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Passion et rigueur

Aix-en-Provence
Le Tholonet (Nouvelle salle de Palette)
06/13/2010 -  
Frédéric Chopin : Nocturnes, opus 62 – Barcarolle, opus 60 – Mazurkas opus 24
Robert Schumann : Kreisleriana, opus 16

Sarah Lavaud (piano)


S. Lavaud (© Yannick Coupannec)


Le Tholonet, havre verdoyant aux portes d’Aix-en-Provence et au pied de la Sainte-Victoire, accueille ce printemps le festival « Autour des claviers ». Organisé par un pianiste, le dynamique Hubert Woringer, il proposait deux concerts en l’église du Tholonet, avec François-René Duchâble et le comédien Alain Carré dans une évocation de la vie de Chopin, puis le duo Thomas Gould (violon) et Alasdair Beaston (piano) dans Beethoven et Prokofiev, auxquels nous n’avons hélas pu assister, faute d’en être informés à temps. Un troisième concert était offert en entrée libre à Palette, village faisant partie du Tholonet, et nous a permis d’entendre une remarquable jeune pianiste de 28 ans, Sarah Lavaud, qui semble avoir mûri son art depuis de précédentes apparitions (voir ici). Cette dernière présente les œuvres et leurs correspondances en termes conceptuels choisis, dans un style rappelant Alfred Cortot ou Vladimir Jankélévitch, s’exprimant avec aisance sans aucune note : une telle manifestation d’intelligence et de culture provoque de nos jours une véritable sidération.


Son jeu pianistique reflète les mêmes qualités, attentif aux moindres détails et subtilités des pages ultimes de Chopin, les Nocturnes opus 62 et la Barcarolle, délicat sans mièvrerie, s’élevant à une grandeur tranchante dans l’expression de la passion. Suivent des Mazurkas opus 24 admirablement habitées et nuancées, aux phrasés d’une noblesse aristocratique. Sarah Lavaud y épouse à merveille les mutations des idées mouvantes, les soudains tourbillons enfiévrés, les évocations sensuelles de la danse, ou encore ces lambeaux de souvenirs qui achèvent le cycle de manière poignante.


Elle excelle tout autant dans l’univers très différent des Kreisleriana de Schumann, alternant à merveille chant intime charmeur ou bouleversant, et emportement empreint de folie et de couleurs cauchemardesques. Si l’on tient vraiment à trouver quelque défaut, on lui reprochera éventuellement un ambitus dynamique trop limité, son pianissimo se trouvant déjà proche du mezzo-forte dans le chant soutenu (refus de la pédale « douce », comme le préconisait Arthur Rubinstein ?), son fortissimo ne crée pas toujours le contraste saisissant escompté. Mais si la première page des Kreisleriana semble manquer légèrement de puissance dans la frénésie, la diabolique septième pièce manifeste une virtuosité étincelante, et les explosions qui rompent les superbes effets de lointain oniriques de la huitième traduisent à la perfection une âme éperdue de souffrance. De plus, nous ne saurions préjuger des influences de l’instrument utilisé et de la petite salle moderne, qui offre par ailleurs des conditions d’écoute dignes des salons d’antan, tellement supérieures à celles des halls de gare modernes imposées par les réalités économiques. Et pourquoi pinailler devant une artiste capable de tenir en haleine tout son public, du plus néophyte au plus connaisseur, avec des œuvres exigeantes et un jeu d’une précision maniaque et d’une probité sans concession !



Philippe van den Bosch

 

 

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