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Quand il ne reste plus que l’émotion Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence 02/23/2010 - Franz Schubert: Winterreise, D. 911
Barbara Hendricks (soprano), Love Derwinger (piano), Ulf Englund (mise en lumière)
B. Hendricks (© Mats Bäcker)
Barbara Hendricks ne possède à l’évidence plus cette voix qui fut l’une des plus ravissantes de l’opéra du siècle dernier. Que peut-elle encore faire musicalement ? Ce récital consacré au Voyage d’hiver, finalement magnifique d’émotion, apporte une belle réponse. L’écrin est soigné, avec des effets d’éclairage et des projections de superbes images de paysages hivernaux, qui renouvellent le genre. De même, la chanteuse se fait récitante, en disant en français l’essentiel des vers chantés ensuite, toutes les trois mélodies environ. La voix inquiète d’abord, comme en lambeaux dans les deux premières mélodies. Mais dès la troisième, «Gefrorene Tränen», elle devient plus chantante, et trouve de belles nuances dans «Erstarrung», opposant les registres graves et aigus. Très beau «Lindenbaum», aux courbes voluptueuses, comme «Frühlingstraum», où passent des échos de son timbre délicieusement fruité d’antan. «Wasserflut» glaçant, «Auf dem Flusse» très bien conté, «Rückblick» ou «Irrlicht» profondément émouvants. Plus le récital avance, plus on est ébloui par les différenciations de couleur qu’elle parvient à trouver, et l’art qu’elle déploie pour masquer les failles inévitables d’une voix altérée par les ans. On se dit que son excellence technique lui permet d’accomplir des miracles!
Il n’y a guère que le pianiste Love Derwinger qui modère notre enthousiasme, avec un jeu trop longtemps réservé, sec et prosaïque. Il faut attendre les cinq derniers lieder pour qu’il se déride enfin et projette une émotion qui rejoigne celle de la chanteuse, touchant ainsi au sublime, émotion qui se prolonge évidemment dans le bis, le célèbre Ave Maria de Schubert.
Le site de Barbara Hendricks
Philippe van den Bosch
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