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Un Napolitain à l’heure espagnole

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/14/2010 -  et 15* janvier 2010
Emmanuel Chabrier : Espana
Alberto Ginastera : Concerto pour harpe et orchestre, opus 25
Manuel de Falla : Le Tricorne, suite n° 2
Maurice Ravel : Rapsodie espagnole – Boléro

Xavier de Maistre (harpe)
Orchestre national de France, Riccardo Muti (direction)


R. Muti



Depuis plusieurs décennies, pour notre plus grand plaisir, l’équation «Riccardo Muti + Orchestre national de France = triomphe assuré» est devenue une habitude. Aussi ne doit-on pas s’étonner qu’il en ait été ainsi une fois encore, la phalange parisienne et le chef napolitain ayant été ovationnés comme rarement par un public en délire, qui avait rempli le Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au dernier strapontin. Il faut dire que, comme à l’accoutumée, Riccardo Muti avait concocté un programme original (sinon dans les œuvres choisies, du moins dans la trame souhaitée) qu’il a dirigé en alternant à souhait la poigne et l’effacement, laissant alors l’orchestre jouer de façon parfaitement autonome.


Cette soirée se voulait un hommage à la musique espagnole. Elle commença, de façon assez évidente, par l’emblématique Espana d’Emmanuel Chabrier (1841-1894), rhapsodie inspirée de thèmes ibériques qu’il avait entendus l’année précédente au cours d’un séjour en Espagne. L’excellence de l’orchestre (que l’on constate toujours lorsqu’il est conduit par des baguettes d’exception) frappe immédiatement: diversité des couleurs, suavité des cordes, précision des attaques chez les bois… D’emblée, on est à la fête!


Quittant la péninsule ibérique pour l’Amérique du Sud, la soirée se poursuivait par le rarement joué Concerto pour harpe d’Alberto Ginastera (1916-1983), compositeur argentin décédé en Suisse, auteur de plusieurs œuvres concertantes au cours des années soixante, le présent concerto datant pour sa part de 1965. Plus qu’un dialogue, l’œuvre donne davantage lieu à une alternance des interventions, la harpe passant de la douceur à laquelle on est généralement habitué à une violence inattendue des traits, le soliste devant alors jouer avec toutes les potentialités de l’instrument (qui, notamment dans le premier mouvement Allegro giusto, fait office de percussion, le musicien devant frapper la table de la harpe). Xavier de Maistre (lointain descendant de Joseph de Maistre), soliste de l’Orchestre philharmonique de Vienne, déploie un jeu d’une rare subtilité, plongeant le théâtre dans une atmosphère extatique à la fin du premier mouvement, les dernières notes étant jetées de façon véritablement poignante. Le deuxième mouvement s’avère extrêmement mélodieux, le dernier brillant surtout par les couleurs sud-américaines que l’on peut avoir en tête. Si de Maistre s’avère irréprochable, variant les tensions et alignant les notes avec une facilité déconcertante, Muti accompagne quant à lui le soliste avec beaucoup d’attention et de finesse même si l’on regrette parfois trop de retenue dans le tempo.


Après l’Espagne des Amériques, voici venue l’heure de l’Espagne authentique puisque, bien que mort en Argentine, Manuel de Falla (1876-1946) est né à Cadix. Le Tricorne, créé par les Ballets russes à Paris en 1919, est rarement donné en tant que tel: on lui préfère les deux suites orchestrales qui en ont été immédiatement tirées. Riccardo Muti, habitué à les programmer, avait ce soir choisi la Seconde Suite, qui, sans être une musique à programme, fait facilement défiler les images dans l’esprit de l’auditeur. Elle permet surtout de mettre en évidence l’excellence des solistes de l’orchestre, qu’il s’agisse ce soir du cor anglais de Laurent Decker, de la clarinette toujours aussi parfaite de Patrick Messina ou du cor de Vincent Léonard.


Enfin, comment terminer une soirée espagnole sans Maurice Ravel (1875-1937)? Cette fois-ci, ce n’est pas l’Espagne qui est décrite mais bien davantage les impressions que peut laisser les couleurs et le soleil andalous sur le compositeur: le décrit fait alors place au ressenti. Et, là aussi, deux partitions emblématiques puisque le National donnait successivement la Rapsodie espagnole (1908) et le Boléro (1928). On se laisse immédiatement prendre par l’atmosphère ténébreuse de la première œuvre où s’illustrent les dialogues entre flûtes, clarinettes et bassons. Riccardo Muti conduit l’orchestre avec une maestria que l’on ne cesse d’apprécier et une vélocité – il faut le voir bondir sur scène, se déhancher le cas échéant, plonger ses mains dans un orchestre qui lui répond au doigt et à l’œil pour en tirer toute la finesse et l’énergie – que l’on ne peut qu’admirer. Quant au Boléro, admirablement conduit grâce à la battue sans faille du percussionniste Emmanuel Curt, il conclut de manière triomphale un concert où Muti fut couvert d’applaudissements et de fleurs jetées par quelques aficionados. Décidément, l’équation de départ se vérifie toujours!


Le site de Xavier de Maistre
Le site de Riccardo Muti



Sébastien Gauthier

 

 

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