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A l’italienne Paris Théâtre des Champs-Elysées 12/17/2009 - Wolfgang Amadeus Mozart: Der Schauspieldirektor, K. 486 (Ouverture) – Die Entführung aus dem Serail, K. 384 («Martern aller Arten»)
Ermanno Wolf-Ferrari : I Quattro Rusteghi (Vorspiel et Intermezzo) – Il Segreto di Susanna (Ouverture)
Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor («Il dolce suono», «Spargi d’amaro pianto») – Roberto Devereux (Ouverture, «E sara, in questi orribili», «Vivi, ingrato», «Quel sangue»)
Ruberto Chapí : La Revoltosa (Preludio)
Vincenzo Bellini : Il Pirata («Oh, s’io potessi», «Col sorriso», «Oh sole, ti vela»)
Edita Gruberova (soprano), Julie Gautrot (mezzo-soprano) Xavier Mauconduit (ténor), Benjamin Alluni (baryton)
Oviedo Filarmonía, Friedrich Haider (direction)
E. Gruberova (© Eiichiro Sakata)
Quarante ans de carrière, soixante-trois ans le 23 décembre prochain, Edita Gruberova, très rare à Paris, a eu un triomphe au Théâtre des Champs-Elysées. Il est vrai que ses moyens vocaux sont restés stupéfiants. Après une ouverture du Directeur de théâtre (1786) de Mozart quelque peu décevante, l’Orchestre Philarmonique d’Oviedo étant dirigé d’une main manquant de fermeté et d’allant par son chef titulaire, l’Autrichien Friedrich Haider – complice de la cantatrice depuis plusieurs années et ayant déjà enregistré avec elle, notamment une Norma (voir ici) – l’air de Konstanze de L’Enlèvement au sérail (1782) parut fade, la soprano semblant en retrait et sa prononciation n’étant pas toujours convaincante. L’enthousiasme du public, au milieu duquel figuraient des chorales entières venues pour une leçon de chant, fut néanmoins, d’emblée, extravagant.
Suivait un intermède purement orchestral consacré à Ermano Wolf-Ferrari (1876-1948), ardemment défendu par Haider, notamment à Oviedo (voir ici). Les deux pièces, I Quattro Rusteghi (1906) et Il Segreto di Susanna (1909), furent remarquablement interprétées, pleines de finesse, de légèreté, un brin ironiques même. La fluidité de l’ouverture et la tenue des cordes, essentiellement russes, montrèrent que l’orchestre n’était vraiment pas venu de la Principauté des Asturies pour faire de la figuration.
Ses qualités furent confirmées dans les airs tirés de Lucia di Lammermoor (1835) de Gaetano Donizetti (1797-1848). Ingri Elise Engeland à la flûte y montra notamment une remarquable aisance, tout à fait enchanteresse. Gruberova fut cette fois souveraine, dans toute l’étendue, fascinante, de sa tessiture, les aigus étant d’une puissance et d’une précision confondantes. L’air «Spargi d’amaro pianto...», rejoué en bis (avec un manque de souffle qui provoqua quelques mouvements), fut d’un naturel et d’une délicatesse à l’évidence supérieurs.
Après la pause, un hommage à Ruperto Chapí (1851-1909) fut rendu au travers du «Preludio» de La Revoltosa (1897), une de ses très nombreuses zarzuelas, plutôt bien mené et exempt de toute profondeur comme de vulgarité. Les airs d’Imogène de Bellini (1801-1835) tirés de l’acte II d’Il Pirata (1827) permirent à la flûtiste principale de l’orchestre de montrer à nouveau sa domination de son instrument, et Gruberova, dans une autre robe mais d’un autre âge comme celle de la première partie, son agilité vocale, ses coloratures autant que son sens dramatique. Après l’ouverture bien grasse de Roberto Devereux (1837) de Gaetano Donizetti, entamée dans la précipitation par Haider, Gruberova écrasa l’orchestre, et les excellents chanteurs (Julie Gautrot, Xavier Mauconduit et Benjamin Alluni) convoqués pour de modestes interventions, de sa supériorité dans l’air d’Elisabetta tiré de l’acte III du même opéra. L’amplitude de son registre, sa parfaite maîtrise du souffle, ses pianissimi comme ses aigus, d’une virtuosité inouïe lui permirent d’exprimer admirablement le désespoir de l’héroïne et suscitèrent un véritable délire dans la salle, une grande partie du public hurlant son admiration debout.
Cela n’était rien à côté de ce qui allait suivre, après un premier bis consacré à La Chauve-souris (1874) de Johann Strauss fils, où Gruberova fit montre, dans un changement de registre complet, d’espièglerie et d’humour autant que de finesse musicale. Après un retour à Donizetti, le chef ayant demandé au public, en français, s’il était prêt à réentendre l’air tiré de La Chauve-souris et ayant obtenu du public un oui massif, la soprano conclut son récital par cet air, de façon moins convaincante que la première fois mais surprenant à plusieurs reprises, telle une chauve-souris, le premier violoncelle et minaudant avec l’aisance des grandes. Le public n’attendit pas qu’elle eut fini pour applaudir à nouveau à tout rompre. A l’italienne.
Le site d’Edita Gruberova
Stéphane Guy
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