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Musicalement exceptionnel Paris Opéra Bastille 05/31/1999 - et 3, 5, 9, 12, 15, 19, 22, 25, 28 juin 1999 Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni Bryn Terfel (Don Giovanni), José van Dam (Leporello), Kristinn Sigmundsson (Il Commendatore), Carol Vaness (Donna Anna), Rainer Trost (Don Ottavio), Barbara Frittoli (Donna Elvira), Erwin Schrott (Masetto), Juliette Galstian (Zerlina)
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris, James Conlon (direction)
Dominique Pitoiset (mise en scène) Sans doute comme point d'orgue (en attendant Alcina !) d'une saison exceptionnelle par ses distributions vocales (citons Samuel Ramey et Carol Vaness dans Don Carlo, Felicity Lott et Anne Sofie von Otter dans Le Chevalier à la rose, Cristina Gallardo-Domas dans Les Capulet et La Bohème, Christine Schäfer dans Le Nain, Jean-Philippe Lafont dans Macbeth et Wozzeck, Kurt Moll dans Parsifal, Waltraud Meier dans Lohengrin, Susan Graham dans La Clémence, Natalie Dessay et Dawn Upshaw dans La Flûte, etc), cette nouvelle production de Don Giovanni offre peut être la meilleure distribution possible actuellement de cette oeuvre phare du répertoire. Rien de moins.
Mais commençons par James Conlon dont le rôle est essentiel tant il participe par ses qualités à l'éclosion de ces voix inoubliables : choix judicieux d'un orchestre resserré (une quarantaine de musiciens) qui n'oblige jamais les chanteurs à forcer pour se faire entendre, jamais de précipitation non plus pour les laisser respirer et développer tout leur art de la nuance, vivacité enfin pour conduire le drame. Un écrin idéal.
Jamais contraintes par un chef maladroit, fuyant toute démonstration ou caricature, les voix se déploient dans une beauté et une pureté confondantes. A 33 ans, le gallois Bryn Terfel s'impose comme un Don Giovanni d'exception, sachant allier puissance et souplesse, mordant et noblesse, musicalité et articulation. La jeune italienne Barbara Frittoli incarne une Elvire passionnée et touchante, au timbre lumineux et aux facilités vocales impressionnantes, on se réjouit par avance de la réentendre en Fiordiligi (Cosi) l'année prochaine à Garnier, un de ses rôles de prédilection. Rainer Trost (33 ans), récent très bon Tamino de La Flûte enchantée (en mars dernier à Bastille), campe un Don Ottavio remarquable et confirme son statut de grand mozartien. Juliette Galstian fait une Zerline charmante à la voix légère et agile et Kristinn Sigmundsson impressionne en Commandeur. Les "anciens" ne sont pas en reste avec la splendide Carol Vaness, inoubliable Donna Anna, et José van Dam en Leporello, un rôle qu'il connaît par coeur et dont il nous révèle toute la richesse.
Malheureusement, le travail scénique ne se situe pas au même niveau, loin de là. Manifestement à court d'imagination, Dominique Pitoiset s'est largement inspiré de la mise en scène minable mais au combien médiatisée de Peter Brook au Festival d'Aix-en-Provence, c'est à dire d'un dispositif qui se caractérise surtout par son vide et son manque total d'inspiration : un plateau nu servant pour toutes les scènes (le décor est une scène de théâtre sans décors, quel aveu d'impuissance !), quelques échelles, trappes et accessoires pour meubler, Don Giovanni caricaturé en malfrat. Le jeu des acteurs est cependant mieux réussi, plus lisible et plus rythmé, mais la fin tourne à la vulgarité (Don Giovanni mange des pâtes avec ses mains comme un sauvage !) et au kitsch (des vraies flammes crachées par des chalumeaux pour figurer celles de l'enfer...). Une vision tronquée et fallacieuse de l'oeuvre qui sous couvert de vouloir revenir à un théâtre plus essentiel et plus dépouillé révèle surtout un travail pressé et superficiel de la part du directeur du Théâtre national Dijon Bourgogne. Pourrait-on faire une reprise en changeant le metteur en scène au lieu des chanteurs...
Philippe Herlin
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