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Adams et ses prédécesseurs

Paris
Cité de la musique
03/26/2010 -  
Charles Ives : The Fourth of July (extrait de «Holidays Symphony»)
Samuel Barber : Knoxville, Summer of 1915, opus 24
Igor Stravinski : Air d’Anne Trulove (extrait de «The Rake’s Progress»)
John Adams : Harmonielehre

Sally Matthews (soprano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Lawrence Renes (direction)


L. Renes (© Marco Borggreve)


Du 16 au 27 mars, la Cité de la musique consacre un «Domaine privé» à John Adams: un forum, une conférence et, bien sûr, six concerts (dont deux qu’il dirige lui-même), comprenant notamment la création française de quatre de ses œuvres récentes. L’avant-dernière soirée est confiée à l’Orchestre philharmonique de Radio France, sous la direction de Lawrence Renes (né en 1970), ancien Generalmusikdirektor à Brême (2001-2006). Le programme est d’abord consacré à trois prédécesseurs d’Adams, avant une seconde partie intégralement dédiée à l’une des partitions les plus importantes, Harmonielehre (1985), elle-même tellement marquée par les grandes figures du passé qu’il la décrit comme une «parodie sincère».


Bien qu’originaire de Nouvelle-Angleterre comme Charles Ives, Adams, dans un entretien accordé à Pascal Huynh et reproduit en introduction aux notes de programme, se sent presque obligé de s’excuser de l’ambivalence de ses sentiments à l’égard de son «grand-père»: «il n’est pas un compositeur et il «changeait constamment d’avis». Qu’importe, car c’est l’une des très rares occasions d’entendre la Holidays Symphony (1912) qui est ainsi offerte, du moins l’impressionnant «Quatre Juillet», troisième de ses quatre mouvements.


Si Knoxville, Summer of 1915 (1947/1950) fait référence à cette époque, sa paisible nostalgie contraste radicalement avec le capharnaüm sonore d’Ives. A nouveau, Adams ne fait pas mystère de ses réticences vis-à-vis de Samuel Barber, «très doué de nature» mais qui «aime un peu trop Puccini»: le contraire eût été surprenant – imagine-t-on en effet Poulenc faisant l’éloge de Saint-Saëns? Cela étant, plus encore que le fameux Adagio ou même le Concerto pour violon, ce grand air de concert, bien défendu par Sally Matthews malgré une articulation imprécise, fait regretter que le centenaire de la naissance du compositeur passe totalement inaperçu en France.


Ce voyage dans la mémoire américaine s’achève chez Stravinski, qui passa les trente dernières années de sa vie aux Etats-Unis. C’est de cette période que date La Carrière du libertin (1951), que la soprano britannique et le chef néerlandais ont donné ensemble en début de saison à la Monnaie (voir ici). Adams apprécie-t-il davantage ce style néoclassique stravinskien qu’Ives et Barber? Il est permis d’en douter, mais Sally Matthews n’en domine pas moins avec brio les difficultés de l’air d’Anne Trulove à la fin du premier acte.


John Adams estime que sa musique «n’est pas souvent donnée» à Paris alors que le public de la capitale préférerait selon lui «ce qui est intrinsèquement américain» (Reich, Cage, Nancarrow, le jazz) plutôt que ce qu’il nomme «l’avant-garde classique». Peut-on pour autant sérieusement prétendre qu’il est moins souvent joué que ses compatriotes Milton Babbitt ou même Elliott Carter, voire que des Français nés comme lui en 1947 (Florentz, Murail)? Harmonielehre traduit également son positionnement par rapport à une certaine modernité du siècle passé, représentée en l’occurrence par Schönberg, avec lequel il avoue entretenir une «relation d’amour-haine»: en l’espèce, il lui emprunte, en version originale, le titre de son fameux Traité d’harmonie pour baptiser ce grand triptyque symphonique.


Toutefois, bien plus que l’influence de Schönberg qui sera davantage perceptible dans sa Symphonie de chambre, Adams reconnaît ici celle de Wagner, Mahler, Debussy et Sibelius, dont il opère la synthèse avec les acquis du minimalisme: le vieux continent et le nouveau monde, Amfortas et un cargo dans la baie de San Francisco, Maître Eckhardt et Quackie (la fille du compositeur), tout cela pourrait être composite. Mais il n’en est rien, car ces trois quarts d’heure jaillies d’un puissant geste inaugural se poursuivent comme d’une seule coulée, grâce à une inlassable énergie mais aussi à un art consommé des transitions imperceptibles. Lawrence Renes, qui a assuré la première européenne de Doctor Atomic à l’Opéra des Pays-Bas, est en terrain de connaissance: il conduit avec sûreté l’Orchestre philharmonique de Radio France dans une interprétation qui, plutôt qu’un confort aseptisé, privilégie la dramatisation au travers de sonorités acerbes, voire stridentes: un triomphe pour le compositeur, qui monte sur scène pour recevoir l’hommage des musiciens et du public.


Le site de John Adams
Le site de Sally Matthews



Simon Corley

 

 

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