About us / Contact

The Classical Music Network

Marseille

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Du mourir d’amour à l’exaltation vitale

Marseille
Opéra
06/12/2010 -  
Richard Wagner: Tristan und Isolde: Prélude et Mort d’Isolde – Tannhäuser: Ouverture et Bacchanale
Richard Strauss: Eine Alpensinfonie , opus 64

Orchestre philharmonique de Marseille, Klaus Weise (direction musicale)


K. Weise (© Christian Dresse)


L’Orchestre Philharmonique de Marseille accueille pour la première fois le chef allemand Klaus Weise. Ce dernier, après s’être aguerri dans de multiples villes allemandes ou suisses, connait une belle carrière internationale, dirigeant beaucoup notamment à New York, Ankara, Genève, Séoul ou Pékin. Il est aussi bien connu en France pour avoir été directeur musical de l’Opéra de Nice de 1990 à 1997.


Le programme s’ouvre avec le Prélude de Tristan et Isolde, redoutable pour l’orchestre, avec ses longues tenues de cordes à nu, ou ses délicates mixtures de vents. Les menues imprécisions d’instrumentistes encore « froids » se laissent percevoir, mais les choses s’améliorent très vite. Même si le tempo très ample choisi par le chef laisse parfois un peu retomber la tension, l’on savoure néanmoins pleinement ce chant extatique du désir, d’autant qu’on retrouve une des grandes qualités de l’Orchestre de Marseille, des violons plutôt homogènes et feutrés, presque jamais agressifs. Le Liebestod d’Isolde est interprété avec une délicatesse rare, d’une manière allégée, lumineuse et éthérée.


L’Ouverture de Tannhäuser sonne avec une belle plénitude, appuyée sur une solide section de vents. Poussés dans leurs derniers retranchements par la virtuosité pyrotechnique du déluge chromatique ahurissant de la Bacchanale, les musiciens marseillais parviennent néanmoins à restituer ces sortilèges sonores jusqu’à l’exaltation orgasmique, suscitant un enthousiasme débordant du public ! Pourtant, la comparaison avec la splendeur sonore déployée ensuite dans Strauss manifestait un certain manque d’assise, quelques timidités ou prudences ponctuelles.


Car la seconde partie du programme est consacrée à la gigantesque Symphonie alpestre de Richard Strauss, très rarement entendue tant elle mobilise des effectifs colossaux, et parfois traitée de haut pour son programme apparemment anecdotique, alors qu’elle approfondit l’expression musicale de la métaphysique vitaliste nietzschéenne, s’opposant ainsi à l’idéalisme morbide de Wagner inspiré par la philosophie de Schopenhauer. On peut supposer que l’essentiel du temps de répétition a été consacré à la mise en place de cette œuvre, et le résultat s’avère splendide. Le chef et l’orchestre parviennent à rendre parfaitement lisible et intelligible cette partition touffue : dès la section introductive « Nuit », la matière sonore, d’une magnifique épaisseur, se trouve informée et chargée de sens, et tous les épisodes narratifs se déroulent avec une clarté exemplaire, comme s’ils coulaient de source, avec tour à tour une noblesse grandiose ou un charme délicieux, comme dans les éclaboussures de « La Cascade » ou la féerie de l’« Apparition ». Si l’on excepte un petit déséquilibre à un moment de la « Conclusion », cette prestation n’a rien à envier à la référence discographique de l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde dirigé par Rudolf Kempe : on mesurera le compliment. Et quels pupitres de cors, et plus généralement de cuivres !


Au terme de la saison de l’Orchestre philharmonique de Marseille, la première que j’aie pu suivre intégralement, il est tentant de tirer un petit bilan. Cet orchestre n’a cessé de nous surprendre agréablement, d’abord par sa solidité technique : pratiquement jamais de ces intonations douteuses qui ruinent irrémédiablement la confiance de l’écoute. Au-delà, les musiciens semblent manifester un vrai plaisir à jouer, un vrai respect du public et de la musique, une volonté de communiquer la beauté. Cet excellent état d’esprit n’est hélas pas aussi répandu en France qu’il devrait l’être. Nous permettra-t-on de dire, au risque de faire grincer quelques dents, que leurs prestations ont été souvent très supérieures à certaines de l’Orchestre de l’Opéra de Paris ou du Philharmonique de Radio-France lors de saisons passées (nous soulignons bien certaines, nous nous garderons de généralisations abusives), et comparables au niveau de l’Orchestre de Paris ou de l’Orchestre National de France avec Kurt Masur. Performance remarquable pour un ensemble au fond municipal ! L’absence de directeur musical permanent peut sembler inquiétante à long terme pour préserver ces acquis, mais la qualité des chefs invités à permis de faire de chaque concert un vrai moment de bonheur musical. Tous les musiciens méritent d’en être remerciés.



Philippe van den Bosch

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com