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Virtuose lassé La Roque Parc du château de Florans 08/03/2010 - Frédéric Chopin : Nocturnes op. 15 n°1 et op. 27 n°2 – Fantaisie en fa mineur op. 49 – Prélude op. 45 – Scherzo n° 4 op. 54
Serge Rachmaninov : Sonate n° 1 op. 28
Nikolaï Lugansky (piano)
N. Lugansky (© Xavier Antoinet)
Nikolaï Lugansky interprète Chopin de manière fort délicate et raffinée, mais hélas bien lisse. Sa sonorité elle-même demeure très réservée, manquant de densité et de puissance en regard des pianistes qui se sont succédé les jours précédents sur cette même scène du parc du château de Florans. Les Nocturnes, la Fantaisie en fa mineur paraissent décoratifs, mais peu habités, manquent de nécessité interne, et nous laissent finalement de marbre, alors que Nicolas Stavy, trois heures auparavant, dans un programme Chopin plus exigeant, déversait un torrent d’émotion! Lugansky oblige l’auditeur à un effort de concentration permanent pour suivre un discours trop neutre, là où Stavy nous prenait aux tripes! Certes la virtuosité de Lugansky demeure impressionnante, le Quatrième Scherzo est joué tout en légèreté, avec une aisance aérienne, mais jusqu’à en manquer de chair. Il faut attendre la mélodie de la section centrale pour qu’enfin une émotion commence à poindre, juste avant l’entracte.
En seconde partie, Lugansky a la bonne idée de programmer la Première Sonate de Rachmaninov, si rarement jouée, occultée par l’écrasant chef d’œuvre de la Seconde Sonate, alors qu’elle est presque aussi belle. Les caractéristiques de son interprétation demeurent les mêmes: exécution technique impeccable, mais du bout des doigts, et finalement bien froide, comme un fonctionnaire lassé de se rendre au bureau, mais qui exécute son travail comme il se doit. Nous nous souvenons d’époques où Lugansky, surtout au début de sa carrière, mettait tellement plus d’ardeur dans son jeu! Hélas, cette neutralité et ce détachement se retrouvent dans son dernier récital discographique consacré à Chopin chez Onyx. Tout de même, un écho de l’ardeur d’antan se retrouve dans le final de la Sonate, comme si le pianiste commençait à être gagné par l’enthousiasme requis par la monstrueuse difficulté de cette page. Après un premier bis rêveur, le Prélude opus 32 n° 5 de Rachmaninov, «Triana» extrait d’Iberia d’Albéniz pousse à nouveau Lugansky dans ses retranchements: on le sent soudain heureux de communiquer avec son public, de lui en mettre «plein la vue» à travers ce grand moment de virtuosité délirante et jouissive, pimenté d’humour. Le dernier bis, la Valse en ut dièse mineur opus 64 n° 2 de Chopin, est interprété avec une sentimentalité éminemment slave, qui fait chaud au cœur, et laisse espérer que Lugansky retrouve bientôt toute sa flamme.
Philippe van den Bosch
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