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Amoureuse pâmoison Marseille Le Point de Bascule 06/09/2010 - Mélodies, airs et duos de Fauré, Hahn, Poulenc, Berlioz, Rossini, Offenbach et Francis Boissière
Frédéric Chopin : Etude, opus 10 n° 3 – Nocturne, opus 9 n° 1
Murielle Tomao (soprano), Alain Aubin (contre-ténor), Ludovic Selmi (piano)
M. Tomao et A. Aubin (© Max Minniti)
Une affiche originale pour un concert joliment titré « Duos de chambre, Nocturnes, Nuits d’amour », illustrée par une photo des deux chanteurs en pyjama dans un lit, nous a attiré dans un lieu très confidentiel, underground et altermondialiste de Marseille, le Point de Bascule, qui comporte une belle salle toute en vieilles pierres, avec une cinquantaine de places assises, auxquelles s’ajoutent des tapis et des coussins posés à même le sol, invitant à s’étendre mollement aux pieds des interprètes pour savourer la musique. Les chanteurs s’avèrent de tout premier plan : la soprano Murielle Tomao est une habituée des grandes scènes lyriques françaises et italiennes, le contre-ténor Alain Aubin également, qui collabore en outre à de nombreux projets contemporains souvent aventureux (avec Michael Levinas, Peter Eötvös, Gijan Kancheli, Raoul Lay, ou encore certains arrangements de Mozart l’Egyptien!).
Alain Aubin explique en préambule que le programme lui a été inspiré par le désir de faire comprendre à un groupe de collégiens ce que pouvait signifier « se pâmer d’amour », l’idée leur semblant plus étrangère que le vocable lui-même. D’où un bouquet de sublimes mélodies extatiques de Fauré (Green, Clair de lune, Après un rêve...), mais aussi Reynaldo Hahn (A Chloris) et Francis Poulenc (Les Chemins de l’amour). Suivent quelques Duos napolitains de Rossini, et un inattendu «Qui tollis peccata mundi» extrait de sa Petit Messe solennelle, où le timbre très pur du contre-ténor se mêle à celui plus corsé de la soprano pour exhaler la troublante sensualité cachée dans cette page.
Le pianiste Ludovic Selmi parvient à interpréter avec un cantabile soutenu et de magnifiques nuances l’Etude opus 10 n°3 et Nocturne opus 9 n° 1 de Chopin sur un antique Pleyel de près d’un siècle d’âge. Les chanteurs reviennent en pyjama, en cajolant de gros oreillers, pour une plaisante adaptation en duo de la célèbre Barcarolle des Contes d’Hoffmann, puis enchainent avec des extraits de La Périchole du même Offenbach, où le talent de comédienne de Murielle Tomao irradie en moues boudeuses et œillades assassines irrésistibles.
Présenté avec humour et décontraction, évoquant délicieusement les échos de la vie de couple, ce récital désacralise à merveille le genre (on comparera utilement avec les prétentieuses élucubrations d’«Altre Stelle»!) et remplit l’âme de joie. Un tel spectacle mériterait assurément d’être repris partout en France, et d’être savouré par le plus grand nombre !
Philippe van den Bosch
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