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Bernstein et Rachmaninov incandescents Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence 12/22/2009 - et 19 décembre 2009 (Madrid) Oliver Rappoport: Metanoia (création française)
Leonard Bernstein : Danses symphoniques de «West Side Story»
Sergueï Rachmaninov : Symphonie n° 2, opus 27
Orchestre français des Jeunes, Kwamé Ryan (direction)
(© Agnès Mellon)
L’Orchestre français des jeunes, institué en 1982, est en résidence au Grand Théâtre de Provence depuis 2007. Ce concert clôt la session de travail hivernale, après une prestation à Madrid trois jours plus tôt. Il était dirigé par l’étonnant Kwamé Ryan, chef canadien d’origine afro-américaine, formé d’abord à Trinidad, puis à Cambridge, et depuis 2007 directeur artistique et musical de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, avec lequel il vient d’enregistrer chez Mirare une fort belle version de la Deuxième Symphonie de Rachmaninov (lire ici).
Le travail accompli avec et par ces jeunes musiciens s’est avéré éblouissant. Les Danses symphoniques de «West Side Story» ont sonné de la manière la plus festive et réjouissante : il était bien difficile de rester assis dans son fauteuil devant ces rocks et ces mambos déchaînés ! Mais ces parodies jazzy recèlent des subtilités inattendues, admirablement mises en lumière, et supposent un redoutable travail de mise en place, dont l’orchestre s’est acquitté tout en semblant beaucoup s’amuser. Et les passages langoureux se sont déployés avec une séduction irrésistible.
La Deuxième Symphonie de Rachmaninov a été aussi admirablement maîtrisée de bout en bout, en donnant un sens tout à fait clair et évident à chaque élément, alors qu’il s’agit d’une partition souvent beaucoup plus complexe qu’on pourrait le croire. Kwamé Ryan, semble inscrire sa perspective interprétative dans la filiation de l’expressivité directe et paroxystique du regretté Svetlanov, ce qui ne peut que nous combler, car en cette époque timorée et prudente, nous manquons cruellement de musiciens audacieux qui osent les emportements extrêmes. L’orchestre a remarquablement incarné sa vision, et les grands thèmes lyriques nous ont élevé dans leur chant d’amour et de nostalgie sublime, procurant des émotions extraordinaires. Que demander de plus en concert ? Le critique le plus pinailleur pourra évoquer que certaines grandes phalanges parviennent à des sonorités plus veloutées, à des dosages plus mesurés et plus subtils, surtout dans les tutti, particulièrement déchaînés ici ! Mais combien de fois avons-nous entendu des orchestres et des chefs pourtant réputés livrer des prestations fades et routinières, voire carrément indignes, transformant ce type de partition en bouillie sonore indigeste. En comparaison, la remarquable qualité et la puissance émotionnelle atteinte par ces jeunes mérite tous les éloges !
Le programme a été ouvert par la création française de Metanoia, du compositeur espagnol Oliver Rappoport (né en 1980). Mobilisant un très grand orchestre avec un bel ensemble de percussions, l’œuvre se caractérise son utilisation du vocabulaire le plus contemporain, mais avec une claire succession d’événements et une dimension spectaculaire frappante : rien d’abscons ni d’ennuyeux ! Elle s’ouvre dans une ambiance apocalyptique saisissante, on se croirait au milieu d’un champ de bataille, parmi les bombes qui explosent et les sirènes hurlantes, avant une séquence à l’ambiance onirique, de sons ténus, de glissandos plaintifs, de résonances ténébreuses. Un troisième temps s’anime de bruitages divers, jeu col legno, table d’harmonie tapotée ou caressée du crin de l’archet, souffles, chuchotements voire cris des musiciens. Puis advient un épisode tissé de mélopées, souvenirs d’une musique qui fut tonale, avant un retour du climat cauchemardesque initial. Cette partition très différenciée se laisse écouter avec beaucoup de facilité, tant elle ressemble à un accompagnement pour une scène de film imaginaire.
Le site de l’Orchestre français des jeunes
Le site d’Oliver Rappoport
Philippe van den Bosch
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