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Songe d'une nuit blanche

Paris
Théâtre du Châtelet
02/15/2010 -  et 16, 17, 18*, 19, 20 février 2010
Stephen Sondheim : A Little Night Music
Greta Scacchi (Désirée Armfeldt), Lambert Wilson (Fredrik Egerman), Leslie Caron (Madame Armfeldt), David Curry (Henrik Egerman), Francesca Jackson (Petra), Nicholas Garrett (Comte Carl-Magnus Malcolm), Deanne Meek (Comtesse Charlotte Malcolm), Celeste de Veazey (Fredrika Armfeldt), Leon Lopez (Frid, le majordome de madame Armfeldt), Damian Thantrey (Mr. Linquist), Kate Valentine (Mrs. Nordstrom), Rachael Lloyd (Mrs. Anderssen), James Edwards (Mr. Erlanson), Daphné Touchais (Mrs. Segstrom)
Orchestre Philharmonique de Radio France, Johathan Stockhammer (direction)
Lee Blakeley (mise en scène)


(© Marie-Noëlle Robert)


Connu d’emblée comme le parolier de West Side Story, Stephen Sondheim, né en 1930, est également compositeur. Un compositeur plus qu’estimable, à en juger par cette création française d’A Little Night Music, qui témoigne d’une grande finesse dans l’instrumentation, due à Jonathan Tunick, et l’harmonie, d’une assimilation inventive du grand répertoire occidental aussi, en particulier de Ravel, dont La Valse vient souvent hanter la musique de ce musical comedy – Satie pointe également son nez. Ravel plutôt que Johann Strauss : quelque chose grince dans la légèreté souriante de cette musique destinée à Broadway, où elle fut créée en 1973, un an avant que Sondheim réalise la bande sonore du Stavisky d’Alain Resnais.


Rien d’étonnant, à vrai dire : A Little Night Music constitue une adaptation – assez élaborée – de Sourires d’une nuit d’été d’Ingmar Bergman. Des chassés-croisés érotiques troublent la clarté de la nuit blanche, à la faveur desquels les couples vont se recomposer selon la loi du désir – l’avocat Egerman partira avec la comédienne Désirée Armfeldt, son ancien amour, tandis que sa jeune femme, toujours vierge, se fera enlever par son fils, un séminariste dont le puritanisme cache mal les élans de la chair. Comme le souligne finement Alain Perroux – dont on recommandera une fois de plus le Comédie musicale, mode d’emploi – tout tangue dans une atmosphère qui rappelle à la fois les ambiguïtés de Shakespeare – le cinéaste suédois s’est naturellement inspiré du Songe d’une nuit d’été – et celles d’un Mozart qu’aurait revisité Tchekhov – au fait, voilà encore une « petite musique de nuit ». Comédie des apparences et de la réalité sur fond de nostalgie : la vieille madame Armfeldt, qui boit aussi bien à la mort qu’à la vie, évoque, telle la Comtesse de La Dame de pique, ses anciennes amours de femme entretenue par des hommes célèbres ; Désirée et Egerman constatent l’échec – provisoire – de leurs retrouvailles, alors même que leurs corps se sont pourtant réunis, dans « Send in the Clowns », devenu fameux grâce à Judy Collins, Franck Sinatra et Barbara Streisand.


La production du Châtelet est exemplaire, malgré un orchestre condescendant et une direction paresseuse. Les chanteurs ont le style du musical, où il faut plus un ton et un jeu qu’une voix au sens opératique, de Lambert Wilson, parfait Egerman, à Francesca Jackson, idéale en Petra, en passant par le Malcolm mordant de Nicholas Garrett – le seul rôle volontairement apparenté à l’opéra. N’oublions pas non plus le Quintette, avatar du chœur antique, observateur empathique des événements, remarquable dans les Liebeslieder. Et saluons Leslie Caron, qui ne peut plus que susurrer « Liaisons » mais d’une classe, d’un humour irrésistiblement délicieux, s’identifiant à un rôle fait sur mesure pour une ancienne Gigi. Se fondant sur une direction d’acteurs précise et juste, Lee Blakeley crée une ambiance crépusculaire de fin de siècle, un nocturne peuplé de fantômes qui se cherchent, en parfaite harmonie avec une dramaturgie que Lambert Wilson situe à juste titre entre Feydeau et Strindberg. Beau décor de Rae Smith dont le jardin du second acte pourrait avoir été dessiné par Klimt, subtilement animé par les lumières de Jenny Cane, où des rideaux coulissent sans cesse pour dire le glissement du temps, le vertige des consciences, la valse-hésitation des êtres dans le souvenir – tout commence par le mot « remember » et l’on entend très symboliquement, à la fin du premier acte, passer un thème du Chevalier à la rose.


Oublié, le monumental ratage de Norma : plus inspiré avec les musicals, Jean-Luc Choplin vient encore de réussir un beau coup.



Didier van Moere

 

 

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