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Fibre tragique

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/07/2010 -  et 16, 18, 20 mai (Tourcoing), 9, 11 juin (Paris) 2010
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Nicolas Rivenq (Don Giovanni), Laurent Naouri (Leporello), François Lis (Il Commendatore), Donát Havár (Don Ottavio), Sandrine Piau (Donna Anna), Véronique Gens (Donna Elvira), Ingrid Perruche (Zerlina), Christian Helmer (Masetto)
Emmanuel Olivier (pianoforte), Ensemble vocal de l’Atelier lyrique de Tourcoing, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire (direction)
Pierre Constant (mise en scène), Roberto Platé (décors), Jacques Schmidt, Emmanuel Peduzzi (costumes), Jacques Rouveyrollis (lumières)


(© Danièle Pierre)


Après Les Noces de Figaro (voir ici) et Così fan tutte (voir ici), la «trilogie Da Ponte» de l’Atelier lyrique de Tourcoing s’achève sur un Don Giovanni (1787) qui, sans surprise, s’inscrit pour l’essentiel dans la continuité des deux spectacles précédents. C’est bien sûr le cas de la structure de décor unique conçue par Roberto Platé, haut demi-cercle dont les ouvertures latérales suggèrent portes ou fenêtres, tandis que le fond évoque l’entrée de la maison d’Anna ou, moyennant de grands rideaux rouges et complété le cas échéant par un immense lustre, quelque salle d’un palais. La scénographie, dont certains éléments étaient déjà utilisés dans Così (coupe en verre, corbeilles de fruits, miroir, tête de lit...), demeure assez dépouillée, contraignant par exemple Don Giovanni à festoyer à la fin du second acte sur une nappe étendue à même le sol sur la pierre tombale du Commandeur. Les lumières sont toujours signées Jacques Rouveyrollis, qui réussit notamment un beau contre-jour lorsqu’Anna fait le récit de la nuit au cours de laquelle Don Giovanni s’est introduit chez elle. Les costumes de Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi font évoluer des bourgeois et domestiques début XIXe dans un monde de pénitents en bure sombre et cagoule en pointe.


La mise en scène de Pierre Constant reste fidèle à une double préoccupation: donner une vision aussi réaliste que possible et coller au plus de près la partition. Le rideau se lève ainsi dès l’ouverture sur un tableau vivant qui reconstitue habilement ce qui se produit immédiatement avant le début proprement dit de l’action. Baquets et serpillières pour éponger le sang, mise en bière et ouverture du caveau, mais aussi luxure pour le bal du premier acte – de façon plus brutale que triviale, sans insister lourdement, rien ne sera épargné au spectateur. Mais le symbolisme vient au besoin prendre le relais, en particulier pour l’apparition finale du Commandeur, invisible mais dont on devine le déplacement avec la chute successive de trois chaises, tandis que Don Giovanni, doublé pour ce faire par un acrobate, est emporté dans les airs par un rideau rouge qui s’enroule autour de lui. Si sa direction d’acteurs paraît plus dynamique que dans Così, Constant creuse ici encore au plus profond du livret pour en retirer, au-delà des didascalies, des notations aussi discrètes que ponctuelles, mais non moins parlantes: parmi tant d’autres, au premier acte, quand Leporello demande à son maître lequel des deux duellistes a péri, c’est que Don Giovanni se tient, pareillement allongé, au côté de sa victime; ou bien, au second acte, c’est l’image de Zerlina pensive en ramassant le manteau blanc du cavaliere.


Jean-Claude Malgoire opère une synthèse des versions de Prague et de Vienne, conservant les deux airs d’Ottavio ainsi que ceux de Leporello et d’Elvira au second acte, mais écartant le lieto fine. Par comparaison avec Così, il semble posséder davantage la fibre tragique que la veine bouffe, mais sa direction manque à nouveau de peps, procédant par subites accélérations qui retombent aussitôt – autant d’embardées qui ne sont sans doute pas étrangères aux nombreux décalages entre la fosse et le plateau. Rappelant les premières heures de cette production qui date de 1995, la distribution se révèle quant à elle moins homogène, à commencer par un Ottavio indigne d’une grande scène parisienne. Plus en verve qu’en Alfonso, Nicolas Rivenq confère la prestance requise au rôle-titre, mais est nettement moins en voix que Laurent Naouri en Leporello, qui ravit également le public par son aisance scénique – au point que son «air du catalogue» est interrompu par des applaudissements. Telle une héroïne antique, Sandrine Piau incarne une magnifique Anna, malgré quelques aigus un peu serrés. L’Elvira de Véronique Gens, moins monolithique, se montre peut-être plus touchante, mais aussi vocalement un peu plus fragile et irrégulière, le timbre devenant parfois acide et l’émission un peu engorgée. Zerlina moins légère, plus corsée qu’à l’accoutumée, Ingrid Perruche surprend en outre par une intonation quelquefois imprécise. Le quatuor de clefs de fa est complété par l’excellent Commandeur de François Lis et le Masetto prometteur de Christian Helmer.


Le site de Véronique Gens



Simon Corley

 

 

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