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Così revu par David McVicar : seconde visite Strasbourg Opéra National du Rhin 12/11/2009 - et 14, 16, 21, 23 décembre à 20h, 26 décembre à 17h (Strasbourg), 8 janvier à 20h et 10 janvier à 15h (Mulhouse - La Filature) Wolfgang Amadeus Mozart : Così fan tutte Jacquelyn Wagner (Fiordiligi), Stephanie Houtzeel (Dorabella), Hendrickje Van Kerckhove (Despina), Sébastien Droy (Ferrando), Johannes Weisser (Guglielmo), Peter Savidge (Don Alfonso)
Orchestre de Mulhouse, Ottavio Dantone (direction)
David McVicar (mise en scène originale), Chris Rolls (metteur en scène associé), Yannis Thavoris (décors), Tanya McCallin (costumes), Paule Constable (éclairages), Leah Haussman et Andrew George (mouvements) (© Alain Kaiser)
Depuis sa création à Strasbourg en décembre 2005 (lire ici), le Così fan tutte de David McVicar a continué d’évoluer, lors d’une remise complète sur le métier au Scottish Opera il y a quelques mois. Révision approfondie assurée par David Mc Vicar lui-même, pour cette production que l’on retrouve à présent à Strasbourg, remontée par un assistant, et à nouveau avec une équipe toute nouvelle, où seul l’Alfonso de Peter Savidge subsiste de la distribution écossaise.
Tribulations multiples pour une production qui reste bien vivante, évoluant au gré des personnalités engagées. A cet égard on n’est d’ailleurs pas sûr que le travail de Chris Rolls «metteur en scène associé» chargé de remonter la production, s’avère totalement pertinent, tant David McVicar travaille en quelque sorte « sur mesure » avec les tempéraments scéniques dont il peut disposer à un instant donné, inventant des caractéristiques de jeu qui ne conviendront pas aussi bien à des titulaires différents. C’est un peu la mésaventure que connaît l’intéressante Despina de Hendrickje Van Kerckhove, d’un tempérament comique probablement très affûté, mais sur les épaules de laquelle les indications scéniques conçues initialement pour Marie McLaughlin, formidable personnalité de meneuse de revue, paraissent plaquées comme un vêtement trop large. En tout cas ce Così échappe à la sensation de routine qui menace les reprises remontées à la hâte : on redécouvre un spectacle qui paraît à bien des égards s’être bonifié, et qui bénéficie de surcroît d’une distribution plus homogène que lors des représentations initiales.
Aucune voix exceptionnelle n’est à l’affiche, mais en termes de compatibilité et d’aptitude à l’écoute mutuelle, les chanteurs possèdent tous cette complémentarité indispensable pour un opéra tel que Così, où les ensembles sont fondamentaux. L’équipe 2009 fonctionne en définitive mieux que celle de 2005, où l’on trouvait cependant des tempéraments individuellement plus intéressants. Aucun des airs ne suscite ici d’enthousiasme particulier, ce qui est dommage. En revanche la cohésion et la fusion des ensembles sont souvent passionnants, ce qui reste un atout essentiel. Côté masculin les voix sont relativement pâles, à commencer par le Guglielmo de Johannes Weisser, qui possède certes une bonne expérience scénique du rôle mais dont le timbre de baryton paraît bien ordinaire. L’Alfonso de Peter Savidge manque lui aussi de relief, en dépit d’une caractérisation réussie de vieil aigri, dont le comportement actuel découle de probables déceptions amoureuses anciennes. Le cas de Sébastien Droy paraît plus intéressant : le timbre est légèrement voilé, la projection assez discrète, mais l’investissement psychologique d’Un' aura amorosa, par exemple, est émouvant, tout en se limitant à des moyens expressifs strictement musicaux. Côté dames, la Despina de Hendrickje Van Kerckhove paraît alerte, mais aussi trop jeune et soubrette pour faire le poids face à ses deux patronnes. La Dorabella de Stephanie Houtzeel chante honorablement ses airs, avec quelques gênes aux entournures dans Smanie implacabile, et la chanteuse américaine Jacquelyn Wagner paraît promise à des emplois plus lourds que Fiordiligi, son agilité relative paraissant déjà prise en défaut par les vocalises escarpées de Come scoglio. En fosse Ottavio Dantone, chef issu du monde baroque, n’évite pas toujours les problèmes de cohésion liés à des tempi rapides, avec même la nécessité de quelques coups de frein peu heureux. Mais ce qui est obtenu de l’Orchestre de Mulhouse est globablement très honorable, voire d’une vraie poésie mozartienne, une fois oubliée une Ouverture d'un dessèchement de mauvais augure.
Somme toute un Così réussi, dans les jolis décors de mer napolitaine de Yannis Thavoris, dont les perspectives discrètement surréalistes sont magnifiées par les splendides éclairages de Paule Constable. Les personnages y vivent, se cherchent, se jaugent, les couples tardant à s’assembler, mais selon des configurations qui finalement persisteront, en contradiction avec le livret. Une fin originale, mais que David McVicar parvient à nous faire ressentir comme la plus logique possible, pour un opéra intensément vécu.
Laurent Barthel
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