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La voix en images

Paris
Amphithéâtre Bastille
01/13/2010 -  et 15*, 16 janvier 2010
Kaija Saariaho : Tag des Jahrs – Lonh (*) – Nuits, Adieux... – From the Grammar of Dreams (#) – Echo!

Solistes XXI: Céline Boucard (*), Raphaële Kennedy (#) (sopranos), Katalin Kàrolyi (alto), Sébastien Amadieu (contre-ténor), Laurent David, Edouard Hazebrouck (ténors), Jean-Sébastien Nicolas, Jean-Christophe Jacques (barytons), Rachid Safir (direction)
Image Auditive: Jean-Baptiste Barrière (création visuelle, réalisation des images et informatique musique/image), Pierre-Jean Bouyer (réalisation des images et informatique musique/image), François Galard (réalisation des images et caméras), Isabelle Barrière (caméras)


K. Saariaho (© Olivier Roller)



L’ensemble «les jeunes solistes», fondé en 1988 par Rachid Safir, s’appelle désormais «Solistes XXI». Mais ses membres sont encore jeunes et plus que jamais solistes, ainsi que l’a confirmé ce programme intégralement dédié à Kaija Saariaho, donné à trois reprises à l’Amphithéâtre Bastille. Si c’est à Lyon qu’elle réserve, en mars prochain, la primeur de son nouvel opéra, Emilie, la Finlandaise n’en reste pas moins bienvenue à l’Opéra de Paris, où furent présentées la première d’Adriana Mater en avril 2006 (voir ici) et la création française de La Passion de Simone en juin dernier (voir ici).


Intitulé «Voix, Espace...», ce «spectacle multimédia» se fonde sur cinq partitions associant la voix à l’électronique, en temps réel ou par sons préenregistrés, et illustrées, sur un écran placé en fond de scène, de «créations visuelles» conçues par Jean-Baptiste Barrière et son équipe du studio Image Auditive. La musique a-t-elle nécessairement besoin de l’image? Les expériences récentes incitent en effet à la prudence, les déceptions – Huitième symphonie de Mahler en mars 2008 à Bercy (voir ici), intégrale Varèse en octobre dernier à Pleyel (voir ici) – ayant été plus rares que les réussites – Bill Viola dans le Tristan mis en scène par Peter Sellars en 2005 et 2008 à Bastille (voir ici). Barrière lui-même avait suscité plus d’enthousiasme pour son travail pour la reprise de L’Amour de loin de Saariaho en mars 2006 au Châtelet (voir ici) que pour la version de concert de Saint François d’Assise de Messiaen en octobre 2008 à Pleyel (voir ici).


Pour cette soirée monographique, son approche se veut pour le moins modeste: «Avant tout, l’image de doit pas empêcher d’écouter la musique». De ce point de vue, son objectif est indéniablement atteint: entre abstraction et figuration, nuages colorés, ondulations liquides et imagerie médiévale auxquels se superposent des gros plans des chanteurs filmés en direct ne prennent pas le pas sur la matière sonore, sans être inutilement redondants. Mais rien n’interdit à l’auditeur de fermer les yeux et de laisser libre champ à ses propres visions... et de penser que la musique de Saariaho se suffit à elle-même. Quant à la reproduction très soignée des textes et, le cas échéant, de leur traduction obligeamment fournie par le programme de salle – presque totalement muet, en revanche, s’agissant des œuvres – il n’aura été possible d’en faire usage qu’avant ou après le concert, ou bien durant le bref entracte, le public étant le reste du temps plongé dans le noir.


L’agencement du spectacle obéit à une construction en arche: une pièce à quatre voix, entourée de deux pièces solo, elles-mêmes encadrées chacune par une pièce à huit voix. Au centre, donc, Nuits, Adieux... (1991): le poème de l’oulipien Jacques Roubaud (né en 1932) et l’extrait de Séraphita (1834) de Balzac passent d’un pupitre à l’autre, pendant que les trois autres chanteurs accompagnent de bruitages divers, notamment une amusante et suggestive progression en halètements et soupirs.


Les deux œuvres pour soprano solo constituent bien évidemment chacune un défi pour les chanteuses. A Céline Boucard échoit Lonh (1996), sur un texte en vieux provençal du troubadour Jaufré Rudel, dont le titre signifie «De loin»: on reconnaît là une étude préparatoire à l’opéra L’Amour de loin, celui qu’éprouve le troubadour du XIIe siècle pour cette Clémence de Tripoli qu’un pèlerin lui a décrite. Lambeaux de texte en français, en anglais et en provençal, tintinnabulements, chants d’oiseaux, bruits du vent et de la mer, la bande, réalisée à l’IRCAM, est ici presque plus descriptive que les images, l’ensemble provoquant un délicieux envoûtement.


Raphaële Kennedy se confronte quant à elle au langage plus heurté et moins consensuel de From the Grammar of Dreams (2002), dont la version originale, quatorze ans plus tôt, était destinée à deux sopranos et à un ensemble instrumental: chacun des deux poèmes, extraits respectivement d’Ariel et de La Cloche de détresse de l’Américaine Sylvia Plath (1932-1963), est découpé en plusieurs fragments, dont le texte n’est guère intelligible, l’intérêt de la démarche résidant en un dialogue très serré et virtuose, voire un conflit, entre la soliste et son double électronique, parallèlement au dédoublement de son visage à l’écran.


Combinant précision et souplesse dans sa manière quasi boulézienne de diriger, Safir est l’auteur de l’arrangement (2006) pour huit voix de Tag des Jahrs (2001), initialement écrit pour chœur et électronique. Les poèmes de Hölderlin évoquent le cycle des saisons, du printemps à l’hiver, et la musique diffusée par les haut-parleurs contribue à une impression confortablement planante. Echo! (2007), composé pour l’Opéra de Paris et les jeunes solistes sur un poème en trois sections d’Alexandre Barrière, exploite certains des effets de réverbération et de résonance déjà expérimentés dans Nuits, Adieux... et From the Grammar of Dreams, tout en recourant à une écriture plus traditionnelle, de nature plus harmonique et contrapuntique, où les voix s’opposent volontiers par blocs, graves contre aigus.


Changement radical de style pour le prochain concert des Solistes XXI à l’Amphithéâtre Bastille, le 18 mai prochain, qui proposera des «Chansons de France» de Poulenc, Debussy, Schmitt et Ravel ainsi qu’une création de Vincent Bouchot.


Le site de Kaija Saariaho
Le site de Jean-Baptiste Barrière
Le site de l’ensemble Solistes XXI



Simon Corley

 

 

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