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La perfection de Marc Minkowski

Paris
Salle Pleyel
04/03/2010 -  et 27 (Hamburg), 29 (Cuenca), 31 (Grenoble) mars, 2 (Krakow) avril 2010
Johann Sebastian Bach : Johannes-Passion, BWV 245

Joanne Lunn (soprano, une servante), Judith Gauthier (soprano), Helena Rasker (alto), Owen Willetts (alto), Markus Brutscher (ténor, l’Evangéliste), Nicholas Mulroy (ténor), Christian Immler (basse, Jésus), Benoît Arnould (basse, un soldat, Pilate, Pierre)
Les Musiciens du Louvre - Grenoble, Marc Minkowski (direction)


M. Brutscher


Ce concert était donné à point nommé, la veille du dimanche de Pâques, la Passion du Christ racontant en effet le supplice, la mise à mort et la résurrection du Christ. Cette œuvre est la seconde que Johann Sebastian Bach (1685-1750), alors en poste à Leipzig, ait composée pour dépeindre les souffrances et la mort du Christ. Donnée pour la première fois le vendredi saint de l’année 1724 (le 7 avril), la partition fut remaniée à maintes reprises, la deuxième version ayant été jouée pour la première fois le 30 mars 1725, la troisième version ayant été donnée le 11 avril 1732 et la dernière version, considérée comme définitive, le 4 avril 1749.


L’interprétation des œuvres baroques a connu une évidente évolution depuis quelques décennies maintenant. Marc Minkowski s’inscrit dans cette lignée puisqu’il confie le chœur à seulement huit chanteurs qui sont également les solistes requis pour les différentes arias. Comme l’écrit très justement Florent Siaud dans la notice du programme (la seconde contribution étant signée de Gilles Cantagrel), «l’Evangéliste, Pilate, Pierre et Jésus seront ainsi incarnés, non plus "contre" la foule, mais, conformément à la morale luthérienne, à l’intérieur même de l’ensemble». D’emblée, le chœur d’entrée («Herr, unser Herrscher, dessen Ruhm») est bouleversant: l’ampleur des voix, la justesse du tempo frappent immédiatement mais c’est surtout le caractère rageur des paroles proférées (renforcées par les accents du clavecin et de la contrebasse) qui touche l’auditeur; aucun doute, on se situe ici dans le monde des hommes, l’œuvre plonge ses racines dans la terre, chez les vivants: il faudra encore attendre pour atteindre sa dimension divine.


A ce titre, on doit poser ici la question de savoir ce qu’est cette Passion selon saint Jean: une pièce proprement religieuse ou, comme plusieurs musicologues le suggèrent davantage, une œuvre opératique (Gilles Cantagrel évoquant même un «oratorio spirituel»)? Cette dernière option s’avère bien plus juste, contrairement à la Passion selon saint Matthieu qui, elle, se veut profondément contemplative et spirituelle. Dans la Saint Jean, les exemples abondent pour attester l’idée qu’on nous raconte véritablement une histoire, avec ses personnages, ses détails (le chant du coq, la course du soleil dans le ciel...), sa peinture des Ecritures... Qu’on écoute, par exemple, la théâtralité du discours du disciple de Jésus («Ich folge dir gleichfalls mit freudigen Schritten»), renforcée par le délicieux ritenuto que Minkowski impose aux deux flûtes, qu’on se réfère à la violence des vociférations de ceux qui veulent livrer le Christ aux autorités («Wer hat dich so geschlagen»), à la vindicte à laquelle ils jettent Jésus lorsqu’ils l’accusent d’être un malfaiteurWäre dieser nicht ein Ubeltäter») ou aux moqueries dont est entouré Jésus lorsqu’il est couronné d’épines et vêtu d’une tunique pourpre («Sei gegrüßet, lieber Jüdenkönig»)! L’ensemble des chanteurs est au diapason de la conception voulue par Minkowski: l’interprétation s’avère ô combien convaincante.


Magnifiques au sein du chœur, les chanteurs révèlent également de superbes individualités. Si l’on peut notamment citer Helena Rasker (bouleversante dans son aria «Es ist vollbracht!», accompagnée avec douceur par Atsushi Sakai à la viole de gambe) ou Christian Immler qui incarne Jésus avec une parfaite justesse, les applaudissements du public ont surtout salué Markus Brutscher: ce n’est que justice! Son rôle d’Evangéliste est central: en tant que narrateur de l’histoire qui se déroule sous nos yeux, c’est lui qui, de ce fait, est au centre de l’œuvre. Brutscher sait parfaitement varier les atmosphères selon les propos qu’il tient, est un admirable intercesseur entre les chanteurs et les musiciens. Du grand art. Enfin, on ne peut que saluer les Musiciens du Louvre - Grenoble qui, sous la houlette d’un Marc Minkowski impérial, ont donné le meilleur d’eux-mêmes tout au long de ces deux heures de musique (mention particulière au violoncelliste Nils Wieboldt qui, en charge de la basse continue, excelle à chacune de ses interventions). Nul doute que ce concert donnait une assez juste idée de ce que peut être l’interprétation idéale d’un chef-d’œuvre: il faut savourer de tels moments.


Le site de Judith Gauthier
Le site d’Owen Willetts
Le site de Markus Brutscher
Le site de Nicholas Mulroy
Le site des Musiciens du Louvre - Grenoble



Sébastien Gauthier

 

 

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