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Maya l'habile Aix-en-Provence Théâtre de verdure de Peynier 06/24/2010 - & 26 juin (Peynier), 29 juin (Rognes) Rodion Chédrine: Carmen-suite Ballet de l'Opéra national d'Ukraine - Lviv, Sergej Naenko (chorégraphie), Evgeniy Svetlica (Don José), Anastasia Yusoupova (Carmen), Victoria Tkatch (Micaëla), Nicolaï Sangerevsky (Escamillo), Ekaterina Kruk (le sort)
Orchestre de l'Opéra national d'Ukraine – Lviv, Grigori Penteleïtchouk (direction musicale)
Anastasia Yusoupova (© Mathilde Illaret)
Au pied de la Montagne Sainte-Victoire, en décors naturels (Carrières de Rogne, Théâtre de verdure de Peynier, Château du Tholonet, et Château Bas de Mimet), les organisateurs du Festival des Nuits Sainte-Victoire (trente-quatre municipalités du Pays d'Aix) affichent clairement des objectifs fort respectables: mettre la musique à la portée de tous avec des prix attractifs (35 Euros), en choisissant des musiques connues, et en invitant de jeunes artistes au talent prometteur. Rajoutons que l'ambiance y est chaleureuse et l'accueil du public irréprochable. Pour cette cinquième édition du festival, on ne s'étonnera donc pas du choix ultra-classique de la programmation: La Bohème de Puccini en version de concert, Les Quatre saisons de Vivaldi, et cette «version» de Carmen, revisitée sans scrupule par le Russe Rodion Chédrine.
Créée au Bolchoï en 1967 dans une chorégraphie due au talentueux chorégraphe cubain Alberto Alonso, Carmen-suite ne doit, au fond, son existence qu'à l'obstination habile de la prima ballerina Maya Plisetskaya qui souhaitait danser sur les thèmes de l'opéra de Bizet. Chostakovitch décline la proposition d'écrire ce ballet, et c'est finalement Rodion Chédrine, mari de la danseuse, qui compose cette œuvre pour cordes et percussions dans laquelle il rajoute la Farandole de L'Arlésienne et la Danse bohémienne de La Jolie fille de Perth. L'ensemble est une composition musicalement hétéroclite, souvent d'un goût douteux, tant les libertés prises par le compositeur sont grandes.
Si l'on parvient à faire abstraction de cette «charcuterie» musicale, le spectacle proposé fonctionne plutôt bien. Sans être très inventive, la chorégraphie de Sergej Naenko, efficace et soignée, est servie par une troupe de danseurs d'un fort bon niveau. Evgeniy Svetlica campe un Don José farouche, Nicolay Sangerevsky en Escamillo est le monument de fatuité que l'on attend, et son double est magnifiquement dansé par Ekaterina Kruk vêtue d'un habit de lumière noir à l'effet saisissant, faisant d'Escamillo le personnage central du drame. Dans l'opéra de Bizet, on trouverait la caractérisation d'Anastasia Yusoupova qui danse le rôle titre érotique à l'excès et vulgaire, mais, au risque de se répéter, l'œuvre de Chédrine n'a plus grand chose à voir avec celle du compositeur français et la danseuse, en dépit de quelques difficultés à tenir les attitudes, offre une interprétation de très bon niveau. Le petit rôle de Micaëla est confié à Victoria Tkatch, danseuse qui se détache, par son excellent niveau technique et la grâce qui se dégage de son personnage, du reste de la troupe.
Dans la fosse, le directeur musical Grigori Penteleïtchouk fait un travail attentif, et si quelques départs sont parfois hésitants au début, les musiciens ukrainiens se soumettent très vite à une baguette qui devient ferme, autoritaire même, au fil de l'ouvrage.
Le public résiste fort bien à la tentation d'applaudir après les passages qu'il reconnaît et fait une ovation méritée à ce premier spectacle des Nuits Musicales Sainte-Victoire.
Les Nuits musicales Sainte-Victoire
Christian Dalzon
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