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Du continent faisons table rase Paris Cité de la Musique 11/15/1997 - Charles Ives : The Unanswered Question
Georges Ives : Marching Interlude
Carl Ruggles : Angels ; Vox Clamans in Deserto
Silvestre Revueltas : Planos
Edgar Varèse : Offrandes
Henry Cowell : The Banshee
Ruth Crawford-Seeger : Music for small Orchestra
Charles Ives : Three Places in New England
Ensemble Intercontemporain
Marie Plette (soprano)
David Robertson (direction) Ce concert, consacré aux découvreurs américains en musique, aura admirablement rempli son office : nous inviter vers des contrées inouïes. Présentant quelques compositeurs quasi inconnus en Europe (Carl Ruggles, Silvestre Revueltas, Ruth Crawford-Seeger), l’oeuvre de défrichage - évitant de plus le déchiffrage -était conséquente. Celle-ci s’intègre d’autant mieux dans une saison américaine de la CM qui procède par esquisses, alliant dans sa programmation audace et cohérence.
Un hommage particulier était rendu au précurseur Charles Ives, dont les oeuvres les plus célèbres encadraient le concert. L’incontournable Unanswered Question, aux ambitions métaphysiques, trouve une forme de réponse dans la simplicité des moyens mis en oeuvre : effectif orchestral réduit, et un solo de trompette récurrent qui pose " l’éternelle question de l’existence " (ah oui mais c’est bien sûr !). Pour souligner l’intangibilité de ce questionnement philosophique (inspiré par les philosophies transcendantalistes d’Emerson et Thoreau), les musiciens étaient absents, et des rais de lumière issus des panneaux latéraux les couleurs changeaient ! Idée aussi louable dans l’intention - dans la lignée des tentatives de Scriabine - qu’à l’usage contestable dans la mesure où la corrélation entre phénomènes sonores et couleurs était assez peu explicite (inexistante), et où cet effort de mise en scène tendait à distraire l’attention de la musique elle-même
A l’autre extrémité du concert, les Three Places in New England illustrent trois paysages contrastés, dont les deux sites initiaux sont des plus belles cacophonies qu’il puisse être donné d’entendre. Collage de marches militaires, enchevêtrement de bruits de toute nature, polyrythmie et polytonalité laissent place au bucolique Housatonic River at Stockbridge, dont les couleurs chromatiques et le caractère pittoresque ont été bien rendus par l’Ensemble. On peut regretter l’allure un peu empesée des deux premiers mouvements et les plans sonores fondus plus que distingués, où le dynamisme de Robertson ne suffisait pas à générer la vitalité.
Au centre, en guise de point d’articulation, les deux Offrandes de Varèse, première oeuvre du compositeur créée aux USA, mais qui sent encore son Debussy, faisait office de pont sur l’Atlantique. Ce joyau poétique, utilisant avec un art consommé timbres des vents et percussions pour souligner le texte, a été quelque peu desservi par la soprano Marie Plette dont la voix n’avait ni la précision ni les qualités de diction nécessaires pour s’extraire d’un orchestre tonitruant.
Insérés entre ces pôles, l’atmosphère atonale et postromantique (roche de Berg) des oeuvres de Ruggles, ou le Planos beaucoup plus agressif, outrageusement architecturé et à la rythmique mécanique (attaques marquées,staccatos, cordes stridentes...) de Revueltas ont constitué d’heureuses surprises. Avec la superposition de marches militaires reconstituée d’après Georges Ives (le papa de Charles), occasion d’une belle chorégraphie des vents de l’EIC, l’esprit d’invention est à son apogée avec The Banshee (1925) d’Henry Cowell. Celui-ci, célèbre pour avoir inventé le " cluster " dès 1912, utilise là toutes les ressources des cordes du piano, jouées de l’intérieur, qu’elles soient frottées, pincées, frappées...avec diverses parties de la main. En comparaison, le Music for small Orchestra de R. Crawford-Seeger paraît presque conventionnel.. Plusieurs ostinatos indépendants y génèrent des vagues d’ensemble desquelles émergent, de-ci, de-là, les thèmes !
L’EIC a donc encore fait oeuvre missionnaire, à l’instar même de ces pionniers investissant en toute liberté le champ de la musique occidentale savante, pourtant parcellisée depuis des siècles par les européens du continent. Guillaume Lecoester
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