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Excellent millésime

Bordeaux
Grand Théâtre
05/12/2010 -  et 10, 11 mai 2010
Joseph Haydn : Quatuors n° 44, opus 50 n° 1 (e, g), n° 45, opus 50 n° 2 (c), n° 47, opus 50 n° 4 (b), n° 48, opus 50 n° 5 (a, d, i), et n° 49, opus 50 n° 6 (h)
Juan Crisóstomo de Arriaga : Quatuor n° 3 (f)
Alexander von Zemlinsky : Quatuors n° 3, opus 19 (b, c, e, f), et n° 4, opus 25 (a, d)
Alban Berg : Lyrische Suite (g, h, i)

Quatuor Vinca (a): Jessica Tong, Aaron Requiro (violon), Laura Seay (alto), An-Lin Bardin (violoncelle)
Quatuor Solstice (b): Jamie Campbell, Helena Nicholls (violon), Meghan Cassidy (alto), Gregor Riddell (violoncelle)
Quatuor Puertas (c): Ellie Fagg, Thomas Norris (violon), Julia McCarthy (alto), Andrew Joyce (violoncelle)
Quatuor Raphaël (d): Pierre Fouchenneret, Pablo Schatzman (violon), Arnaud Thorette (alto), Kenji Nagaki (violoncelle)
Quatuor Zaïde (e): Charlotte Juillard, Pauline Fritsch (violon), Sarah Chenaf (alto), Juliette Salmona (violoncelle)
Quatuor Zemlinsky (f): Frantisek Soucek, Petr Strizek (violon), Petr Holman (alto), Vladimír Fortin (violoncelle)
Quatuor Galatea (g): Yuka Tsuboi, Sarah Kilchenmann (violon), David Schneebeli (alto), Julien Kilchenmann (violoncelle)
Quatuor Cecilia (h): Min-Jeong Koh, Sarah Nematallah (violon), Caitlin Boyle (alto), Rebecca Wenham (violoncelle)
Quatuor Amaryllis (i): Gustav Frielinghaus, Lena Wirth (violon), Lena Eckels (alto), Yves Sandoz (violoncelle)




Désormais triennal afin de s’articuler harmonieusement avec ses homologues de Londres et de Reggio Emilia (Paolo Borciani), le concours international de quatuor à cordes de Bordeaux, fondé en 1999, en est à sa sixième édition, mais son origine est plus ancienne, puisqu’il est l’héritier du concours qui s’est tenu à Evian de 1976 à 1997. Au fil des années, l’épreuve a couronné des formations dont l’énumération ne manque pas d’impressionner: Takács, Prazák, Amati, Hagen, Sine Nomine, Vogler, Ysaÿe, Keller et, plus récemment, Belcea, Psophos, Ebène, Ardeo, ...


Présidé par Peter Cropper, premier violon de feu le Quatuor Lindsay, le jury, au grand complet malgré les vicissitudes causées par le nuage islandais, comprend cette année les membres du Quatuor Prazák, vainqueurs du premier grand prix en 1978, et, comme de coutume, des personnalités françaises – la violoniste Sylvie Gazeau et le chef d’orchestre Claire Gibault – aussi bien qu’étrangères – l’Américain Daniel Phillips, premier violon du Quatuor Orion, et la Roumaine Mariana Sîrbu, premier violon du Quatuor Stradivari. Pour désigner le successeur du Quatuor Atrium (voir ici), il doit départager neuf candidats – sur les douze annoncés, trois ont finalement été contraints de faire défection, dont un – les Américains du Quatuor Hausmann – pour de simples raisons de visas: la tâche est apparemment plus simple qu’en 2005 ou en 2007, où ils étaient respectivement au nombre de douze (voir ici) et quatorze (voir ici). Mais il n’en est rien, car le niveau a paru plus remarquable et, surtout, plus homogène qu’au cours des deux précédentes éditions, malgré la difficulté du programme de la première épreuve.


Celle-ci semble avoir été faite à la mesure du jury: pour l’ancien leader des Lindsay, Haydn, dans laquelle la formation britannique a excellé; pour les Prazák, Berg et Zemlinsky, qu’ils défendent avec ardeur. Mais en réalité, le choix des œuvres est bien antérieur à l’invitation adressée aux jurés et, après Hindemith en 2005 et Lalo en 2007, confirme la prédilection du directeur du concours, Alain Meunier, pour des compositeurs injustement négligés. Toujours est-il que les candidats doivent interpréter deux pièces: d’une part, l’un des six Quatuors «Prussiens» (1787) de l’Opus 50 de Haydn, le Cinquième de Cherubini – qu’aucun d’entre eux n’a finalement choisi – ou le Troisième d’Arriaga; d’autre part, l’un des deux derniers Quatuors de Zemlinsky – le Troisième (1924) ou le Quatrième (1936) – ou bien encore la Suite lyrique (1926) de Berg.


