About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Rendez-vous dans trente ans!

Paris
Salle Pleyel
02/20/2010 -  
Robert Schumann : Fantasiestücke, opus 73 – Six pièces en forme de canon, opus 56 (extraits) (arrangement Claude Debussy)
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour piano et violon n° 39, K. 385d [404]
Antonín Dvorák : Larghetto extrait des Pièces romantiques, opus 75, B. 150
George Rochberg : 50 Caprice Variations (extraits)
Johannes Brahms : Quatuor avec piano n° 1, opus 25 (*)

Gidon Kremer (violon), David Aaron Carpenter (alto), Yo-Yo Ma (violoncelle), Christoph Eschenbach, Tzimon Barto (*) (piano)


C. Eschenbach (© Eric Brissaud)


La riche semaine de célébration de l’anniversaire de Christoph Eschenbach tire à sa fin: après l’accompagnateur (voir ici), le chef, qui achève son mandat de directeur musical de l’Orchestre de Paris (voir ici), et le soliste, l’après-midi même dans deux concertos de Mozart (voir ici), voici le chambriste, le jour de ses 70 ans, pour un «concert de gala» quelque peu disparate, auquel les notes de programme d’Anne Roubet-Reymond s’efforcent, avec beaucoup de bonne volonté, de trouver une cohérence, reliant les œuvres sélectionnées aux différentes facettes de la personnalité et des activités du tout nouveau septuagénaire. Mais le seul vrai lien – et bien sûr le plus important – c’est celui de l’amitié, y compris dans les rangs d’une salle Pleyel comble, où se côtoient de nombreuses personnalités, à commencer par Pierre Boulez.


Bien que né à Paris, Yo-Yo Ma s’y est fait rare ces dernières années, de telle sorte que l’occasion de pouvoir l’entendre dans les Fantasiestücke (1849) de Schumann n’en était que plus précieuse. Pudique et immatériel, le violoncelliste dialogue à parité avec Eschenbach, même s’il leur aurait peut-être fallu un peu plus de temps de préparation pour que s’installe entre eux une complicité plus profonde.


La succession de stars se poursuit avec Gidon Kremer dans la Trente-neuvième sonate (1782) de Mozart, dernière d’une curieuse série de trois sonates fragmentaires: deux brefs mouvements, joués en effleurant les cordes et le clavier du bout de l’archet et des doigts, non sans fantaisie, chacun s’amusant par exemple à citer au détour de petites cadences, respectivement, le Vingt-et-unième concerto pour piano de Mozart et le Concerto pour violon de Beethoven. Puis ils poussent jusque dans ses ultimes retranchements la dernière des quatre Pièces romantiques (1887) de Dvorák, qui ne demandait sans doute pas tant d’extrémités dans l’expression comme dans la fragilité dépouillée.


Eschenbach s’assoit alors un peu en retrait, dans l’ombre, et le violoniste letton reste donc seul pour donner sept des 50 Caprice Variations (1970) de George Rochberg (1918-2005). Déjà auteur d’un Concerto pour violon de plus de 50 minutes, l’Américain a bâti un étonnant kaléidoscope de près d’une heure et demie, ensemble de variations et pastiches – passe ainsi furtivement le Concerto pour violon de Brahms – sur le Vingt-quatrième caprice de Paganini, qui est lui-même une série de variations à laquelle bon nombre de compositeurs se sont référés: une partition semblant avoir été écrite sur mesure pour Kremer, qui, après une prestation éclatante de technique mais aussi d’esprit, conclut sur l’énoncé du thème paganinien.


Les Six études en forme de canon (1845) de Schumann restent largement méconnues, probablement parce qu’elles ont été conçues pour un «piano à pédale» (Pedal-Flügel) qui a fait long feu: Bizet les a adaptées à quatre mains, mais c’est ici la version pour deux pianos réalisée par Debussy (1891). Tandis que le second clavier est installé et que Tzimon Barto, en raison d’une panne d’ascenseur, tarde à arriver sur le plateau, Eschenbach prend le micro, d’abord en français, et, après s’en être excusé auprès du public, dans un anglais qui ne paraît pas franchement plus fluide. Ayant enregistré ce recueil chez Ondine, les deux pianistes mettent superbement en valeur la dose de souplesse et de moelleux que l’arrangement debussyste instille à ces pages un tantinet austères et didactiques. Mais pourquoi diable, parvenus si près d’en jouer l’intégralité, omettent-ils la dernière Etude?


