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Saint-Céré

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Quand Saint-Céré rime avec «Olé!»

Saint-Céré
Halle des sports
08/06/2010 -  et 15 juillet (Toulouse), 10*, 14 août (Saint-Céré), 8, 9 novembre (Coignières), 4 (Vitré), 5 (Maisons-Alfort), 30 (Clermont-Ferrand) décembre 2010, 7 (Millau), 14 (Thiers), 15, 16 (Blagnac), 30 (Le Chesnay) janvier, 15 (Roubaix), 29 (Figeac), 30 (Cahors) mars, 7 (Mazamet), 8 (Grenoble) avril, 6, 7 mai (Massy), 20, 21, 22, 23, 27, 28 septembre (Paris) 2011, 18 (Yerres), 27 (Ochaux), 30 (Aulnay-sous-Bois) novembre, 1er, 2 (Rueil-Malmaison), 5 (Roissy), 6 (Saint-Cloud), 26 (Strasbourg), 31 (Vevey) décembre 2012, 6 (Cholet), 12, 13 (Reims), 19 (Carcassonne), 20 (Graulhet) janvier, 22 (Chassieu), 23 (Fréjus) février, 13 (Villars-sur-Glane), 16, 17 (Metz) mars 2013
Francis Lopez : La Belle de Cadix (orchestration Thibault Perrine)

Andrea Giovannini (Carlos Medina), Eduarda Melo (Maria-Luisa), Sarah Laulan (Pepa), Eric Vignau (Manillon), Eric Perez (Dany Clair), Maëlle Mietton (Miss Hampton), Yassine Benameur (Ramirez), Danseurs de la compagnie Vilcanota
Chœur et Orchestre du festival de Saint-Céré, Jérôme Pillement (direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), Bruno Pradet (chorégraphies), Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne (costumes), Patrice Gouron (décors et lumières)




Tous les festivals sont-ils nés en 1981? Après La Roque d’Anthéron et la Vézère, c’est celui de Saint-Céré qui fête sa trentième édition, toujours sous la direction artistique de son fondateur, Olivier Desbordes. Du 20 juillet au 14 août, la priorité demeure l’art lyrique et la musique vocale: une nouvelle production de La Bohème par la compagnie Opéra Eclaté (créée en 1985 par Olivier Desbordes et résidant en Midi-Pyrénées), la première saint-céréenne d’une Belle de Cadix conçue en juillet 2008 pour le festival montpelliérain Les Folies d’O et la reprise de la «Carmen arabo-andalouse», un «grand classique» de Saint-Céré, mais aussi un «Jeu de massacre» des «deux Eric» (Perez et Vignau) sur des chansons des années 1940 et 1950, un spectacle dédié à Alma Mahler, un récital espagnol avec guitare (en écho à La Belle de Cadix), des mélodrames de Liszt et Wagner, une rencontre judéo-arabe (dans le prolongement de la «Carmen arabo-andalouse») et les traditionnels concerts des choristes participant au stage de chant choral institué voici un demi-siècle (Requiem de Mozart). La musique instrumentale ne perd cependant pas totalement ses droits: l’édition 2010 propose son hommage à Chopin et la découverte du Duo Syrius (clarinette et accordéon).


Au-delà de Saint-Céré intra muros (Théâtre de l’Usine, église Sainte-Spérie) ou dans les environs immédiats (en plein air, weather permitting, dans les châteaux de Castelnau-Bretenoux et de Montal), le festival, augmenté des douze manifestations gratuites du festival «off», rayonne désormais sur trois départements (appartenant chacun à une région différente): le Lot, bien sûr (Albiac, Bretenoux, Cahors, Carennac, Castelfranc, Cavagnac, Labastide-Marnhac, Lachapelle-Auzac, Loubressac, Souillac, Sousceyrac), mais aussi la Corrèze (Argentat, Beaulieu-sur-Dordogne, Curemonte, Meyssac, Tulle) et même cette année le Cantal (Aurillac). A partir de septembre, le Théâtre de l’Usine fermera pour des travaux dont la durée est estimée à dix-huit mois, de telle sorte que l’édition 2011 devra s’en passer. Par conséquent, il faut d’ores et déjà se mettre en quête d’autres lieux: présentée à trois reprises durant le festival avant de partir en tournée nationale au cours de la saison prochaine, La Belle de Cadix permet ainsi de «tester» la Halle des sports. Ce bâtiment moderne ne possède évidemment pas le charme de l’ancienne fabrique de malles et valises et, s’il y fait peut-être un peu moins chaud, les voix donnent l’impression de se perdre un peu dans ces volumes plus vastes, pour peu que l’on soit en outre placé côté jardin, comme l’ensemble instrumental. Cela étant, les conditions demeurent tout à fait satisfaisantes et c’est un public très motivé qui occupe le moindre espace disponible, gradins, marches et sièges additionnels.



