Back
Excellentes surprises Nimes Villevieille (Cour d’honneur du château) 07/30/2010 - Thierry Escaich : Incanto
Joseph Haydn : Concerto pour trompette, Hob.VIIe.1
Franz Schubert : Symphonie n° 5, D. 485
Thierry Caens (trompette)
Orchestre lyrique de région Avignon Provence, Samuel Jean (direction)
Il n’y a pas de «grands» ou de «petits» festivals: l’important est qu’il s’y donne de la bonne musique. Le constat vaut tout particulièrement dans le sud de la France, où les manifestations sont légion et où il faut donc aussi défendre celles qui, animées par une poignée d’amateurs dévoués, sont à la merci de la disparition d’une subvention ou de la défaillance d’un mécène. Certaines n’en sont pas moins anciennes, comme Villevieille, qui présente cette année sa quarante-et-unième édition. A l’origine, Michel Garcin, alors directeur artistique chez feu Erato, avec le soutien de la famille de Beauregard, propriétaire du château médiéval transformé à la Renaissance, avait ainsi trouvé le moyen de financer la restauration de la chapelle Saint-Julien-de-Montredon à deux pas de là, à Salinelles. Quarante ans après, l’histoire se répète, car ainsi que Daniel Ferrier, directeur artistique, l’indique dans son propos liminaire, une souscription est désormais lancée pour la rénovation de la chapelle (XVIIIe) du château…
Entre Nîmes et Montpellier, dominant la vallée du Vidourle et surplombant Sommières, où Lawrence Durrell finit ses jours, le site ne manque pas de charme: à l’entracte, il faut siroter un Perrier – la source est située à moins de 15 kilomètres – et, surtout, aller contempler, sur fond de pic Saint-Loup, ces paysages où les Cévennes laissent place à la Provence, éclairés par les dernières lueurs du jour. Du 29 juillet au 3 septembre, six des dix concerts se tiennent toutefois dans d’autres lieux (quatre en la chapelle Saint-Julien et deux dans les églises de Beaulieu). Grégorien, Renaissance, baroque, classicisme (Requiem de Mozart), romantisme (autour des deux grands bicentenaires de 2010), chants sacrés gitans: l’éclectisme de la programmation est servi par des artistes de valeur, tels Bernard Soustrot, Kenneth Weiss et le Quatuor Enesco.
En quatre décennies, l’Orchestre lyrique de région Avignon Provence, pourtant éloigné de 70 kilomètres à peine, ne s’était jamais rendu à Villevieille: le deuxième concert du millésime 2010 concrétise enfin cette rencontre dans des conditions idéales. Aucun des ennemis des musiciens (la chaleur), des spectateurs (le froid) et des partitions (le vent) n’est en effet de la partie, et, dans l’excellente acoustique de la petite cour d’honneur du château, au coucher du soleil, un public familial, qui n’applaudit pas entre les mouvements (mais quand même un peu trop chichement quand il le faudrait), assiste à ce programme particulièrement court (75 minutes entracte compris) mais plein d’excellentes surprises.
Le directeur musical, Jonathan Schiffman, ayant été licencié en mai dernier, il est remplacé pour l’occasion par le non moins jeune Samuel Jean, qui s’est déjà illustré dans diverses productions lyriques (La Périchole à Favart du temps de Savary, On the town au Châtelet et La Cantatrice chauve de Gérard Calvi à Montpellier). Il fait d’abord tourbillonner Incanto (2001) d’Eric Tanguy (né en 1968), introduction à la fois brève, plaisante et revigorante, sinon inventive. Vêtu d’une éclatante tunique rouge, Thierry Caens est ensuite le soliste du Concerto (1796) de Haydn. Dans ce département qui a vu naître Maurice André, il porte haut les couleurs de la prestigieuse école française de trompette: justesse, précision des attaques et des traits, mais aussi un art du legato et du phrasé qui se déploie encore plus magnifiquement dans l’Andante.
L’accompagnement laisse déjà entrevoir des éléments encourageants, que la Cinquième symphonie (1816) de Schubert confirme, et même bien au-delà. Renforcé par la présence familière de Jean-Baptiste Brunier, premier alto du Philharmonique de Radio France, l’orchestre s’en sort avec les honneurs: bien sûr, les cordes ne sont pas celles de Vienne ni les bois ceux de Paris, mais l’envie et le plaisir de jouer offrent de larges compensations. On le doit aussi à la baguette efficace de Samuel Jean, alerte dans le premier mouvement, chaleureux dans l’Andante con moto, mordant dans le Menuet (mais suave dans le Trio) et idéalement pétillant dans le Finale: rien de mièvre dans cet hommage aux grands aînés (Haydn, Mozart, Beethoven et peut-être même Rossini), mais une interprétation vive et élancée, quitte à manquer parfois un tout petit peu de respiration. L’Allegro initial est bissé (cette fois-ci sans sa reprise), à la satisfaction d’un public nettement plus enthousiaste qu’en première partie.
Le blog du Festival de Villevieille
Le site du château de Villevieille
Le site de l’Orchestre lyrique de région Avignon-Provence
Le site de Thierry Caens
Simon Corley
|