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Narration et construction

Paris
Salle Pleyel
06/02/2010 -  et 3* juin 2010
Bohuslav Martinů : Les Fresques de Piero della Francesca, H. 352
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5, opus 73
Antonín Dvorák : Symphonie n° 9 «Du nouveau monde», opus 95, B. 178

Radu Lupu (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)


P. Järvi (© Ixi Chen)


Martinů à l’Orchestre de Paris? Le précieux moteur de recherche permettant d’explorer ses archives révèle qu’en plus de quarante ans, une seule des six symphonies du compositeur tchèque y a été programmée, la Sixième, en... décembre 1968! Avec l’arrivée en septembre prochain de Paavo Järvi au poste de directeur musical, tous les espoirs sont permis: outre le fait que son père, Neeme, en a réalisé une intégrale fort estimable pour Chandos, il a lui-même déjà enregistré la Deuxième (Telarc), qu’il a présentée en 2005 avec le Philharmonique de Radio France (voir ici), et propose dès aujourd’hui Les Fresques de Piero della Francesca (1955), premier de ses trois ultimes triptyques symphoniques (suivi des Paraboles et des Estampes), dont aucun n’était jusqu’alors entré au répertoire de l’Orchestre de Paris. La réalisation se révèle toutefois moyennement convaincante, plutôt lente et compacte, donnant l’impression d’avancer séquence par séquence, manquant d’élan mais peut-être surtout de sens de l’évocation. Mais tout cela est sans doute pardonnable, tant les sortilèges de l’orchestration de Martinů gagnent à s’échapper du disque pour se déployer dans une salle de concert.


La suite de la soirée revient à des œuvres nettement plus familières: combien de fois aura-t-on entendu cette saison dans la capitale le Cinquième concerto (1809) de Beethoven? Pas moins de quatre pour la seule salle Pleyel, car après Daniel Barenboim en février (voir ici) puis Nicholas Angelich en avril (voir ici) et cinq jours avant Brigitte Engerer, Radu Lupu a également choisi cet «Empereur»: autant de personnalités différentes qui se confrontent de manière passionnante alors qu’un tel ressassement aurait pu finir par lasser. Impossible en outre de faire la fine bouche quand il s’agit du pianiste roumain, dont les apparitions, si elles ne sont pas rares, restent néanmoins toujours attendues. Plus impassible que jamais, il se cale bien au fond de son habituelle chaise, mais on peine à le reconnaître dans ces traits imparfaits, dans ces hésitations et arrêts, dans ces libertés prises avec la partition, volontaires ou non, qui alternent avec une lecture assez scolaire. L’entente avec l’orchestre se fait moins dans la mise en place que dans une écoute mutuelle et un dialogue d’esprit chambriste, le soliste s’effaçant à de nombreuses reprises pour laisser s’exprimer les bois. C’est dans l’Adagio un poco mosso que s’épanouit le mieux cette vision que certains jugeront modeste, d’autres démotivée: en décalage complet avec les tutti que Järvi fait retentir de façon martiale, la subtilité du toucher prend le pas sur l’éclat, la simplicité sur l’expression. «Simple», c’est d’ailleurs la seule indication qu’inscrit Schumann en exergue de la Deuxième de ses Trois romances de l’Opus 28 (1839): un bis d’une atmosphère magique et poétique, où l’on retrouve pleinement l’immense musicien qu’est Lupu.


Annoncée en début de saison, la Septième symphonie de Dvorák a finalement été réservée à des concerts parisiens puis viennois en mai 2011 et remplacée par l’increvable Neuvième (1893). Järvi ne lésine pas sur la puissance et son interprétation de la «Nouveau monde» ne manque pas d’allure, servie par la belle qualité instrumentale des musiciens qui, au moment des rappels, se joignent au public pour faire fête à leur futur «patron». Dommage, dès lors, qu’il exagère ponctuellement certains gestes: le comble est atteint dans le premier mouvement, avec la lamentable mise en scène entourant l’arrivée du thème exposé par la flûte, nonobstant la sonorité de rêve de Vincent Lucas, et repris ensuite par les violons avec un ralenti d’un maniérisme déplacé. Quelques autres tentations décoratives et une introduction mélodramatique trahissent une volonté de faire joli, de privilégier la narration sur la construction: même si cette approche réussit bien dans le Largo, où le tempo ne s’alanguit pas excessivement, elle surprend de la part de celui qui a montré des qualités très différentes dans son intégrale des Symphonies de Beethoven récemment parue chez RCA (voir ici et ici).


Lorsque Paavo Järvi retrouvera l’Orchestre de Paris, le 15 septembre, ce sera pour inaugurer ses fonctions de directeur musical dans un superbe concert dont l’affiche, prometteuse en même temps que revendiquant un vrai souci d’originalité, associe La Péri de Dukas et Kullervo de Sibelius.


Le site de Paavo Järvi



Simon Corley

 

 

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