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Pelléas and Mélisande Paris Palais Garnier 09/29/1997 - et les 3, 5*, 8, 12*, et 14 octobre 1997 Claude Debussy : Pelléas et Mélisande Russel Braun (Pelléas), Dawn Upshaw
(Mélisande), José Van Dam (Golaud), Robert Lloyd (Arkel),
Felicity Palmer (Geneviève), Gaële Le Roi (Le petit Yniold),
Vincent Le Texier (Un médecin), Nicolas Testé (Un berger) Orchestre et Choeurs de l'Opéra national
de Paris, James Conlon (direction)
Robert Wilson (mise en scène) Nous avions déjà salué ici-même, lors de sa
création en février dernier, cette production marquante de
l'opéra de Debussy, invitant à réfléchir sur l'art
même de la mise en scène (voir texte ci-après), et qui fera
certainement date. La reprise de la production avec la
distribution qui l'a fait triompher au Festival de Salzbourg
nous laisse cependant sur notre faim du fait que toutes les voix
semblent avoir un format étroit, manquent d'ampleur, sauf
José Van Dam, même si ses moyens ne sont plus ce qu'ils
étaient, et ... le Médecin de Vincent Le Texier à la voix
profonde et chaleureuse. Les autres semblent prendre au premier
degré les indications de Robert Wilson et restent trop
hiératiques et figés dans leur expression vocale, sans même
parler des récurrents problèmes de prononciation... On ne
manquera pas de s'étonner de la volonté des directeurs
d'opéras à Paris (en considérant aussi la future
production de l'Opéra Comique) de refuser de prendre des
chanteurs français dans les rôles titres. On ne nous fera pas
croire qu'ils seraient moins bons que les actuels
titulaires. Alors attendons une prochaine reprise !
Signification et représentation chez Robert
Wilson
(D'après un texte publié dans Le
Concertographe n°24)
Lorsqu'il met en scène un opéra, Robert
Wilson ne cherche pas à établir - pour le livret, les
personnages, l'action - des raisons d'ordre historiques,
sociales, psychologiques ou littéraires, donc extérieures,
sensées l'éclairer. Pour lui, la réalité de l'oeuvre
est immanente. Il se situe en cela exactement à l'opposé de son
confrère Peter Sellars qui, lui, pousse jusqu'à la caricature l'explication
- d'ordre sociale essentiellement - de l'opéra (en plaçant,
comme la saison dernière au Châtelet, le Rake's Progress
dans une prison). Robert Wilson exclu d'emblée toute chaîne de
causalité extérieure à l'oeuvre sensée lui donner un
sens précis, l'opéra se suffit à lui-même et nul discours
extérieur ne doit le polluer. Le concept, le mot doivent
retrouver une certaine "virginité" et cesser de devoir
absolument "rendre raison". "Une des faiblesses de
l'opéra et du théâtre occidental aujourd'hui c'est qu'ils ont
été attachés, liés à la littérature. Nous pensons
que la pièce, c'est la littérature, le mot" (1).
Ainsi Robert Wilson s'attache moins à la
signification du concept qu'à sa représentation, justement, sur
la scène, cet "espace différent, qui n'a rien à voir avec
les autres espaces". Cependant cette représentation n'est
jamais naïve mais construite, pensée. Par exemple, dans la
quatrième scène du troisième acte de Pellèas et Mélisande,
Golaud porte Yniold sur ses épaules pour qu'il puisse voir par
la fenêtre la chambre où se trouvent les deux amants. Une
scène aisément représentable par l'imagination. Mais Wilson,
contre le sens commun, place Yniold deux mètres devant un Golaud
crispé levant les bras au ciel tandis qu'un projecteur dessine
un carré de lumière derrière eux au fond de la scène à dix
mètres du sol. L'incohérence est donc totale quant à la signification
de la situation décrite par le livret en même temps que sa représentation
sur scène permet une construction dramatique (l'effort de
Golaud, une fenêtre trop haute qui se dérobe à la vue, la
tension du regard à travers tout l'espace de la scène)
autrement plus riche que celle d'un homme portant un enfant sur
ses épaules. Cette déconstruction de l'espace est un procédé
essentiel de Robert Wilson. On peut aussi citer la scène du
balcon où l'espacement exagéré entre Pelléas et
Mélisande (plusieurs mètres) renforce visuellement la distance
qui les sépare encore. Un autre exemple vient du choix
d'affubler Mélisande de cheveux courts ! Une pirouette facile si
l'on s'en tient au sens du livret ("Mes longs cheveux
descendent jusqu'au seuil de la tour !") mais - sur scène -
un effet visuel, donc dramaturgique, offrant tout un jeu
particulier de représentation (courts pour les protagonistes,
les cheveux ne sont longs que pour Pelléas lorsqu'il fait
semblant de les prendre dans ses mains "Je ne vois plus le
ciel à travers tes cheveux").
Les images sont reconstruites mais aussi, bien
sûr, les mouvements qui ne sont jamais naturels. Depuis
l'un de ses premiers spectacles à l'Opéra de Paris, Madame
Butterfly, dans lequel les chanteurs gardent du début à la
fin des "poses d'égyptien", Wilson s'est quelque peu
"adoucit" mais garde toujours cette dialectique entre
des gestes forcés et figés et l'évocation abstraite d'un
mouvement un peu comme regarder un film projeté à quelques
images par seconde montre les acteurs dans des postures
incongrues que l'on ne pouvait soupçonner dans le
"mouvement pur" de 24 images par seconde. Ainsi le
meurtre de Pelléas par Golaud se fait-il "au ralenti"
et les contorsions du corps donnent au crime un dramatisme bien
supérieur à un banal coup d'épée qui, à l'opéra, possède
toujours un côté grotesque et faux. Cette déconstruction du
temps est, avec celle de l'espace, l'autre procédé essentiel du
metteur en scène américain. Ainsi Robert Wilson, tel un
"philosophe de l'image", questionne-t-il moins la
signification que la représentation de l'oeuvre et, de cette
façon, notre perception à travers ses deux dimensions
fondamentales, l'espace et le temps.
(1) Entretien avec Robert Wilson, Résonances
n°11, janvier 1997 (mensuel édité par l'Ircam) Philippe Herlin
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