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A rebours Paris Salle Pleyel 03/20/2010 - Patrice Sciortino : Edgar Poe
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 3, opus 26
Ernest Chausson : Symphonie en si bémol, opus 20
Georges Pludermacher (piano)
Orchestre Colonne, Laurent Petitgirard (direction)
G. Pludermacher
Chronologiquement à rebours, voilà encore un programme néanmoins typique de l’Orchestre Colonne et de son directeur musical: une œuvre contemporaine française, un soliste invité et un retour aux sources du répertoire des «associations symphoniques» parisiennes.
En présence du compositeur, Laurent Petitgirard dirige d’abord Edgar Poe, suite symphonique pour cordes seules de Patrice Sciortino (né en 1922): présentant brièvement au public cette partition de près d’un quart d’heure d’un seul tenant, le chef souligne qu’elle est fondée sur une «mécanique mentale, une obsession des idées, développées jusqu’au bout». De fait, d’âpres et cauchemardesques ostinati créent une tension constante, à peine apaisée durant une courte section où se fait entendre le violon solo de Constantin Bogdanas. Dans le prolongement de Bartók ou Honegger, la musique cultive des harmonies corsées et des rythmes haletants, qui prennent parfois en défaut l’orchestre, pour se résoudre cependant dans des unissons ou des accords consonants.
Plus lumineuse, l’énergie du Troisième concerto (1921) de Prokofiev n’est toutefois guère éloignée de cette atmosphère. Cela étant, Georges Pludermacher préfère à une surexcitation superficielle, sans doute plus immédiatement payante, une conception plus distanciée, pince-sans-rire et constructiviste, sans débordements romantiques dans la quatrième variation du deuxième mouvement ou dans le second thème du Finale. L’équilibre met un peu de temps à s’installer avec un orchestre à la peine, mais le dernier mouvement constitue une véritable réussite. Petitgirard se fait installer une chaise à côté du podium pour pouvoir profiter au mieux du bis donné par le pianiste français, épuisé mais visiblement heureux: le Precipitato final de la Septième sonate (1942) sans doute encore plus inquiétant quand il est joué ainsi, sans... précipitation, et avec une puissante progression vers le déchaînement conclusif.
Plus rare que son Poème pour violon, son Concert ou son Poème de l’amour et de la mer, la Symphonie en si bémol (1890) de Chausson constitue pourtant l’un des fleurons du renouveau symphonique français après 1870. S’il en était besoin, l’interprétation incandescente qu’en donnent Petitgirard et ses musiciens, nettement plus à leur avantage en cette seconde partie, suffirait à convaincre qu’elle mérite sa place aux côtés de la Symphonie en ré mineur de Franck. Noblesse, grandeur, fougue, héroïsme, chaleur, lyrisme – rien ne manque, et, tout en évitant de se placer sous obédience wagnérienne, elle souffrirait même ici ou là d’un trop plein d’intensité et de générosité. Mais ces qualités seront utiles pour le prochain concert de l’Orchestre Colonne, à Pleyel le 6 avril, qui, toujours sous la direction de Laurant Petitgirard, s’annonce haut en couleur, avec Tremendum, «concerto-carnaval» de Thierry Pécou (avec le compositeur en soliste), le Concerto pour violon de Khatchaturian (avec Jean-Marc Phillips-Varjabédian) et Le Sacre du printemps de Stravinski.
Simon Corley
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