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Flamboyant anniversaire

Paris
Salle Pleyel
03/01/2010 -  et 16 (Oviedo), 17 (Valladolid), 19 (Pamplona), 20 (Bilbao), 25 (Madrid), 28 (Toulouse) janvier, 1er (Milano), 3 (Ferrara), 4 (Cremona), 5 (Torino), 6 (Pavia), 8 (Firenze), 10 (Roma), 14 (Parma), 22 (London) février, 5 (Hamburg), 6 (Hannover), 10 (Köln), 14 (Amsterdam), 16 (Bruxelles), 19 (Baden-Baden), 23 (Dijon), 25 (Vaduz), 27 (Grenoble), 30 (Luzern) mars, 2 (Lyon), 23 (Stuttgart), 27 (Nürnberg), 29 (Wien) avril 2010
Frédéric Chopin : Nocturne, opus 15 n° 2 – Sonate pour piano n° 2, opus 35 – Scherzo n° 2, opus 31 – Sonate pour piano n° 3, opus 58 – Barcarolle, opus 60

Krystian Zimerman (piano)


K. Zimerman (© Kasskara/DG)


Est-ce un hasard? La tournée que Krystian Zimerman effectue dans une trentaine de cités européennes entre janvier et avril à l’occasion du bicentenaire de Chopin s’arrête à Paris, où le compositeur passa près de la moitié de son existence, le jour même de son deux centième anniversaire, salle Pleyel, qui accueillait la veille la conclusion d’une intégrale confiée à soixante pianistes de 7 à 77 ans, ou peu s’en faut (voir ici).


Même si sa dernière visite dans la capitale ne remonte qu’à juin 2008, le pianiste polonais se fait relativement rare – d’autant qu’il a annoncé son intention de suspendre ses activités pendant deux saisons à compter de 2011 – et, ne jouant que sur ses propres instruments, demeure réputé pour son intransigeance – il a demandé l’insertion dans les notes de programme d’un feuillet en français et en anglais rappelant en lettres capitales l’interdiction «de photographier, de filmer et d’utiliser des téléphones portables en salle». On retrouve cette exigence dans le déroulement quasi chronologique de son récital, intelligemment bâti autour des deux dernières Sonates, que ce grand chopinien n’a pourtant pas encore enregistrées à ce jour, complétées par des œuvres plus courtes écrites dans des tonalités proches ou même identiques, et dont le Deuxième scherzo, en fin de première partie, forme le centre.


A 53 ans, le vainqueur de l’édition 1975 du concours Chopin de Varsovie démontre qu’il demeure l’un des interprètes privilégiés de cette musique, conjuguant, dans le Deuxième des Nocturnes de l’Opus 15 (1831), fermeté du discours et souplesse du phrasé, tout en lui conférant des teintes déjà debussystes. Pas de round d’observation pour la Deuxième sonate (1839), où il se lance des les premières mesures in medias res: course fantastique et haletante que celle de ce premier mouvement (avec sa reprise), dont le développement déchaîne une apocalypse orchestrale. Doigts presque infaillibles et sonorités d’une fascinante variété, il n’y a guère qu’une pédale un peu généreuse qui laisse à désirer. Le Scherzo est à l’avenant, avec un Più lento central où le chant se déploie sans effusions ni excès de legato. Glaciale, sans pathos, la «Marche funèbre» ne s’alanguit pas, ménageant d’implacables progressions, laissant s’exprimer avec une miraculeuse simplicité l’éclaircie en majeur puis retombant dans le silence pour s’enchaîner au Presto final, d’une agilité confondante: un halo de notes dont les contours apparaissent paradoxalement avec netteté et d’où émergent quelques bribes fantomatiques, s’évanouissant aussitôt.


Dans le Deuxième scherzo (1837), Zimerman ne s’arrête pas à la tonalité mineure mais préfère en retenir une dimension plus ludique que tragique, conformément, au demeurant, à l’étymologie du terme. Brio d’une étude, délicatesse d’un impromptu, sens narratif d’une ballade, tout est réglé avec minutie et élégance: une prise de risques tant techniques qu’esthétiques très éloignée de l’image réservée sinon cérébrale qui s’attache à lui, alors que son emportement flamboyant le conduit à frapper du talon contre le sol et qu’il n’est parfois pas loin de se lever de son tabouret.


Aucune baisse de régime après l’entracte: l’Allegro maestoso de la Troisième sonate (1844), également avec sa reprise, bénéficie ainsi d’un luxe de détails qui ne brise jamais l’élan ni la construction. Résolument affirmatif, le propos n’en offre pas moins des échappées lumineuses, comme dans le second thème. D’une légèreté sidérante, le bref Scherzo laisse s’épanouir une partie centrale étonnamment cotonneuse, comme dans un demi-sommeil. Sans artifices, le Largo atteint la profondeur du dernier Beethoven et le festival de superlatifs se prolonge dans un Finale hallucinant – à une telle allure – de précision, de puissance et de sûreté, les déferlements de notes ayant cependant tendance, comme dans la Deuxième sonate, à s’enivrer d’un excès de pédale. Eclatante et festive, la Barcarolle (1846) ne s’alanguit pas dans une Venise fade ou flegmatique, mais, sorte d’«Iberia sur la lagune», regarde plutôt vers les fastes colorés d’Albéniz.


C’est une salle comble qui réserve à Zimerman une ovation debout. Des applaudissements avaient d’ailleurs retenti avant même les derniers accords du premier mouvement de la Deuxième sonate et, surtout, dès la fin de la première section du Deuxième scherzo. Mais le pianiste avait pris les choses avec le sourire, s’arrêtant un instant à la fin de la deuxième section et se tournant vers le public, comme pour s’étonner cette fois-ci de ne pas être interrompu. Les mêmes manifestations intempestives suivront toutefois le Largo de la Troisième sonate, sans qu’il en tienne visiblement rigueur aux spectateurs, donnant en bis la Deuxième des trois Valses de l’Opus 64 (1847), d’un raffinement tel qu’elle finit par en sembler trop apprêtée.



Simon Corley

 

 

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