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Les dames font chambre à part

Lille
Palais des Beaux-Arts
03/14/2010 -  
Elfrida Andrée : Quatuor à cordes n°2
Grazyna Bacewicz : Quatuor à cordes n°3
Johanna Müller-Hermann : Quatuor à cordes, opus 6
Maddalena Lombardini : Quatuor à cordes n°6 (*)
Teresa Carreno : Quatuor à cordes (*)
Germaine Tailleferre : Quatuor à cordes (*)

Alexandre Diaconu, Benjamin Boursier (violon), Paul Mayes (alto), Catherine Martin (violoncelle), Quatuor Bogen (*) : Caroline Dooghe, Emmanuel Van Driessche (violon), Marie Chastang (alto), Clément Vandamme (violoncelle)


G. Bacewicz


A l’occasion de sa troisième édition, Chambre à part rend un hommage appuyé aux femmes compositeurs, le deuxième rendez-vous du dimanche après-midi au Palais des Beaux-Arts de Lille leur étant d’ailleurs entièrement consacré. Des six retenues, toutes originaires de pays différents, deux sont relativement connues du mélomane éclairé, les autres probablement moins. Ce n’est pas le moindre mérite de cette association d’explorer des sentiers peu voire pas empruntés (cette saison, Fanny Mendelssohn, Louise Farrenc, Mel Bonis, Clara Schumann, Nadia et Lili Boulanger) grâce aux efforts de musiciens de l’Orchestre national de Lille, dont l’inoxydable directeur musical, Jean-Claude Casadesus, est président d’honneur de l’association.


Réunis depuis peu en un quatuor dont le nom doit encore être trouvé, Alexandre Diaconu, Benjamin Boursier, Paul Mayes, qui a conçu ce programme éminemment original, et Catherine Martin débutent leur prestation, à 15 heures, avec Elfrida Andrée (1841-1929). Féministe convaincue, elle a dû affronter le masochisme aveugle de son époque pour imposer tant bien que mal son art et faire jouer ses œuvres. Elle a réussi malgré tout à devenir la première femme organiste, chef d’orchestre et (accessoirement) télégraphiste de Suède, comme l’indiquent les riches notes du dépliant gracieusement offert à l’entrée de l’auditorium. Le Second (1887) de ses deux Quatuors, en la majeur, page sans envergure mais soigneusement travaillée, se laisse écouter non sans plaisir. Les deux derniers mouvements montrent un aménagement des voix plus judicieux et davantage de peps. Le nom de Grazyna Bacewicz (1909-1969), qui s’est formée à Paris en 1933 et 1934 avec « Mademoiselle » Boulanger, est familier à ceux qui s’intéressent à la musique polonaise. Son Troisième Quatuor (1947), ferme et décidé, polarise l’attention grâce à sa complexité contrapuntique et polyphonique ainsi qu’à son invention, notamment rythmique. Johanna Müller-Hermann (1878-1941) succéda en 1918 à Josef Bohuslav Foerster au poste de professeur de composition du Conservatoire de Vienne. Peu satisfaite, elle demanda conseil à Zemlinsky, rencontré par l’intermédiaire de leur amie commune Alma Mahler, pour mettre un point final à son Quatuor (publié en 1912), dédié à ce dernier « avec toute ma gratitude » : aucune innovation à signaler mais des qualités de structure et mélodiques qui ne passent pas inaperçues. Malgré un niveau de finition loin d’être irréprochable, les musiciens témoignent de suffisamment d’engagement et de précision pour rendre juste à cette musique rare.



G. Tailleferre


Fondé il y a quatre ans et habitué de Chambre à part, le Quatuor Bogen occupe l’affiche du concert de 17 heures qui se donne devant un public également clairsemé mais discipliné. Maddalena Lombardini (1745-1818) fut une enfant douée qui a acquis les rudiments de la musique dans un de ces ospedali de Venise avant de devenir une élève de Tartini. Elle abandonna toutefois le violon pour le chant, plus rémunérateur. Joliment troussé, le dernier de ses six Quatuors, édités à Paris en 1769, ne se caractérise pas encore par la rigueur formelle développée par Haydn mais il sonne de manière allègre et souriante. D’origine vénézuelienne, Teresa Carreno (1853-1917) n’a rien à envier à ces stars dont les frasques alimentent de nos jours la une des magazine people puisqu’elle s’est mariée pas moins de quatre fois, la troisième avec Eugène d’Albert. Elle rencontra maintes personnalités durant sa vie aventureuse, dont Gottschalk et Anton Rubinstein avec qui elle a étudié, et s’est produite dans le monde entier. Preuve de l’estime que lui porte son pays, l’Opéra de Caracas porte son nom. Quelque peu filandreux, son Quatuor (1896) dégouline de sentimentalité quand il ne s’assoupit pas, malgré les efforts des musiciens pour le réveiller. Plus personnel, concis et pensé, celui de Germaine Tailleferre (1892-1983), écrit entre 1917 et 1919, est d’une tout autre envergure à tel point qu’il ne pâlirait dans un programme aux côtés de ceux de Ravel, Debussy, Fauré ou Honegger, membre également du « Groupe des six ». Le Quatuor Bogen livre une prestation parfois contractée et par trop surveillée mais globalement satisfaisante malgré une sonorité laissant çà et là à désirer.


Certes, les pages sélectionnées font prendre conscience de la distance qui sépare, comme chez les hommes, maîtrise du métier et talent mais l’idée de rendre hommage aux femmes mérite d’être saluée, même si la journée qui leur est consacrée (8 mars) est passée, comme l’indique Bernard Gomez dans ses présentations liminaires. L’anecdote relatée par ce dernier en début d’après-midi en dit long sur les efforts qu’elles doivent consentir pour être considérées comme artistes à part entière. Alors qu’on demandait à Nadia Boulanger l’effet que cela lui faisait d’être la première femme à diriger l’Orchestre symphonique de Boston, elle répondit : « Vous savez, ça fait cinquante ans que je suis une femme et j’ai fini par me remettre de ma stupéfaction initiale ».


L’essentiel des concerts de Chambre à part se tiennent le dimanche à 11 heures au Conservatoire de Lille. Le prochain, le 28 mars, associe Dvorák à Rebecca Clarke (Dumka pour violon, alto et piano) et Amy Beach (Trio pour piano et cordes). Et le prochain après-midi dominical au Palais des Beaux-Arts, le 25 avril, confronte la musique de chambre de Mozart (Quintettes K. 593 et K. 614) à celle, moins connue, de Bruch (Quatuors à cordes opus 9 et opus 10).


Le site de Chambre à part



Sébastien Foucart

 

 

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