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L’air de rien

Paris
Théâtre du Châtelet
12/21/2009 -  
Les leçons de musique de Jean-François Zygel : Der Freischütz de Weber

Caroline Allonzo (Agathe), Emmanuelle de Negri (Annchen), Jean-Francis Monvoisin (Max), Frédéric Goncalves (Kaspar, Ein Eremit), Jacky da Cunha, Matthieu Cabanes (ténors), Arnaud Guillou (baryton), Pierre Bessière (basse)
Jean-François Zygel (piano), Stéphane Resche (assistant), Jean-Christophe Mast (mise en espace)


J.-F. Zygel (© Denis Rouvre/Naïve)



Au fil des ans, Jean-François Zygel, dont on a peine à deviner que 2010 marquera pour lui l’entrée dans la cinquantaine, a diversifié son activité pédagogique – concerts avec le Philharmonique de Radio France, DVD, télévision, ... – mais il reste fidèle à la formule qui l’a fait connaître dans ce rôle si rare, parce que si difficile, de «passeur» de la musique «classique» vers un plus large public, sous un titre pourtant a priori rébarbatif, les «Leçons de musique». En passant de la mairie du XXe au Châtelet, elles n’ont en rien perdu leur public: les deux séances du lundi (15 heures et 20 heures) font toujours recette, plutôt auprès des seniors, bien que l’entrée soit libre pour les moins de 18 ans et que les moins de 25 ans bénéficient d’un tarif réduit. Mais elles ont gagné en moyens techniques et artistiques: petit indicatif de gentilles flûtes à bec, diffusion – pas toujours très bien calée – de musiques enregistrées, scénographie et mise en espace.


Car après s’être longtemps intéressé aux compositeurs, Jean-François Zygel s’attaque cette année aux opéras: parmi les sept «leçons», deux viennent en parallèle de la programmation du Châtelet (La Flûte enchantée en octobre dernier, Norma en janvier prochain) et les six autres sont consacrées à des piliers du répertoire dont il y a fort à parier qu’ils apparaissent tous ici ou là cette saison à l’affiche à Paris ou en région – Rigoletto, Faust, Lohengrin, Pelléas et Les Noces de Figaro. Ce n’est peut-être pas le cas en revanche du Freischütz (1821) de Weber, dont la popularité est supérieure dans le monde germanique, équivalant sans doute, comme le suggère Zygel non sans pertinence, à celle de Carmen dans notre pays.


Sur fond de rideau de scène puis de décors de La Mélodie du bonheur, assez bien en situation, le déroulement de la séance est on ne peut plus simple. Zygel présente les quatre personnages principaux, qui chantent un extrait caractéristique de leur rôle – d’emblée, l’Annette d’Emmanuelle de Negri l’emporte haut la main. Puis il commente l’Ouverture au fur et à mesure qu’il la joue au piano. Après avoir ainsi posé les principaux éléments de l’action et thèmes musicaux, il fait alterner narration et interprétation des principaux numéros de la partition, avec les moyens du bord – comme dans l’Ouverture, le disque vient au secours pour la conclusion de la scène de la Gorge aux loups.


Son assistant Stéphane Resche, lorsqu’il ne tourne pas les pages et se joint à lui pour un quatre mains, puise dans une malle en osier les accessoires les plus hétéroclites: picachu qui tiendra lieu de hibou, sceptre (d’Ottokar, bien sûr), parapluie, crânes, queue rouge de diablotin permettant à Zygel d’endosser le rôle (parlé) de Samiel. En outre, le metteur en scène Jean-Christophe Mast a effectué un travail de mise en espace – les huit solistes vocaux, qui forment au besoin un chœur de fortune, se déplaçant sur scène et même dans la salle – augmenté de divers accessoires (guéridon, chaises, fusils, chapeaux, pinte de bière) et même d’éclairs et fumées.


Bref, on ne s’ennuie pas un instant, d’autant que le propos est non seulement ludique – Zygel s’amuse le premier («Charles Marie Wébèr», allusions à l’actualité, imitation des cors de chasse, en ut et en fa, s’il vous plaît, belle voix de fausset) – mais aussi participatif – les spectateurs ululent les «Uhui! Uhui!» des esprits invisibles puis chantent mezza voce les «la la la» du chœur des chasseurs – et généralement exact – sauf quand il situe la fin de la Guerre de trente ans au début du XVIIe siècle. Sans oublier, au passage, dans l’esprit des «minutes du professeur Solfège», de brefs éclairages sur quelques notions théoriques, comme les harmoniques naturelles et le trémolo.


En deux heures, un tour complet, l’air de rien, du Freischütz: que demander de plus?


Le site de Jean-François Zygel



Simon Corley

 

 

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