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Jeune prodige pour orchestre fatigué La Roque Parc du château de Florans 07/27/2010 - Maurice Ravel : Pavane pour une infante défunte – Concerto pour la main gauche – Concerto en sol – Boléro
Jean-Frédéric Neuburger (piano)
Orchestre Philharmonique de l’Oural, Dmitri Liss (direction musicale)
J.-F. Neuburger (© Xavier Antoinet)
Pour la quatrième fois en cinq jours le festival de La Roque d’Anthéron convie l’Orchestre Philharmonique de l’Oural avec son chef Dmitri Liss, pour un programme entièrement consacré à Ravel. Les musiciens russes sont peut-être épuisés par ce marathon, car toute la mélodie initiale de la Pavane pour une infante défunte est massacrée (le terme est hélas le seul adéquat) par des cuivres enroués. Heureusement le hautbois, le basson, puis les cordes la reprennent en lui rendant son élégance mélancolique. Les concertos pour piano sont interprétés par le tout jeune pianiste français Jean-Frédéric Neuburger. Il y a quelques années, à peine âgé de 17 ans, il avait gravé pour DiscAuvers une intégrale des Etudes de Chopin dont la perfection rivalisait d’emblée avec les références absolues, tant du point de vue de la technique que de l’expressivité. Il nous comble à nouveau par sa virtuosité phénoménale dans le redoutable Concerto pour la main gauche, qui exige des contorsions ahurissantes. On note parfois d’infimes impressions de traits un peu difficultueux, mais combien de pianistes au monde osent programmer cette œuvre en concert? Et Jean-Frédéric Neuburger sait déployer un chant souverain, comme dans l’ultime cadence, intime et rêveuse au début, qui devient immense comme la mer. L’orchestre semble parfois quelque peu approximatif, depuis son soubassement dans les basses, mais ses sonorités plutôt stridentes conviennent assez à l’œuvre, dont la parenté avec l’écriture de Chostakovitch n’a jamais paru aussi patente.
Le Concerto en sol constitue une véritable douche écossaise. On admire l’autorité et la somptuosité de chaque phrase du jeu de Neuburger, et la manière dont il se tourne vers les différents pupitres, leur tendant la main pour les inviter à déployer leurs énoncés en dialogue, mais il n’obtient hélas parfois que des vagissements confus. Lorsqu’à sa sublime et envoûtante mélopée dans l’Adagio assai répond une flûte atrocement fausse, puis d’autres vents piteux, on souffre! Heureusement que la virtuosité étincelante de Neuburger suffit à rendre le final grisant, malgré les approximations de l’orchestre. Il charme une dernière fois l’auditoire avec un Prélude de Gershwin qui passe comme un rêve de jazz.
Malgré la gestuelle dansante et inspirée de Dmitri Liss, le Boléro débute de manière bien éprouvante, comme un concours de vents asthmatiques. L’immense crescendo débouche sur des déchaînements peu contrôlés, mais auxquels on pourra trouver une dimension saisissante à condition de faire preuve de beaucoup d’indulgence. Il faut se souvenir que cet orchestre, décidément fragile et inégal, a été capable de bien faire, notamment dans des concertos de Rachmaninov trois jours plus tôt, et que les différents pianistes accompagné par lui nous ont offerts de grands moments. Fort heureusement, le festival va accueillir des ensembles normalement beaucoup plus solides d’après nos souvenirs de concerts passés et leurs gravures discographiques, le Sinfonia Varsovia, l’excellent Orchestre royal de chambre de Wallonie dirigé par Augustin Dumay, l’Orchestre de chambre de Lausanne mené par Christian Zacharias, et surtout le fameux English Chamber Orchestra, qui passe depuis des lustres pour le meilleur orchestre de chambre au monde, ce qui nous promet de très riches heures.
Philippe van den Bosch
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