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Ville rose ou ville russe ?

Paris
Salle Pleyel
02/14/2010 -  
Dmitri Chostakovitch : Ouverture de fête, opus 96
Sergueï Rachmaninov : Rhapsodie sur un thème de Paganini, opus 43 – Danses symphoniques, opus 45

Denis Matsuev (piano)
Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev (direction)


T. Sokhiev (© Denis Rouvère/Naïve)


Après Michel Plasson dirigeant Werther à l’Opéra (lire ici), voici Tugan Sokhiev interprétant Rachmaninov à la tête de l’Orchestre du Capitole, conduit pendant presque quarante ans par le premier. Question d’école, de génération, de répertoire ? Le jeune chef ossète n’a pas suivi les brisées de son prédécesseur, privilégiant des couleurs plus crues, des sonorités moins fondues, loin de l’esthétisme raffiné du chef français. Avant de revenir salle Pleyel pour Eugène Onéguine, Sokhiev, toujours très axé sur la musique russe, y proposait un programme Rachmaninov, inutilement précédé de la seulement brillante Ouverture de fête de Chostakovitch, qu’on aurait plutôt écoutée en bis. L’orchestre, de surcroît, a un peu de mal à se chauffer – ou à se surchauffer – dans cette démonstration sonore et, si la musique ne manque pas son effet, peine à assumer totalement l’allégresse précipitée de la partition.



Il trouve davantage ses marques dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini, que Denis Matsuev joue avec une confondante maestria. Un jeu profond, sanguin, instinctif, charnu et coloré, sans dureté dans la puissance, du grand piano russe. Mais après qu’il a piaffé et caracolé dans les fantasques premières et les dernières variations, le mystère, la rêverie, l’effusion trouvent leur place de la seizième à la dix-huitième – celle-ci magnifique – avec cette retenue dans l’émotion qu’exige la musique de Rachmaninov et dont témoignent ses propres enregistrements. L’invention transcende la virtuosité. L’accompagnement orchestral, même si la direction narrative du chef rend justice à la dimension rhapsodique de l’œuvre, pourrait être plus raffiné dans les détails, ce qui intégrerait davantage le piano à l’ensemble et donnerait moins l’impression d’un concerto. Deux bis : un « Août : la moisson » des Saisons de Tchaïkovski, superbe de concentration et de sonorité, puis un éblouissant air de Figaro revu et corrigé par Grigory Ginzburg dans sa Fantaisie sur un air du Barbier de Séville.



C’est dans la dernière œuvre achevée du compositeur, où passe, comme dans la Rhapsodie, ce « Dies irae » si présent chez lui, qu’orchestre et chef donnent toute leur mesure. Le Non allegro initial des Danses symphoniques révèle opportunément une nervosité incisive, avec des plans sonores à la fois précis et bien équilibrés, ainsi qu’une nostalgie très slave dans le fameux thème exposé au saxophone. Sokhiev arrive à donner à la sonorité des couleurs plus russes, tout en restituant bien, en bon chef de théâtre, le côté narratif et chorégraphique de la partition. Le Tempo di valse, où l’on attend souvent Mahler, fait plutôt penser à Sibelius, valse triste fantomatique et inquiète, aux teintes sombres. La dernière Danse confirme le niveau d’excellence de la phalange toulousaine, son homogénéité sonore, sa souplesse, la beauté de ses phrasés ; Sokhiev en restitue tout le lyrisme, inquiet ou festif, pour la couronner par une sorte de chevauchée fantastique après avoir réussi les transitions entre les différentes parties. De très belles Danses symphoniques, aussi passionnées que maîtrisées, dans lesquelles se déploie la richesse de l’orchestre de Rachmaninov, dont on ne fait trop souvent qu’un pianiste compositeur. La Ville rose serait-elle devenue la Ville russe ?


Généreusement, le chef offre trois bis : des extraits de Carmen et de Casse-Noisette, « Nimrod » des Variations Enigma.



Didier van Moere

 

 

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