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Au soleil de Martinů

Paris
Bobigny (MC93)
06/24/2010 -  et 26, 28*, 30 juin 2010
Bohuslav Martinů : Mirandolina, H. 346

Olivia Doray*/Ilona Krzywicka (Mirandolina), Alexandre Duhamel*/Michal Partyka (Le Chevalier), Vincent Delhoume (Le Comte), Damien Pass (Le Marquis), Stanislas de Barbeyrac (Fabrizio), Carol García (Hortensia), Aude Extrémo (Dejanira), Manuel Nunez Camelino (Le serviteur du Chevalier)
Orchestre-atelier OstinatO, Marius Stieghorst (direction musicale)
Stephen Taylor (mise en scène), Laurent Peduzzi (scénographie), Nathalie Prats (costumes), Christian Pinaud (lumières)


O. Doray (© Opéra national de Paris/Mirco Magliocca)


Après Le Mariage secret au printemps 2009 (voir ici) et avant Orphée et Eurydice de Gluck sous la direction de Geoffroy Jourdain et dans une mise en scène de Dominique Pitoiset en mai 2011, l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris reprend le chemin de Bobigny, coréalisant avec la MC93 Mirandolina (1954) de Martinů: une première française, plus de cinquante ans après la création pragoise, alors que cet opéra comique en trois actes a été écrit à Nice. Le compositeur, qui a lui-même adapté La Locandiera (1752) de Goldoni, n’affiche pas les mêmes prétentions que dans Juliette, monté voici quelques années à Garnier (voir ici) puis à Bastille (voir ici), ou même que dans certains de ses autres opéras datant également des années 1950, tels Ariane et l’ultime Passion grecque. Sa patte si caractéristique n’en est toutefois pas moins immédiatement reconnaissable, la comédie vénitienne lui inspirant un lumineux retour vers le passé, parfois avec ironie, mais sans les arrière-pensées que Stravinsky venait de mettre, trois ans plus tôt, dans le XVIIIe siècle retors et grinçant de son Rake’s progress.


Active et généreuse, solaire et chaleureuse, la partition, qui tient le plus souvent d’une conversation (animée) en musique et, en l’absence d’ouverture, entre d’emblée dans le vif du sujet, trouve le bon rythme sous la baguette de Marius Stieghorst, assistant de Philippe Jordan. N’obtenant cependant pas toujours la légèreté idéale, il laisse jouer un peu fort l’Orchestre-atelier OstinatO, coproducteur du spectacle, dont certains pupitres apparaissent en outre fragiles. L’Atelier lyrique fait en revanche preuve de sa solidité. Le rôle-titre et celui du Chevalier bénéficient d’une double distribution, chacun des couples de chanteurs assurant deux des quatre représentations: en alternance avec les Polonais Ilona Krzywicka et Michal Partyka, Olivia Doray et Alexandre Duhamel confirment les excellentes impressions précédemment données, pour l’une, dans Une éducation manquée à Favart voici plus de deux ans (voir ici) et, pour l’autre, en Leporello au Conservatoire au printemps 2008 (voir ici). Leurs six partenaires chantent bien, voire très bien, à commencer par le Fabrizio tendre et lyrique du ténor Stanislas de Barbeyrac.


Visiblement, toute la troupe prend plaisir à travailler sous la direction de Stephen Taylor, qui a déjà collaboré à plusieurs reprises avec l’Atelier lyrique, notamment pour L’Isola disabitata de Haydn en 2005 (voir ici). Le metteur en scène anglais ne s’est pas compliqué la tâche: pas de énième degré, mais une attention portée à la psychologie des personnages, plus sensible à l’humour qu’au cynisme de la pièce, où s’étalent le mensonge et la dissimulation d’un monde gouverné par l’argent et l’intérêt. Titres (de noblesse) dévalorisés, hommes réduits à l’état de pantins et femmes déployant leur talent d’intrigantes, avant que (presque) tous ne saluent le triomphe de l’amour, voilà une humanité aussi médiocre que risible, mais croquée avec un humour qui fait mouche, surtitrage aidant.


Largement ouvert sur les coulisses, notamment une table de maquillage où l’on distingue les protagonistes dans la pénombre, le décor unique de Laurent Peduzzi, entre une porte tourniquet pour l’entrée côté cour et la double porte battante des cuisines côté jardin, consiste un simple mur percé de trois portes, qui pivote avant le troisième acte à la faveur d’un pétillant interlude orchestral (Saltarello). Sous les lumières subtilement changeantes de Christian Pinaud, parasol, chaise longue, valises, paniers de linge, table à repasser complètent le tableau: il n’en faut pas davantage pour suggérer un palace des années 1920, où l’action est transposée sans dommage aucun, à l’image de ce burlesque serviteur du Chevalier qui semble sorti d’un film muet américain. Une bonne société y cultive tranquillement son mode de vie façon «sports et divertissements» (boxe, escrime et... pêche à l’épuisette): les costumes de Nathalie Prats, pas très flamboyants pour ces dames, identifient avec précision les clichés de l’époque pour ces messieurs – vêtements d’intérieur, sportswear chic, domestique venu tout droit de Moulinsart, garçon de café en long tablier blanc.


Pas de caméras, pas même de micros: pourtant, cette production réussie d’une œuvre rare, venant comme un hommage tardif au cinquantième anniversaire de la mort de Martinů célébré en 2009, aurait mérité d’être plus largement diffusée et de passer à la postérité.


Le site de la MC93 Bobigny
Le site de l’Orchestre-atelier OstinatO
Le site d’Olivia Doray
Le site de Vincent Delhoume
Le blog d’Aude Extrémo



Simon Corley

 

 

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