La voix ne pouvait être absente de cette fête: non seulement Eschenbach en est passionné depuis son plus jeune âge grâce aux conseils d’une mère cantatrice mais il a fait équipe avec les plus grands, tels Dietrich Fischer-Dieskau et Peter Schreier. Il reprend la parole pour annoncer une «surprise»: des amis chanteurs sont venus assister à la soirée et ont accepté de s’y produire – comme au débotté, si l’on en juge par leur tenue relativement plus décontractée que celle des artistes du programme «officiel». Ainsi, juste avant l’entracte, le baryton Matthias Goerne, qui fut notamment le partenaire de l’Orchestre de Paris et de son directeur musical dans la Symphonie lyrique de Zemlinsky tant au concert qu’au disque, monte sur scène pour prêter tout le velouté de son timbre et toute l’étendue de sa tessiture à l’un de ces merveilleux lieder de Brahms pourtant si négligés par les interprètes – «Quels délices tu répands, ô ma reine», dernier des neuf Mélodies et Chants de l’Opus 32 (1864) – puis à «Je suis perdu pour le monde», avant-dernier des cinq Rückert-Lieder (1901) de Mahler.


Confirmation de ce qu’Eschenbach, parmi les spectateurs pour assister à la seconde partie, demeure un accompagnateur hors pair, puisque Barto prend sa place de façon infiniment moins subtile et attentive avec Nikolai Schukoff, qui fut le Siegfried du Ring dirigé par le chef allemand au premier semestre 2006 au Châtelet. Cela étant, dans «La jeune fille revient de voir son bien-aimé», dernière des cinq Mélodies de l’Opus 37 (1900) de Sibelius, puis dans «Ma belle, ne chante pas devant moi», quatrième des Six romances de l’Opus 4 (1893) de Rachmaninov, le ténor autrichien se montre toujours aussi étrange et fascinant jusque dans ses faiblesses.


L’altiste américain David Aaron Carpenter (né en 1986), qui a gravé sous la direction d’Eschenbach des concertos d’Elgar et de Schnittke (Ondine), n’a pas eu les honneurs de la première partie, mais rejoint les trois vedettes pour former avec elles un quatuor avec piano qui a préparé une autre «surprise». Son ami Steven Schaeffer étant né le même jour (et «presqu’à la même heure») que Christoph Eschenbach, l’Anglais Mark-Anthony Turnage (né en 1960), également présent pour la circonstance, leur a destiné trois plaisantes «miniatures»: dédicace partagée pour la première, pleine de swing, la deuxième, plus lyrique et rêveuse, étant réservée à Eschenbach, et la troisième, rythmée et syncopée, à Schaeffer. Le Premier quatuor avec piano (1861) de Brahms déçoit ensuite par une mise en place imparfaite mais avant tout en raison du jeu à la fois brutal et maniéré de Barto. Or, comme en d’autres domaines, la mauvaise monnaie chasse la bonne, et des musiciens aussi fins que Kremer et Ma sont contraints de s’aligner sur cette lecture qui ne renonce à la lenteur que pour des excès démonstratifs dans le fameux Finale tzigane.


Alors que le héros du jour salue avec tous ceux qui ont contribué à cet hommage, Happy birthday to you retentit depuis le fond du parterre grâce à l’improbable duo constitué par deux solistes de l’Orchestre de Paris, Stéphane Labeyrie au tuba et Giorgio Mandolesi au basson. L’Italien a préparé d’autres arrangements divertissants où la chanson, confiée à un quintette à cordes également issu de l’orchestre, se mêle à des citations de quatuors de Haydn et Beethoven, tandis que le basson et le tuba, renforcés par le hautboïste Alexandre Gattet, l’associent de manière non moins cocasse à des thèmes de la Symphonie fantastique. Et cet octuor de fortune conclut sur un ragtime entrecoupé par le «Dies iræ» berliozien. Pas de gâteau, mais un beau bouquet de fleurs et tout le monde qui chante en chœur. Mais ce n’est pas fini, puisqu’au cours d’une réception tenue dans la foulée, Pierre Joxe, président du conseil d’administration de l’Orchestre de Paris, remet à Christoph Eschenbach les insignes d’officier dans l’ordre national du Mérite.


Place maintenant à des horizons nouveaux, tels qu’il les décrit sur son «site officiel» avec un humour teinté de poésie: «J’aimerais encore tenir la baguette quand j’aurai cent ans, car ma curiosité, toujours en éveil, sera de plus en plus capable, peut-être, de nouvelles découvertes. Ma vie jadis d’apatride approche de sa patrie: l’horizon vaste, infini, toujours énigmatique...». Bon anniversaire, et rendez-vous dans trente ans!


Le site de Christoph Eschenbach
Le site de David Aaron Carpenter
Le site de Yo-Yo Ma
Le site de Tzimon Barto
Le site de Matthias Goerne
Le site de Nikolai Schukoff



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com