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Quand un remplaçant escalade les sommets Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence 07/17/2010 - Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict: Ouverture – Les Nuits d’été, opus 7 – Symphonie fantastique, opus 14
Sophie Koch (mezzo-soprano)
London Symphony Orchestra, Stéphane Denève (direction musicale)
S. Denève (© Rosalie O’Connor)
Colin Davis, souffrant, a renoncé à dirigé les deux concerts prévus à la tête de « son » London Symphony Orchestra au Festival d’Aix-en-Provence. Pour le premier d’entre eux, c’est le chef français Stéphane Denève qui a été appelé pour le remplacer au pied levé. Directeur musical de l’Orchestre national royal d’Ecosse depuis 2005, il fait une belle carrière de chef lyrique et symphonique, surtout à l’étranger. Ses récents enregistrements des Symphonies de Roussel (Naxos) ont par exemple été très remarqués par la critique.
Malgré le temps de répétition très bref, le LSO fait honneur à sa réputation d’être un des meilleurs orchestres du monde : la musique subtile, vive, arachnéenne même, de la rare Ouverture de Béatrice et Bénédict de Berlioz (que Denève connaît bien pour avoir dirigé l’opéra entier à Bologne) est jouée d’emblée avec une précision, une discipline, une homogénéité, notamment des cordes, apanage des seuls ensembles de tout premier plan, et sans cette période d’échauffement dont tant d’autres ont besoin. On remarquera juste que le brio instrumental se paye parfois de quelques sonorités un peu clinquantes.
La prestation de Sophie Koch dans le cycle Les Nuits d’été nous laisse en revanche quelque peu désappointés. Il est vrai que l’œuvre est terriblement difficile à réussir, même au disque, tant elle est riche, ambitieuse, complexe, exigeante, anticipant autant que la Symphonie fantastique d’au moins 70 ans sur l’évolution de l’écriture musicale. Sophie Koch l’aborde en conteuse, utilisant les ressources de sa voix très « mezzo », au timbre souvent voilé et ombreux, pour distiller avec intelligence le texte dans des quasi parlando, d’une manière très audible. En revanche, elle peine à chanter effectivement avec l’orchestre, à cause d’une intonation qui se cherche. Les deux protagonistes semblent évoluer dans des univers parallèles, sans se trouver ! Lorsqu’ils se rejoignent enfin, pour les conclusions de « Sur les lagunes » ou « Absence », cela devient poignant, mais ce ne sont que des moments, trop ponctuels.
Peut-être la brièveté des répétitions explique-t-elle ces errements, ainsi que la relative froideur, après l’entracte, du premier mouvement de la Symphonie fantastique, « Rêveries. Passions, malgré une perfection instrumentale toujours admirable. Même « Un bal » paraît trop stylisé et distancié. Avec ses sonorités diaphanes, il échoue à rendre pleinement la rumeur et l’excitation de la fête, on n’est pas véritablement grisé et emporté par le flot tumultueux. De façon surprenante, l’émotion arrive pleinement avec la « Scène aux champs », introduite par un cor anglais et un hautbois bouleversants. Là où tant de chefs s’enlisent, Stéphane Denève anime le discours, insuffle beaucoup de relief, intensifie les contrastes. On sent l’orchestre suspendu à la moindre inflexion de sa baguette, ainsi que le public qui retient son souffle, captivé. Les deux derniers mouvements produisent leur effet sidérant, et permettent aux instrumentistes et au chef de déployer toute leur virtuosité. Chaque pupitre nous offre du très grand spectacle, et les spectateurs, débordants d’enthousiasme, les acclament longuement, et plus encore Stéphane Denève, en une standing ovation qu’on voit rarement, mais qui semble fort méritée.
Philippe van den Bosch
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