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Le silence d'Abbado Lucerne Centre de la culture et des congrès 08/20/2010 - et 21* août 2010 Gustav Mahler: Symphonie no 9 en ré majeur
Lucerne Festival Orchestra, Claudio Abbado (direction musicale)
(© Lucerne Festival/Georg Anderhub)
Un long, très long silence, comme une éternité. Un silence absolu, religieux, comme pour ne pas rompre la magie de la soirée, pour prolonger le recueillement, la communion entre les musiciens et le public. Comme si le Centre de la culture et des congrès de Lucerne était devenu une basilique. Les minutes qui ont séparé les dernières mesures de la 9e Symphonie de Mahler - pianissimo, presque inaudibles, comme dans un souffle - des acclamations puis de l’ovation debout du public avaient quelque chose d’irréel. Elles resteront en tout cas longtemps gravées dans les mémoires. Elles en disent long sur la prestation de Claudio Abbado. A la fin du concert, le chef italien, immobile sur le podium, sans partition, la stature frêle et les traits marqués par la maladie, donnait l’impression de reprendre lentement ses esprits, de revenir sur terre, dans la réalité, comme au retour d’un long voyage dans un autre univers.
Quand l’émotion atteint une telle intensité, les mots semblent bien impuissants à décrire l’indicible, l’inexplicable, et il apparaît vain de gloser sur tel ou tel détail technique. Claudio Abbado est un extra-terrestre qui a le geste économe et le raffinement d’un aristocrate. Introspection, humilité et fluidité sont les maîtres-mots de son interprétation, qui fait sentir à chaque note la mélancolie, l’ironie et la douleur du compositeur. Cette 9e Symphonie complète de façon magistrale le cycle Mahler initié à Lucerne en 2003. Elle sera reprise en tournée à Madrid puis à Paris en octobre. Il ne reste plus qu’à espérer que les mélomanes madrilènes et parisiens réserveront encore de longues minutes de silence à Claudio Abbado.
Le concert de Lucerne sera retransmis sur ARTE le 19 septembre 2010 à 19h15.
Le site Internet du Festival de Lucerne
Claudio Poloni
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