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Sage reprise Paris Théâtre des Champs-Elysées 06/02/2010 - et 26, 28, 30 mars (Tourcoing), 3, 5* juin (Paris) 2010 Wolfgang Amadeus Mozart : Così fan tutte, K. 588
Rachel Nicholls (Fiordiligi), Lina Markeby (Dorabella), Robert Getchell (Ferrando), Joan Martín-Royo (Guglielmo), Nicolas Rivenq (Don Alfonso), Anne-Catherine Gillet (Despina)
Benoît Hartoin/Emmanuel Olivier* (pianoforte), Ensemble vocal de l’Atelier lyrique de Tourcoing, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire (direction)
Pierre Constant (mise en scène), Roberto Platé (décors), Jacques Schmidt, Emmanuel Peduzzi (costumes), Jacques Rouveyrollis (lumières)
(© Danièle Pierre)
Créée en 1995, la production de la «trilogie Da Ponte» mise en scène par Pierre Constant et dirigée par Jean-Claude Malgoire, a fréquemment été reprise depuis lors, en tout ou partie. C’est à nouveau le cas cette année, où chacun des trois opéras est représenté trois fois, aussi bien à Tourcoing, de février à mai, que, coup sur coup, au Théâtre des Champs-Elysées. Après Les Noces de Figaro (voir ici) et avant Don Giovanni, voici donc Così fan tutte (1790). Mais c’est parfois à L’Enlèvement au sérail que font penser le décor unique de Robert Platé ainsi que les costumes de Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi: le rideau se lève dès l’Ouverture sur un bain turc où Alfonso fume le narguilé, les «Albanais» semblent sortis des Mille et une nuits et, au second acte, le sol est jonché de coussins. Point de turquerie pour autant, car l’action est clairement située de ce côté-ci de la Méditerranée.
Toute la scène est occupée par une haute paroi semi-circulaire comprenant plusieurs portes latérales et des persiennes au fond, dont la partie inférieure s’ouvre sur le sable et la grande bleue, suggérée par les lumières de Jacques Rouveyrollis. Pour le reste, les éléments de scénographie et d’habillage sont plus passe-partout (lit, chaise, lumignons, longs manteaux, robes XVIIIe, uniformes militaires, tricornes...): une sobriété qui va jusqu’à un chœur invisible (dix chanteurs), car toujours en coulisses ou dans la fosse. S’inscrivant dans une confortable tradition, la direction d’acteurs, sage hormis quelques clins d’œil lestes et jets de projectiles divers (draps, oreillers, oranges, paniers, ...), cultive le côté bouffe par un regard volontiers ironique porté sur les développements faussement tragiques de l’intrigue. En outre, elle aplanit les différences entre les deux couples, comme dans leurs vêtements, généralement similaires: Guglielmo, moins fanfaron qu’à l’ordinaire, rejoint un Ferrando de caractère quant à lui plus léger; de même, Fiordiligi n’est pas loin d’être aussi écervelée que sa sœur. Un parti pris d’interchangeabilité qui peut s’interpréter comme une justification de ce que les jeunes femmes puissent tomber dans un piège aussi invraisemblable mais surtout comme une manière de faire ressortir le caractère universel de la leçon qu’Alfonso veut donner à leurs fiancés.
Si, à la fin du premier acte, les éclairs et le bruit du tonnerre imité par le timbalier au moyen d’une plaque métallique rappellent quelque fameux orage sévillan, la direction de Jean-Claude Malgoire, qui fêtera bientôt ses soixante-dix ans, n’évoque guère l’étincelle rossinienne: éteinte, manquant de nerf, de mordant et de sens dramatique, elle est loin de l’agitation désordonnée de Jean-Christophe Spinosi (voir ici) comme de la réussite de Jérémie Rhorer en version de concert (voir ici), tous deux en ce même lieu, mais elle a cependant le mérite de ne pas couvrir les chanteurs. L’orchestre, renforcé par un pianoforte qui ne s’en tient pas qu’au continuo, ne démérite pas, malgré des violons assez laids et des tutti peu homogènes, dominés par les canards des cuivres et des timbales sèches comme une trique.
A l’époque le Syndicat de la critique décerna à ce Così le prix du meilleur spectacle lyrique: cette distinction avait alors notamment salué un travail de troupe, qui avait révélé toute une brillante génération d’artistes français (Véronique Gens, Laurent Naouri, Sandrine Piau, ...). L’un des principaux rescapés en est Nicolas Rivenq, qui tient des rôles importants dans les trois opéras: précédemment Comte Almaviva et bientôt Don Giovanni, il incarne ici un Alfonso qui joue bien la comédie mais qui déçoit par son irrégularité, apparaissant trop souvent terne et fatigué. Aucune réserve en revanche pour le Ferrando de l’Américain Robert Getchell, à l’aigu facile et à l’émission claire, et pour le chant presque aussi raffiné du Guglielmo de l’Espagnol Joan Martín-Royo qui, au premier acte, donne l’air «Rivolgete a lui lo sguardo» au lieu de «Non siate ritrosi» que Mozart lui substitua finalement. Du côté des femmes, la Despina d’Anne-Catherine Gillet l’emporte par sa nature de comédienne mais aussi par son timbre à la fois charnu et corsé. En Fiordiligi, l’Anglaise Rachel Nicholls fait preuve d’un fort tempérament, mais peine à trouver ses graves et tend à projeter excessivement sa voix. Enfin, la Suédoise Lina Markeby, après les aigus excessivement stridents de son air «Smanie implacabili», campe une Dorabella qui demeure encore un peu verte.
Le site de Rachel Nicholls
Le site de Robert Getchell
Simon Corley
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