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Entre amis

La Roque
Parc du château de Florans
08/07/2010 -  

Martha Argerich, Eduardo Hubert, Alejandro Petrasso, Lilya Zilberstein, Akané Sakai, Alexander Moguilewski (pianos), Lyda Chen-Argerich (alto), Mark Drobinsky (violoncelle)


M. Argerich (© Leslie Verdet)


Dans le cadre des «Nuits du piano», série de trois concerts dans la même soirée, le Festival de La Roque d’Anthéron accueille l’immense Martha Argerich, et lui offre une carte blanche, qui lui permet d’inviter ses amis musiciens. En effet, on sait que cette artiste légendaire a longtemps refusé obstinément de jouer seule, et malgré de rares exceptions récentes, elle préfère partager la scène avec des amis, dont ce soir pas moins de autre cinq pianistes! Néanmoins, contrairement à ce que l’on pourrait craindre, elle ne cesse pratiquement pas de jouer en divers duos tout au long des trois concerts, à la vive satisfaction du public venu pour elle avant tout, ne laissant ses petits protégés s’ébattre entre eux qu’à quelques moments.


Cependant, l’ensemble se révèle bien inégal, et plutôt décevant au début. Il faut attendre la fin du deuxième concert pour que l’émotion finisse par s’installer! Avant, on a le sentiment d’assister à un divertissement entre pianistes, destiné à entretenir leur forme digitale, mais où l’on ne joue pas vraiment pour communiquer quoi que ce soit au public présent. Telle est l’impression que donnent en tout cas des pages ultra-virtuoses à deux piano comme les Variations sur un thème de Paganini de Lutoslawski, qu’Argerich interprète avec Akané Sakai, le Concertino de Chostakovitch, avec Lilya Zilberstein, ou les bruyantes pièces de genre, Taquito Militar de M. Mores et Nueve de Julio, avec l’argentin Alejandro Petrasso. En duo avec un alto ou un violoncelle dans Schumann et Ginastera, Argerich semble jouer du bout des doigts, sans grand investissement. L’émotion point légèrement dans les Märchebilder opus 113 de Schumann, car l’altiste n’est autre que sa fille, Lyda Chen-Argerich, mais son alto délicat et plaintif reste bien timide, loin du charisme de celui d’une Tabea Zimmerman! Le violoncelliste Mark Dobrinsky joue de façon hermétique l’âpre Pampeana n° 2 de Ginastera, et de façon superficielle et chichiteuse, avec une intonation imprécise, les Fantasiestücke opus 73 de Schumann. On touche néanmoins le fond, et même des profondeurs abyssales, lorsque Lilya Zilberstein et Akané Sakai prétendent exécuter le Scherzo opus 87 de Saint-Saëns. On est persuadé, à écouter ce brouet polytonal, qu’il y a eu une déprogrammation non annoncée, lorsque de fugitives réminiscences de quelques formules élégantes nous convainquent que c’est bien ce malheureux Camille qui est là massacré, il n’y a pas d’autre terme. Preuve qu’un duo de piano est un exercice redoutable qui ne souffre aucune improvisation, et que d’associer deux solides techniciennes du clavier ne garantit aucun résultat.


De quoi apprécier en comparaison à sa juste mesure l’un des très beaux moments de ce marathon, la transcription de la Suite de «Casse-Noisette» de Tchaïkovski par Nicolas Economou, pianiste grec merveilleusement doué et prématurément disparu avec qui Martha Argerich avait gravé cette œuvre, qu’elle interprète à présent, sans doute avec une pensée émue pour Economou, avec le tout jeune Alexandre Moguilewski, l’un des plus talentueux de ses protégés, qui vit la musique d’une manière un peu folle. Mais le résultat est une ravissante évocation des couleurs de l’orchestre, d’une poésie délicieuse.


Le compositeur argentin Eduardo Hubert, à la belle crinière blanche, présente avec beaucoup d’humour une de ses œuvres qu’il joue en solo avec dextérité, Fantango, abréviation pour «Fantasia en forme de tango sur le nom de BACH», écrite pour son bicentenaire en 1985: «Je ne sais pas vous, mais Bach doit être content», lance-t-il au public. Je pense personnellement qu’il doit préférer les Bachianas Brasileiras de Villa-Lobos, mais la composition d’Eduardo Hubert est fort plaisante. De même que ses duos avec Martha Argerich dans Bailecito de Guastavino, et ses trois adaptations de pages d’Astor Piazzolla (Tres Minutos con la realitad, Oblivion et Libertango), tantôt virtuoses, syncopées et farouches, tantôt langoureusement sensuelles et charmeuses. Lilya Zilberstein et Alexander Moguilewski assurent une brillante lecture de la rare Rhapsodie Russe de Rachmaninov, avant la belle conclusion de ces concerts, la Première Suite «Fantaisie-Tableaux» de Rachmaninov. Les trois premiers mouvements, «Barcarolle», «La Nuit... L’Amour...» puis «Les Larmes» bruissent de manière délicate et poétique, malgré une sonorité pianistique un peu acide. «Pâques», avec ses imitations de cloches tonitruantes, ne manque pas de faire un effet prodigieux, qui enthousiasme le public.



Philippe van den Bosch

 

 

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