Au Grand Théâtre, devant un rideau de scène en trompe-l’œil monumental et dans une acoustique idéale pour la musique de chambre, la première étape se déroule du lundi après-midi au mercredi après-midi inclus, à raison de deux ou trois formations par demi-journée, devant un nombreux public profitant de ce que l’accès aux trois épreuves est gratuit: parmi les spectateurs, le lundi après-midi et le mardi matin, les jeunes élèves invités dans le cadre des actions scolaires organisées à l’occasion du concours ne sont pas les moins attentifs... sinon les moins bruyants.


Lundi après-midi, le démarrage augure bien du niveau de la compétition. En 2005, bon nombre de quatuors s’étaient cassé les dents sur l’Opus 20 de Haydn, mais son Opus 50 réussit cette année beaucoup mieux à la plupart d’entre eux. Dans le Quarante-huitième (en fa), le Quatuor Vinca, fondé en 2004 mais significativement remodelé depuis lors, prix des «Jeunesses musicales Deutschland» au concours Paolo Borciani (2008), impressionne davantage par son assurance et sa cohésion, dès le spectaculaire Allegro initial, pas très moderato, que par sa sonorité. L’intonation du premier violon, Jessica Tong est parfois prise en faute, mais ce sont bien plus ses tendances à frapper des talons et à glisser exagérément d’une note à l’autre qui finissent par irriter. Après ce Haydn franc et résolu mais au prix d’une certaine raideur, le Quatrième de Zemlinsky, certes bien en place, regarde davantage vers Hindemith que vers la Seconde Ecole de Vienne et confirme le profil assez lisse des Américains, dont il faut toutefois relever qu’ils ont déjà été sélectionnés pour bénéficier des formations de ProQuartet aussi bien que de l’enseignement des Takács au Colorado et, prochainement, des Vogler à Stuttgart.
Constitué en 2003, le Quatuor Solstice, lui aussi accueilli par ProQuartet, a également été profondément remanié, au point qu’il se présente avec Helena Nicholls au second violon, alors que son site Internet mentionne pourtant l’arrivée de Daniel Roberts à ce pupitre en 2009. Le Quarante-septième (en fa dièse mineur) de Haydn ne quitte pas un registre très classique, parfaitement d’équerre, mais pas toujours passionnant, même si les Britanniques s’attachent à varier les reprises dans l’Andante. Dans le Troisième de Zemlinsky, si le geste se fait volontiers beethovénien et le discours se déploie avec un grand naturel, n’en apparaissent pas moins les limites du premier violon Jamie Campbell et, avant tout, une moindre cohésion que chez les Vinca.


Trois ensembles de création toute récente (2009) se présentent le mardi matin. Le Quatuor Puertas ne manque pas d’intentions dans le Quarante-cinquième (en ut) de Haydn, même si la réalisation ne suit pas nécessairement, d’autant que les libertés inattendues qu’il prend avec le texte alternent curieusement avec une approche plus convenue et affectée. Ellie Fagg et Thomas Norris ayant échangé leur pupitre de premier et second violons, les Britanniques convainquent davantage dans le Quatrième de Zemlinsky, instrumentalement exact et plus investi qu’avec les Vinca.
Le Quatuor Raphaël – pour l’anecdote, le seul des neuf concurrents à ne pas (encore) disposer de site Internet – séduit par sa sonorité dans le Quarante-huitième de Haydn: du corps et de la saveur, à la différence des précédents candidats, jusqu’à la réjouissante rusticité du Vivace final. Avec une qualité instrumentale et une cohésion aussi remarquables que sous les archets des Solstice la veille, le Troisième de Zemlinsky laisse une impression plus forte.
Résultant des caprices du tirage au sort, la confrontation avec une autre formation française s’avère captivante, et pas seulement parce que le Quatuor Zaïde, élève de Marc Coppey au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, est composé de quatre jeunes femmes, comme les Psophos (première manière), Ardeo ou Voce, alors que le Quatuor Raphaël est exclusivement masculin. Comme portées par leur victoire, le 18 avril à Heerlen (Pays-Bas), au concours Charles Hennen, les Zaïde abordent le Quarante-quatrième de Haydn (en si bémol) en privilégiant le risque sur la précision, insufflant un formidable élan à l’étourdissant Vivace final et même à l’Allegro initial, tout en ajoutant de nombreuses ornementations, en particulier dans l’Adagio non lento. Tout aussi dynamique, fluide et naturelle, leur interprétation du Quatrième de Zemlinsky saisit en outre par sa grande clarté, peut-être due en partie à une disposition peu usitée (de gauche à droite, violon I, violoncelle, alto et violon II).


