direction de la programmation rapproche des compositeurs appartenant à des contextes syntaxiques et culturels très éloignés. D’autres compositeurs sont alors invoqués face aux trois compositeurs de référence : Ravel et Emmanuel, d’époque commune mais d’appartenance culturelle différente. Dutilleux et Beethoven enfin, d’époques et de cultures très éloignées de celles des compositeurs titres, qui sont appelés sur la base du recours à une même forme d’écriture, le quatuor à cordes. Différents types d’écriture pour quatre voix sont ainsi confrontés, différentes solutions proposées au problème de la forme quatuor.

La salle est idéale pour ce type de programmation : l’acoustique en est claire, et très agréable, les dimensions propres à l’intimité visuelle et auditive. Les interprètes, brillant davantage par leurs qualités musicales que par le prestige de leur nom, se mettent naturellement au service des oeuvres jouées, avec sobriété et sans excès de manières. Ils sont très à l’écoute les uns des autres et jouent avec beaucoup d’engagement. Programmation, salle et horaire, étrangers au circuit commercial des concerts classiques, attirent un public très attentif malgré la difficulté de certaines oeuvres et l’absence d’entracte, public qui sait être chaleureux sans se montrer idolâtre.

Le concert de ce jour débutait - sévère entrée en la matière - par la terrible et très belle Sonate pour violon seul de Bartok, bien servie par Vilmos Szabadi, qui semble presque à l’aise quelle que soit la difficulté de la partition. L’interprétation, parfois un peu hachée, notamment dans les passages du registre aigu au registre grave, était convainquante, bien que quelque peu réservée - le violoniste choisit la sécurité. Vilmos Szabadi sait se faire aussi bien lyrique que mordant, s’adaptant ainsi parfaitement aux deux pôles du compositeur, mélodie et rythme. La Sérénade de Kodaly, beaucoup plus conciliante, était un contrepoint idéal à cette première oeuvre. La formation pour laquelle elle est écrite - deux violons et un alto -, très peu pratiquée par les compositeurs, est bien équilibrée et permet des jeux de relation très vivants entre les différentes parties, que les interprètes surent nous faire partager. Par cet aspect, elle prolonge la question polyphonique envisagée dans la sonate de Bartok. L’altiste Laurent Verney y fut très présent et expressif, face aux deux violonistes dont les jeux différents soulignaient les différences de rôles. Laurent Korcia, plus incisif que Vilmos Szabadi, eut l’occasion de très bien défendre une partie de second violon un peu en retrait, particulièrement dans le second mouvement.

Les Duos de Bartok suivirent, nous présentant un autre versant de ce compositeur multiple, qui s’y fait moins sévère, plus chantant et dansant. Dans ces duos très brefs et typés, la question syntaxique, moins urgente, laisse la parole à la réponse folklorique, évidente dans sa simplicité. Bien que le jeu de Laurent Korcia soit plus extérieur et démonstratif que celui de son partenaire qui, plus discret, s’abstient de frapper du pied par terre en dansant et de s’auréoler de volutes de colophane, les deux violonistes s’entendent très bien musicalement - leur interprétation était un plaisir pour l’oreille, l’esprit et l’oeil, elle avait l’espièglerie et la légèreté de la partition.

Le programme s’achevait sur un Duo pour violon et violoncelle de Kodaly, oeuvre davantage elliptique et plus sobre que la Sérénade, mais toujours séductrice et vivante, dans laquelle se retrouvaient les différentes questions rencontrées au cours de ce début de soirée. Il fut joué par Laurent Korcia et Jérôme Pernoo avec un apparent plaisir et un engagement très physique, ce qui faisait oublier de rares défauts de justesse. En guise de rappel, les musiciens en rejouèrent un mouvement - l’écoute étant à elle seule source de plaisir, cette immédiate reprise, dans ces conditions d’attention idéales, fut l’occasion surprenante de multiples découvertes.



Gaëlle Plasseraud

 

 

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