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Le petit théâtre de Gala

Paris
La Péniche Opéra
05/20/2010 -  et 5 (Sens), 10 (Dijon) mars, 21, 24*, 25, 27, 29 mai (Paris) 2010
André Bon : Gala (création)

Dorothee Goll (chanteuse), Patrick D’Assumçao (comédien), Marie-Bénédicte Lavoine (piano)
Marie-Flore Asseman (mise en scène), Yanis Lesidaner (lumières)





La Péniche Opéra accueille pour six représentations une production de l’association Poursuite intitulée Gala: il ne s’agit ni d’une soirée solennelle et festive, ni d’un show inspiré par le magazine people du même nom (encore qu’on en apercevra furtivement un exemplaire sur scène), mais d’une mise en perspective de la personnalité d’Helena Diakonova (1895-1982), alias Gala. Elle connut bien d’autres hommes dans sa vie, notamment Max Ernst (1891-1976), mais apparaissent ici seulement trois d’entre eux, incarnés par un même acteur: par ordre chronologique, ses deux maris, dont elle fut la muse – Paul Eluard (1895-1952) puis Salvador Dalí (1904-1989) – et, secondairement, l’un de ses très jeunes amants, Jeff Fenholt (né en 1951), créateur du rôle-titre de... Jesus Christ Superstar.


La note d’intention évoque «une sorte d’opéra de chambre». C’est assurément l’une des dimensions de ce spectacle de 65 minutes, car André Bon (né en 1946) a écrit une partition spécialement à cet effet, confiant à la voix et au piano quelques-uns des textes sélectionnés et montés par Marie-Flore Asseman, qui signe par ailleurs la mise en scène. Mais les lettres d’Eluard, si elles ne sont certes pas prosaïques, constituent cependant un matériau davantage de nature à susciter la déclamation et la narration que les élans lyriques. Au demeurant, l’essentiel –souvenirs et élucubrations de Dalí mais aussi extraits d’une biographie de Sophie Delassein, du mystique Saint Jean de la Croix (1542-1591) et de Gradiva de Wilhelm Jensen (1837-1911) – «celle qui va toujours de l’avant» à laquelle le peintre catalan assimile son égérie – n’est pas chanté mais simplement dit. Dès lors, il est plutôt ici question de théâtre musical, impression accentuée par le travail du compositeur, qui oscille entre déclamation sur une seule note et souvenirs de la grande époque des lignes vocales aux larges intervalles et des grappes d’accords frappés au clavier, en particulier dans l’extrême grave.


Se débattant avec un assez méchant instrument, Marie-Bénédicte Lavoine, qui interagit épisodiquement avec les deux protagonistes, joue également la Mort d’Isolde (1865) de Wagner (arrangée par Liszt): accompagnant l’union fusionnelle entre Gala et Eluard, cette page renvoie en outre à l’une des œuvres maîtresses du surréalisme, Le Chien andalou de Bunuel. Deux autres pages complètent plus brièvement ces musiques: Dalí Gala (1993) de Claude Nougaro et Maurice Vander, et «La Reine de cœur», troisième pièce du cycle La courte paille (1960) de Francis Poulenc sur des poèmes de Maurice Carême. Enfin, une bande préenregistrée contribue à l’illustration sonore par divers bruitages (combats de la Première Guerre mondiale, battements de cœur), extraits d’entretiens (notamment avec Arrabal) et lectures.


Gala, c’est d’abord sans doute le dos le plus fameux de la peinture moderne, auquel l’affiche n’a évidemment pas manqué de faire allusion: le spectateur peut admirer à loisir celui de Dorothee Goll, d’abord couverte d’une simple robe longue vert pomme, sur laquelle elle enfile successivement trois autres robes, blanche, rouge et noire, pour former autant de volants de différentes couleurs. A la fin, elle ajoute encore une seconde robe verte, comme pour un nouveau départ après les affres de la vieillesse. Certaines images risibles – Gala skiant en patins à roulettes vêtue d’un grand manteau et coiffée une chapka blanche, Dalí se déchaussant méthodiquement avant de retrousser le bas de son pantalon – et une scénographie minimaliste – lettres et enveloppes accrochés sur une corde à linge, cadre couvert d’un voile noir transparent – frappent moins que quelques idées belles et fortes: Gala se mirant dans la laque noire du piano à queue ou bien s’avançant vers le public, horriblement grimée, pour chanter cette glaçante «Reine de cœur» de Carême et Poulenc, qui «peut, s’il lui plaît, Vous mener en secret, Vers d’étranges demeures, Où il n’est plus de portes, De salles ni de tours».


Même si, malgré un léger accent, Dorothee Goll n’en est pas moins attentive à la clarté de sa diction, elle peine toutefois à assumer la dimension vocale de son personnage, de telle sorte que ce projet, dont le thème promettait certainement beaucoup plus, vaut avant tout par sa réalisation verbale et théâtrale. Un peu mal à l’aise en Eluard quasiment muet, Patrick D’Assumçao, avec un plaisir non dissimulé, habite en revanche peu à peu le personnage de Dalí: avec une demi-moustache dessinée au crayon, et sans vouloir imiter à tout prix la voix et les gestes, il en retient cette manière si caractéristique de détacher et de marteler les syllabes pour énoncer les plus délirantes excentricités.



Simon Corley

 

 

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