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Prise d’otages Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/16/2010 - Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor avec piano n° 2, K. 493 (*) – Quintette avec clarinette, K. 581 (#) – Quintette à cordes n° 3, K. 515 (§)
Michel Lethiec (#) (clarinette), Gérard Poulet (# §), Dan Zhu (* # §) (violon), Nobuko Imai (* §), Vladimir Mendelssohn (# §) (alto), François Salque (* # §) (violoncelle), Jeremy Menuhin (*) (piano)
Pour sa dix-septième édition, «Prades aux Champs-Elysées», vitrine parisienne et hivernale du Festival Pablo Casals, change de formule: à nouveau trois concerts présentant des fidèles de l’été pyrénéen et mêlant les générations, mais au lieu d’être concentrés sur le mercredi, le vendredi et le samedi de la troisième semaine de janvier, ils sont répartis cette fois-ci sur l’ensemble du premier trimestre. Mozart (16 janvier), Chopin, année 2010 oblige (25 février), puis Schubert (12 mars): le choix demeure toujours celui du (très) grand répertoire, alors que le programme du festival proprement dit, qui se tiendra du 26 juillet au 13 août, célébrant à la fois soixante ans de musique à Prades et les quarante ans de l’académie ouverte aux jeunes musiciens, fait preuve de davantage d’originalité. Car s’il ne renonce évidemment pas aux bases sur lesquelles Casals a fondé cette manifestation en 1950, le directeur, Michel Lethiec, a, comme de coutume, trouvé une manière originale et parfois même ludique de célébrer ces anniversaires: C. Kreutzer, Reicha... mais aussi Bruno Fontaine, des coblas catalanes et un «mélange oriental».
La première soirée de cette nouvelle formule – où les somptueux programmes de salle (payants) ont été remplacés par un feuillet (gratuit) ne fournissant même pas les indications de tempo des différentes mouvements – était intitulée «Mozart les étoiles» et précédée d’une intervention d’Hubert Reeves sur «Astronomie et Ecologie». Les choses semblaient donc claires: conférence à 18 heures, concert à 20 heures. Grand écran au-dessus de la scène, petite table, fauteuil et micro-ordinateur côté jardin, l’installation requise pour la conférence n’a cependant pas été retirée alors que le public s’installe dans la salle: c’est que l’astrophysicien se propose d’expliquer, au fur et à mesure du concert, «l’analogie entre création musicale et création de l’Univers», qui tendent «vers le même but: la beauté et l’harmonie» – pourquoi ne pas renouveler le thème de l’harmonie des sphères? Mais sans que cela enlève quoi que ce soit au respect et à l’admiration qu’on peut éprouver pour la personnalité et le savoir du Canadien ainsi que pour sa manière très pédagogique de vulgariser les connaissances scientifiques, il est permis de penser que les spectateurs, dont certains expriment une exaspération croissante face à cette sorte de prise d’otages, n’étaient pas venus pour entendre Reeves discourir durant 40 minutes de sujets sans nul doute passionnants mais dont le lien avec la musique paraît quelque peu ténu. Et dire que Pascal était effrayé par «le silence éternel de ces espaces infinis»...
Comme il est semble-t-il de mode d’illustrer la musique par des images, lorsqu’il ne parle pas, le conférencier fait défiler des vues de galaxies, nébuleuses et autres merveilles célestes, à raison d’une par mouvement. Il profite de l’occasion pour projeter, entre chaque photographie, un écran indiquant le tempo du mouvement qui va suivre, mais où il intervertit le Menuetto et l’Andante du Quintette à cordes en ut (1787). Et Michel Lethiec, avant de jouer le Quintette avec clarinette (1789), croit bon de devoir préciser qu’il fut créé par son inspirateur, Anton Stadler, avec un quatuor légendaire, formé de Haydn, Dittersdorf, Mozart et Vanhal: volonté d’enjoliver l’histoire ou simple confusion avec l’habitude prise par Mozart et Haydn quelques années plus tôt, selon des témoignages de l’époque, consistant à jouer certains de leurs quatuors avec leurs deux amis compositeurs?
Quant aux musiciens, ils ont offert une prestation typiquement pradéenne, jusque dans ses limites: un évident plaisir de jouer ensemble, mais qui passe peut-être plus difficilement la rampe de l’avenue Montaigne que le chœur de l’abbaye Saint-Michel de Cuxa. En outre, une prudence mesurée et de bon ton et un propos linéaire, confinant au manque de caractère et à l’assoupissement – mais aussi trop d’accrocs et d’approximations, à commencer par Jeremy Menuhin et Dan Zhu dans le Second quatuor avec piano (1786) – suggèrent le caractère un peu improvisé de cette sympathique réunion, à l’image de Vladimir Mendelssohn se débattant avec une énergie comique avec une volumineuse partition pliée en accordéon. Mais les spectateurs, visiblement toujours rassurés par le label de qualité de Prades au point d’applaudir entre les mouvements, en redemandent et obtiennent en bis le Rondo final du Quintette à cordes.
Le site du Festival Pablo Casals
Simon Corley
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