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Carmen BCBG

Toulon
Opéra
11/27/2009 -  et 29 novembre, 29*, 31 décembre 2009
Georges Bizet: Carmen

Giuseppina Piunti (Carmen), Roman Shulackoff (Don José), Nathalie Manfrino (Micaëla), Franco Pomponi (Escamillo), Anna Kasyan (Frasquita), Karine Motyka (Mercédès), Leandro Lopez Garcia (Zuniga), Christophe Gay (Moralès), Mathieu Abelli (Le Dancaïre), Willem Van der Heyden (Le Remendado)
Orchestre, Chœur et Ballet de l’Opéra de Toulon, Chœur spécialisé d’enfants du CNR de Toulon, Giuliano Carella/Jean-Luc Tingaud* (direction musicale)
Frédérique Lombart (mise en scène), Gerardo Trotti (décors), Llorenç Corbella (costumes), Erick Margouet (chorégraphie), Marc-Antoine Vellutini (lumières)


(© Magali Ruffato)


L’Opéra de Toulon est l’auteur de cette production de Carmen, qui a cependant été précédemment créée à Monte-Carlo. Le spectacle s’avère très réussi en tout point, sans pour autant susciter des émotions ou un enthousiasme exceptionnels. Décors, costumes et mise en scène apparaissent on ne peut plus réalistes et traditionnels, de même que la version de Francesca Zambello qui triomphe à Covent Garden depuis 2006 (captée en DVD avec Anna Caterina Antonacci et Jonas Kaufmann). Frédérique Lombart, une collaboratrice attitrée de Jérôme Savary, illustre le texte, certes sans grande originalité, mais sans contredire le drame. A tel point que les cigarières fument sur scène, au mépris des lois et du politiquement correct ! Mais c’est bien là la seule audace de ce spectacle. La direction d’acteur paraît précise, avec un excellent jeu de tous les protagonistes.


Sous la direction attentive et dynamique de Jean-Luc Tingaud (qui succède à Giuliano Carella, le directeur musical de l’Opéra de Toulon, lequel avait assuré les deux premières représentations), l’orchestre livre une prestation irréprochable. Les chœurs, même ceux d’enfants, paraissent parfaitement réglés. Chose rare, la diction des chanteurs apparaît globalement très satisfaisante, hormis pour les deux rôles principaux, plus inégaux, avec quelques colorations de voyelles parfois, mais qui restent mineures en comparaison de la désolante troupe coassante et cancanante dirigée par John Eliot Gardiner à l’Opéra-Comique de Paris en juin dernier et diffusée récemment sur France 3 !


Pratiquement tous les rôles et les ensembles ont paru fort plaisants, avec un superbe Quintette des contrebandiers à l’acte III, et un impeccable Duo des Cartes au IV, réunissant Anna Kasyan (Frasquita) et Karine Motyka (Mercédès). Du côté des hommes, le baryton Leandro Lopez Garcia (Zuniga) et le baryton-basse Christophe Gay (Moralès) ont déployé de belles voix, solides et bien timbrées. Dans le rôle du matador Escamillo, Franco Pomponi parvient à donner une forte impression de virilité, sans pour autant posséder une voix très puissante. La testostérone déborde, notamment lors des affrontements avec Don José ! A l’opposé, la soprano Nathalie Manfrino dans Micaëla nous comble par son timbre limpide et délicieux, par sa magnifique ligne de chant, très musicale, aux admirables nuances, d’autant plus émouvante qu’elle semble un peu fragile, avec des petits accrocs ponctuels. Elle paraît d’ailleurs bien fatiguée à la fin de l’acte III. Le ténor russe Roman Shulackoff (Don José) roule un peu les « r ». Au début, il a tendance à chanter de manière trop uniformément forte, et même tonitruante, comme pour impressionner la salle par ses moyens vocaux, ce qui s’avère bien inutile, vu la taille modeste du ravissant Opéra de Toulon. Il faut attendre le duo avec Micaëla pour voir apparaître enfin des nuances, qui se développeront dans l’air « La fleur que tu m’avais jetée », très joliment chanté. Et cette voix d’airain, au timbre héroïque et cuivré, parfois sombre, au fur et à mesure que le drame progresse, nous convainc davantage que nous avons affaire à un excellent Don José, tant il paraît l’incarnation idéale de la colère et du tragique à l’acte III, puis saisissant de folie meurtrière à la fin.


Giuseppina Piunti possède une articulation un peu inégale, parfois paresseuse, variable selon les airs (la Séguedille est meilleure que « L’Amour est un oiseau rebelle »). Mais on lui pardonne bien volontiers, tant elle campe une fière Carmen, élégante, sensuelle mais jamais vulgaire, avec son allure à la Penelope Cruz, et surtout sa voix flamboyante, aux inflexions de poitrine, aux éclats sauvages. Pourtant, à l’inverse de son partenaire russe qui se bonifie au fil des actes, elle finit par nous décevoir un peu, semblant un brin trop légère pour assumer l’intensité tragique qui va croissante. D’où peut-être l’impression paradoxale que laisse cette production, qui au-delà de ses excellentes et indéniables qualités objectives, ne nous procure pas le grand frisson escompté. Comme on aimerait parfois retrouver l’innocence de celui qui n’a jamais entendu la Carmen de Teresa Berganza ! Et il convient de relativiser ces réserves : nous formulerions les mêmes au Met ou à la Scala. Que l’Opéra de Toulon, qui ne possède à l’évidence pas des moyens comparables, parvienne à offrir un spectacle d’un tel niveau est une performance à saluer bien bas.



Philippe van den Bosch

 

 

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