Ouvrant la matinée du mercredi, le Quatuor Zemlinsky détonne quelque peu par son profil: avec une ancienneté de quinze ans, un troisième prix au concours de Londres (2006) et un deuxième prix à celui de Banff (2007), sa venue ne manque pas de surprendre, même si elle traduit sans doute le prestige qu’il reconnaît à la compétition bordelaise. Elèves de Walter Levin, premier violon de l’ancien Quatuor LaSalle, et de Josef Kluson, l’altiste du Quatuor Prazák, les Tchèques ont choisi de se démarquer quelque peu en optant pour le Troisième (1824) d’Arriaga, le «Mozart espagnol» (ou, plus exactement, basque), né à Bilbao un demi-siècle jour pour jour après Mozart et mort dix jours avant son vingtième anniversaire: une partition qui doit assurément à Haydn et à Schubert, mais dont le deuxième mouvement, une «Pastorale» interrompue par un orage, évoque nécessairement Beethoven. Il n’est pas surprenant que le Quatuor Zemlinsky, jouant dans la même formation depuis 1999, frappe d’emblée par son exceptionnelle cohésion et par son aisance, mais sa qualité instrumentale – notamment celle de l’altiste Petr Holman – est également au-dessus de tout soupçon, lui permettant de déployer une étonnante variété de nuances et de couleurs. Sans trop solliciter le caractère expressif de la partition, il rend justice avec une parfaite évidence au Troisième quatuor du compositeur auquel il a emprunté son nom.
Fondé en 2005, le Quatuor Galatea n’a pas été gâté par le tirage au sort: venant immédiatement après le Quatuor Zemlinsky, aucun de ses pupitres ne semble en mesure de rivaliser et sa sonorité d’ensemble paraît moins flatteuse. Adoptant la même disposition originale que les Zaïde dans le Quarante-quatrième de Haydn, il s’y montre plus irrégulier que les Françaises, à l’image d’un Adagio non lento trop scolaire. Les Suisses sont les premiers à donner la Suite lyrique de Berg, cousine des quatuors de Zemlinsky: son titre se réfère en effet à la Symphonie lyrique, antérieure de quatre ans, dont Berg cite un extrait dans l’Adagio appassionato. L’exécution du Quatuor Galatea, qui reprend pour ce faire une disposition plus traditionnelle (violon I et violoncelle se faisant face au premier plan), n’est pas pleinement aboutie, mais son engagement mérite d’être salué.


La conclusion de cette première épreuve, le mercredi après-midi, se fait exclusivement avec Haydn et Berg. Dans le Quarante-neuvième (en ) de Haydn, le Quatuor Cecilia, constitué en 2004 mais dans sa formation actuelle depuis 2007 seulement, pèche par de trop nombreuses approximations, une sonorité peu agréable et un manque d’esprit rédhibitoire dans cette musique. Les choses ne s’arrangent pas vraiment dans la Suite lyrique, les Canadiennes se situant trop souvent en retrait des exigences tant techniques qu’expressives de la partition.
Rassemblant des musiciens allemands et suisse depuis 2000 (et depuis 2006 dans sa présente composition), le Quatuor Amaryllis, qui a étudié avec Walter Levin à Bâle, avec le Quatuor Alban Berg à Cologne puis avec son premier violon Günter Pichler à Madrid, ferme la marche dans le Cinquantième de Haydn: une réussite revigorante, pleine de ces surprises typiques de Haydn. Energique et robuste, il démontre une assurance à toute épreuve, à défaut d’une sûreté infaillible. Parmi les trois versions de la Suite lyrique entendues successivement au cours de cette journée, il l’emporte largement non seulement par sa précision mais aussi par sa limpidité et sa luminosité, tout en étant le seul à conférer toute sa portée à l’adjectif «lyrique».


Prenant acte de l’excellent niveau du concours 2010 mais sans aller pour autant jusqu’à qualifier huit candidats pour la deuxième épreuve comme le règlement l’y autorise, le jury n’élimine que deux d’entre eux, les Quatuors Solstice et Vinca. Sept demeurent donc en lice pour la deuxième épreuve.


Le site du concours de quatuor à cordes de Bordeaux
Le site du Quatuor Vinca
Le site du Quatuor Solstice
Le site du Quatuor Puertas
Le site du Quatuor Zaïde
Le site du Quatuor Zemlinsky
Le site du Quatuor Galatea
Le site du Quatuor Cecilia
Le site du Quatuor Amaryllis



Simon Corley

 

 

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