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Couple vedette

Salzburg
Felsenreitschule
08/10/2010 -  et 13, 16, 18, 20*, 23, 24, 27, 30 août
Charles Gounod : Roméo et Juliette
Anna Netrebko*/Nino Machaidze (Juliette), Piotr Beczala*/Stephen Costello (Roméo), Mikhail Petrenko*/Dimitry Ivashchenko (Frère Laurent), Darren Jeffery (le Comte Capulet), Russell Braun (Mercutio), Cora Burggraaf (Stéphano), Michael Syres (Tybalt), Susanne Resmark (Gertrude), David Soar (le Duc de Vérone), Mathias Hausmann (le Comte Pâris), Andrei Bondarenko (Grégorio), Adrian Strooper (Benvolio)
Chœur de l’Opéra d’Etat de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Yannick Nézet-Séguin (direction)
Bartlett Sher (mise en scène)


A. Netrebko, P. Beczala (© Hermann, Clärchen & Matthias Baus)


On avait aimé, il y a deux ans, ce Roméo et Juliette virevoltant, parfois critiqué pour sa mise en scène très traditionnelle. Bartlett Sher, il est vrai, suit la musique, colle au texte, raconte une histoire qui trouve dans les arcades du Manège des rochers son cadre idéal – le décor pouvant, du coup, se réduire au minimum, alors que les luxueux costumes, plus XVIIIe que Renaissance, habilleraient aussi bien les personnages de Manon. Les scènes de foule sont très colorées, les scènes intimistes heureusement équilibrées, et le contraste ressort bien entre la cruauté du monde – tout commence par le viol d’une servante – et la tendresse des amants. Le côté cape et épée hollywoodien – réglés par un expert en la matière, les duels rappellent le meilleur cinéma – ne trahit finalement ni Shakespeare ni Gounod, qui fait jouer à fond les ressorts du grand opéra. On adhère ainsi à ce réalisme assez naïf, en particulier au deuxième acte, lorsque Frère Laurent célèbre le mariage, ou au troisième, quand on se bat au milieu des charrettes des marchands. Bref, nous voilà à mille lieues du Regietheater, mais ça bouge et ça vit, le metteur en scène imposant à tous un jeu juste, de bonne convention.


De toute façon, la production, inaugurée en 2008, visait surtout à mettre en valeur le couple vedette Netrebko-Villazón. Mais la première, enceinte, dut être remplacée par la jeune et talentueuse Géorgienne Nino Machaidze et le second, s’il brûlait les planches et se jetait à corps et à voix perdus dans son rôle, ne pouvait dissimuler ses problèmes techniques – le DVD a été publié chez Deutsche Grammophon. La star, cette fois, est bien là. On la trouve laborieuse au possible dans son entrée – terriblement nunuche, sinon ridicule –, empêtrée dans ses vocalises et en quête de son aigu. Nullement anthologique, la valse passe plutôt mieux – que diable, tout ça n’est pourtant pas si difficile. Mais Juliette appelle ensuite un soprano lyrique, ce qu’elle est : elle se métamorphose, séduit par un timbre plus rond et plus chaud que naguère, une grande homogénéité des registres, un investissement dramatique très intense – qui lui permet de sortir victorieuse de l’air du poison, où d’autres, trop légères, sont à la peine. L’articulation, dont elle ne fait pas toujours son point fort, ne laisse pas trop à désirer et elle s’est familiarisée depuis quelques années avec le répertoire français. Piotr Beczała, son nouveau partenaire régulier à la scène, ne fait pas regretter Rolando Villazón. Peu importe qu’il n’ait pas le même sex appeal dans le timbre ni la même électricité dans le chant et dans le jeu : il maîtrise infiniment mieux sa tessiture, son souffle et sa projection, ne met jamais en péril l’onctuosité de la voix. Et lui chante tous les aigus de sa partie, émis piano quand il le faut, jusqu’à ce contre-ut non écrit d’une fin du troisième acte tout à fait assumée – que Roberto Alagna, en 2002, avait craqué… pour le sortir crânement ensuite devant le rideau. Et le français sonne beaucoup moins exotique que chez le Mexicain, qui confond souvent l’articulation et la déclamation : on a vraiment l’impression d’entendre du Gounod à travers ce Roméo si stylé, à la fois mâle et rêveur, plus lunaire que solaire.


Mikhail Petrenko revient en Frère Laurent tutélaire et grave, plus assuré dans sa prononciation, Russell Braun retrouve son Mercutio tête brûlée mais déliant bien sa Reine Mab, Cora Burggraaf reprend les habits d’un Stephano bien campé sur son mezzo clair. Capulet, en revanche, n’a pas plus de chance : après In Sung Sim et Falk Struckmann, rien moins que convaincants, Darren Jeffery a du mal à faire passer la rampe à une voix engorgée. Yannick Nézet-Séguin a gagné en énergie, voire en violence, en générosité, en approfondissement du détail – parfois en décalages, aussi. Un vrai chef de théâtre poussant l’orchestre du Mozarteum à se dépasser lui-même – il est dur de jouer après ou avant la Philharmonie de Vienne –, dont il fait, par exemple, joliment chanter ses bois. L’opéra, avec lui, trouve son vrai rythme, sans temps mort, les numéros les plus célèbres s’insérant naturellement dans la continuité du drame. Un des meilleurs moments de Salzbourg 2010.



Didier van Moere

 

 

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