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Dépouillé mais volcanique

Marseille
Opéra
03/27/2010 -  et 30 mars, 1er, 4 avril 2010
Giuseppe Verdi: Attila

Sylvie Valayre (Odabella), Askar Abdrazakov (Attila), Vittorio Vitelli (Ezio), Giuseppe Cipali (Foresto), Eric Martin-Bonnet (Le Pape Léon Ier), Bruno Comparetti (Uldino)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille, Giuliano Carella (direction)
Yves Coudray (mise en espace), Philippe Grosperrin (lumières)


(© Christian Dresse)


L’Opéra de Marseille sort des sentiers battus, en nous présentant une relative rareté, Attila, créé en 1846, qui appartient, comme Nabucco, I Lombardi ou Ernani, à la première période de Verdi, laquelle demeure en grande partie méconnue. Verdi exploite à merveille le potentiel dramatique (et les arrière-plans politiques) de cet antihéros monstrueux, qui envahit l’Italie au Ve siècle. De multiples affrontements parcourent l’intrigue, entre Attila et le général romain Ezio, un moment tenté de trahir l’Empire pour se partager le monde avec Attila; ou entre les Huns invoquant Wotan et les Chrétiens menés par le Pape Léon Ier, d’où de nombreux cantiques mettant en valeur les chœurs. Après avoir saccagé la cité d’Aquilée, et tué son seigneur, Attila épargne sa fille, Odabella, impressionné par son courage, et la faisant d’abord esclave, il la prend ensuite pour épouse. Son amoureux Foresto l’accuse de trahison, d’autant qu’elle l’empêche d’empoisonner Attila. Mais c’est pour mieux accomplir elle-même la vengeance. On ne s’ennuie pas une seconde avec cette musique héroïque et brutale, pleine de bruit et de fureur, cette action trépidante, d’un romantisme échevelé. La fin paraît même expédiée trop rapidement, et l’on aurait aimé s’attarder davantage pour creuser ces personnalités fascinantes.


Sans doute pour des raisons budgétaires, l’œuvre nous est proposée dans une « mise en espace » signée Yves Coudray, avec tout de même une action figurée, d’emblée préférable à une simple version de concert. Pas de costumes, certes, et des chœurs plantés de manière bien statique. Tous les protagonistes évoluent en noir, sur lequel se détachent les robes colorées et les lourds bijoux de Sylvie Valayre. Quelques panneaux de tissu noir déplacés selon les scènes et quelques éclairages, notamment avec des rouges spectaculaires, tiennent lieu de décor. Et le résultat, fort élégant, s’avère au fond bien supérieur à quantité de mises en scènes coûteuses qui ne cessent de contredire le livret ou de parasiter la perception musicale.


La direction très dynamique et incisive de Giuliano Carella met le feu à l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, toujours excellent, en exaltant l’héroïsme débridé de la partition. Les Chœurs se montrent impeccables, tant dans les débordements de puissance guerrière que dans le recueillement mystique. Dans le rôle titre, la basse russe Askar Abdrazakov, en remplacement de Giacomo Prestia initialement prévu, nous a légèrement désappointé par une voix un peu chevrotante, comme vieillie, sans doute à cause d’un vibrato mal contrôlé. Mais s’il n’incarne pas pleinement le conquérant impitoyable du premier acte, il se révèle plus en situation pour manifester les doutes et les tourments d’un personnage en proie aux prémonitions et aux inquiétudes. D’autant qu’il doit faire face à une voix absolument superbe, qui a enthousiasmé le public, celle de Vittorio Vitelli dans le rôle du général Ezio, désigné comme baryton, mais d’un grave d’airain et d’une noirceur de timbre très impressionnants, même si cette épaisseur de son ne favorise guère le délié ! Les affrontements avec Attila ont donné lieu à un débordement d’hormones viriles ! Le ténor Giuseppe Gipalli (Foresto) a eu l’inconvénient de devoir rivaliser avec un autre ténor, Bruno Comparetti, à la voix bien timbrée et sensiblement plus éclatante et plus puissante, alors qu’il chante un rôle moins important, celui d’Uldino, l’esclave d’Attila. Toutefois, Gipalli, avec ses couleurs plus sombres mais homogènes, a chanté ses airs de manière très expressive, et a bien tenu sa place dans les duos avec Odabella, ainsi que dans un magnifique trio où ils sont rejoints par Ezio.


On attendait évidemment Sylvie Valayre au tournant, après sa décevante prestation dans Turandot à Monaco en novembre dernier (lire ici), elle qui a triomphé au Met et sur la plupart des grandes scènes du monde sans jamais être bien reconnue en France. Elle manifeste toujours une puissance impressionnante, mais il est clair qu’elle se bat un peu avec une voix devenue parfois rétive, manquant d’aisance dans l’émission, entachée de quelques fêlures. Elle use d’une voix de poitrine pour un grave toujours saisissant, et d’une voix de tête pour passer certains aigus extrêmes. Mais malgré ces quelques limites, elle n’a pas rencontré les problèmes d’intonation redoutés, et elle est parvenue à faire de très belles choses, à déployer une émouvante ligne de chant et des couleurs variées, tour à tour mélancolique ou furieuse, pour au final incarner magnifiquement cette héroïne frémissante et passionnée, recevant du public une ovation particulière et méritée, comme d’ailleurs tous les artistes de cette production exemplaire.



Philippe van den Bosch

 

 

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