E. Perez, E. Vignau, M. Mietton (© Fish Eye)


Après Le Chanteur de Mexico au Châtelet en 2006 (voir ici), l’improbable retour en grâce de Francis Lopez (1916-1995) se poursuit donc avec La Belle de Cadix (1945). Le livret de Raymond Vincy (1904-1968) et Marc-Cab (1901-1978) a été resserré et adapté: bien que certaines scènes de danse aient par ailleurs été coupées, la musique, sur les paroles redoutablement efficaces de Maurice Vandair (1905-1982), vient donc au premier plan. Elle brille d’autant plus qu’elle est mise en valeur par l’un de ces merveilleux arrangements (pour flûte, clarinette, basson, cornet, trombone, percussion, guitare et quintette à cordes) dont Thibault Perrine (né en 1979) a le secret, servi par un petit orchestre très en verve sous la baguette de Jérôme Pillement.


Olivier Desbordes jette un regard à la fois ironique et tendre sur ce qui a pu séduire nos parents ou grands-parents. Il en revendique joyeusement le côté kitsch, dans un délirant mélange des genres: opérette d’antan et ses stars au sourire inusable, théâtre de boulevard et ses répliques qui fusent, Espagne de carte postale, imagerie gay aux couleurs vives made in Pierre et Gilles, à l’image d’une partition hétéroclite, procédant à un tour exhaustif des poncifs (tango, paso doble, habanera, boléro, ...) tout en s’ouvrant aux rythmes «américains». Toréadors, éventails, «taureau Osborne» dominant le fond du plateau et ornant même les trois bandes du drapeau rouge et or: pas un cliché ne manque à l’appel. Même les musiciens adoptent l’habit ibérique – gilet pour le chef et les sept hommes, robes andalouses à volants et fleurs dans les cheveux pour les cinq femmes, dont certaines sont pieds nus – tandis qu’une citation d’Espana de Chabrier s’insère au détour d’un numéro. Les chorégraphies pseudo-flamencas de Bruno Pradet, exécutées par cinq danseurs de sa compagnie Vilcanota, complètent le tableau.


Le tournage du film justifie l’ajout des strass et paillettes à la façon de l’Almodóvar des années 1980, sous les lumières – rampes multicolores et poursuites éclatantes – réglées par Patrice Gouron. Celui-ci a également réalisé les décors, à base de grands panneaux, deux horizontaux et six verticaux, qui se tournent et se déplacent avec souplesse pour évoquer Cannes ou l’Andalousie, un intérieur ou une piste d’aéroport. Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne s’en donnent à cœur joie dans des costumes vifs et drôles, entre impeccable fidélité à l’esprit original et imagination débridée. Tout se mélange donc – naïades cannoises des années 1940, Manillon en baba-cool, Miss Hampton et son portable – mais sans jamais verser dans la vulgarité: un travers qu’évite la mise en scène à la fois riche et dynamique d’Olivier Desbordes, culminant dans le délire s’emparant de la fiesta bohémienne ou dans «La Valse du mariage» chantée par une Maria-Luisa tentant de reproduire les gestes que lui indique le réalisateur.


Pas un moment de répit pour le spectateur: les répliques fusent, les détails pullulent et les acteurs s’impliquent à 200%, à commencer par Eric Perez qui réalise une composition hilarante en Dany Clair, tandis qu’Eric Vignau, comme à son habitude, est impayable en Manillon. Les deux rôles principaux requièrent des voix solides et des tessitures aiguës, qui n’effraient ni Andrea Giovannini ni Eduarda Melo. Costume blanc et chemise à jabot, accent méditerranéen non feint, poses avantageuses de latin lover, le ténor italien se prend tellement au jeu qu’il doit s’interrompre, menacé par un fou rire, avant d’entamer «Une nuit à Grenade». La soprano portugaise (née en 1979) incarne quant à elle avec beaucoup d’à-propos et de fraîcheur la jeune gitane. Encore un peu tendre, Yassine Benameur peine à finir son air «Le cœur des femmes», mais les autres rôles sont tenus avec un abattage irrésistible, aussi bien Sarah Laulan en Pepa que Maëlle Mietton en Miss Hampton.


Les deux actes et dix tableaux passent comme un enchantement: cent minutes de bonheur et de folie qu’il ne faudra pas rater en tournée dans les prochains mois, de Mazamet à Roubaix, de Vitré à Grenoble, sans oublier plusieurs étapes en Ile-de-France.


Le site du Festival de Saint-Céré
Le site d’Andrea Giovannini



Simon Corley

 

 

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